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que le crime emploie le plus habituellement, de trouver une grande quantité de plomb dans les viscères de la victime.

Le mode d'expérimentation que nous avions suivi ne nous permettant pas de déclarer que ce métal fût plutôt du plomb physiologique que du plomb d'ingestion, il nous a fallu recourir à un autre mode analytique. En conséquence, nous fimes bouillir le foie coupé en petits morceaux, avec de l'eau aiguisée d'acide acétique, et on renouvela ce traitement jusqu'à ce que la matière animale ne parût plus rien céder à ce liquide. On a réuni les liqueurs pour les évaporer à siccité. En cet état, on versa dans la capsule de l'acide azotique pur, additionné d'un 15o de chlorate de potasse, et on fit chauffer de manière à obtenir un charbon qu'on traita successivement par l'eau régale et l'eau distillée. Après une heure d'ébullition avec chaque liquide, on filtra la liqueur à travers un papier Berzelius, qui avait été lavé avec de l'acide chlorhydrique et de l'eau distillée, précaution presque superflue à cause de la pureté de ce papier. La dissolution, concentrée par l'évaporation, fut mise en contact avec les réactifs propres à déceler le plomb. Ainsi l'iodure de potassium et le chromate de potasse y déterminèrent des précipités jaunes, tandis que l'acide sulfhydrique produisit un trouble abondant noirâtre. Ces caractères démontrent évidemment l'existence du plomb Mais comme en chimie légale, il faut, autant que possible, isoler le radical du poison pour le joindre aux pièces à conviction, nous avons desséché le sulfure de plomb, et nous l'avons soumis à l'action de l'hydrogène, dans un tube en U convenablement chauffé. Cette expérience nous a fourni du plomb métallique.

La toxicologie n'admettant point de doutes, et en vue de prévenir une objection qui aurait pu nous être faite de la

part de la défense, que le plomb dont l'existence venait d'être démontrée, appartenait au plomb physiologique, nous avons pris le foie d'un homme qui avait succombé à une maladie aiguë, et nous l'avons fait bouillir dans de l'eau aiguisée d'acide acétique dont la pureté nous était connue. La liqueur résultant de ce traitement, évaporée à siccité, et traitée comme dans l'expérience précédente, ne nous a fourni aucune trace de plomb. Le foie, au contraire, qui avait subi l'action de l'eau acétique, désorganisé par l'acide azotique pur et le chlorate de potasse, nous a donné des indices non équivoques de ce métal.

Il nous semble résulter de là que le plomb normal se trouve combiné avec l'organe à la manière de l'oxygène, de l'hydrogène, du carbone et de l'azote dans les matières organiques. L'expert chimiste peut, en toute sécurité de conscience, affirmer que le plomb qu'il a obtenu est du plomb d'ingestion, lorsqu'il s'est borné à faire agir l'eau acétique sur l'organe, puisque, par ce moyen, on laisse intact le plomb physiologique. Aussi nous n'avons pas hésité à affirmer que la mort de L.... était le résultat de l'ingestion d'une préparation saturnine.

La présence du plomb normal dans le foie de l'homme qui avait succombé à une maladie aiguë, ne constituant pour nous qu'un fait unique pour corroborer ce qui avait été avancé sur ce sujet, nous avons voulu nous assurer si ce métal se rencontrait constamment dans cet organe. Alors nous avons opéré sur le foie de sujets de différents âges. Les foies qui furent mis d'abord à notre disposition provenaient d'un enfant de 8 jours, et l'autre d'un enfant âgé de 7 ans et 8 mois; ces foies, traités séparément par l'acide azotique et le chlorate de potasse ne nous ont fourni aucun indice de plomb; tandis que dans huit foies prove

nant d'hommes âgés de 60 à 72 ans, nous y avons rencontré constamment ce métal. Nous devons dire que le procédé de carbonisation ci-dessus décrit, avait été deux fois insuffisant pour nous donner le plomb normal, et cela s'est présenté pour le foie d'un homme de 60 ans et pour celui d'un homme de 66 ans. Le charbon obtenu dans cette circonstance paraissait retenir avec avidité le plomb normal, car l'eau régale n'en a pas extrait de traces sensibles. En conséquence nous avons incinéré le charbon obtenu en procédant ainsi on fit dessécher ce charbon, et après l'avoir pulvérisé dans un mortier de porcelaine, il fut mêlé avec de l'azotate d'ammoniaque parfaitement pur, puis on projeta ce mélange dans un creuset de porcelaine rouge de feu. Après le refroidissement, on versa sur le résidu de l'acide chlorhydrique, et ensuite de l'eau distillée. On fit évaporer la liqueur dans une capsule de porcelaine, pour chasser la presque totalité de l'acide, et on reprit par l'eau. La liqueur, soumise à un courant de gaz sulfhydrique, donna lieu à un précipité brun noirâtre de sulfure de plomb. Ce sulfure, traité par l'acide chlorhydrique additionné de quelques gouttes d'acide azotique, donna lieu à un précipité de soufre; on filtra la liqueur, et on obtint une solution dans laquelle il fut très facile de démontrer l'existence du plomb.

Cette ténacité du charbon pour certaines substances minérales n'est pas un fait nouveau, car mon confrère M. Girardin et moi l'avons observée de la part de ce corps, à l'égard de l'arsenic; deux fois, pour obtenir ce toxique, nous avons été obligés d'incinérer, par le moyen de l'azotate de potasse, le charbon provenant de viscères empoisonnés.

Si, d'après ces résultats, le plomb paraît être l'un des éléments constants de l'organisme animal, quelle en est

l'origine? Son absence dans le foie des deux enfants dont nous avons parlé, tendrait à faire supposer qu'il est porté dans le corps des adultes par l'alimentation.

Il me semble que nous pourrions convertir notre conjecture en certitude, en recherchant ce métal dans le foie d'individus qui auraient succombé à une maladie longue, pendant laquelle aucune nourriture n'aurait été administrée. Nous nous proposons d'exécuter ces recherches aussitôt que nous pourrons nous procurer les matériaux convenables. De même aussi nous avons le projet de rechercher le plomb dans les matières alimentaires les plus usuelles. Déjà nous avons reconnu la présence de ce métal dans le thé désigné par le nom de thé vert. Ne sait-on pas aussi qu'on emploie l'acétate de plomb pour clarifier les eaux-de-vie factices!

NOTE

SUR

LA COLORATION ACCIDENTELLE DE SILEX,

PAR M. J. GIRARDIN,

Professeur de chimie de la ville de Rouen,
Correspondant de l'Institut.

Lue à l'Académie des Sciences de Rouen, séance du 24 Mars 1848.

Dans l'usine au gaz d'éclairage de Déville, près Rouen, les allées du jardin du directeur furent recouvertes d'une couche de chaux ayant servi à la dépuration du gaz, et sur cette couche bien battue, on étendit ensuite du sable d'alluvion. Au bout de peu de temps, on fut fort étonné de voir apparaître une belle couleur bleue sur la plupart des cailloux ou silex blancs et jaunes dont le sable était entremêlé. Mon préparateur, M. Donnet, s'empressa de m'apporter un certain nombre de ces silex teints en bleu intense.

J'ai voulu savoir quelle est la nature de cette matière colorante développée dans des conditions aussi singulières, et voici les résultats de mon examen.

Les silex qui m'ont été remis ne sont pas colorés dans toute leur masse; c'est seulement sur la face qui reposait directement sur la chaux que la couleur se montre, et encore n'apparaît-elle que par places. Cette couleur est tantôt d'un bleu vif, d'autre fois d'un bleu verdâtre, parfois

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