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aucune explication plausible, et ont contribué à élever contre la valeur des indications chimiques appliquées aux eaux minérales, certaines défiances que le temps apprendra à surmonter. Quelques médecins vont, en effet, jusqu'à faire honneur de l'efficacité thérapeutique des eaux dont nous parlons à leur thermalité particulière. Il devient maintenant très probable que ces effets remarquables sont dus, en partie, à quelques substances actives à faible dose, et probablement les chimistes pourront ajouter quelques noms à la liste de ces agents méconnus jusqu'ici, et dont l'acide arsénieux nous aura appris à rechercher l'existence (1). »

Des chimistes qui ont entrepris, dans ces derniers temps, des recherches sur la présence de l'arsenic dans les eaux minérales et dans les dépôts qu'elles fournissent, MM. Chevallier et Gobley sont ceux qui ont fait les essais les plus étendus et les plus nombreux. Ils ont examiné, sous ce rapport, 46 espèces d'eaux ferrugineuses ou autres (2).

Au total, au moment où je parle, 92 sources minérales, tant en France qu'à l'Étranger, ont été soumises à l'analyse, et, sur ce nombre, 75 contiennent de l'arsenic, avec ou sans traces de cuivre. Dix-sept autres n'ont fourni aucun indice de ces métaux accessoires, soit qu'ils n'y existent réellement pas, comme cela paraît certain pour les eaux de Passy, de Forges-les-Eaux (Seine - Inférieure), de Saint-Amand et de Saint-Allyre, soit que les expé

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'2) Bulletin de l'Académie nationale de médecine, t. XIII, p. 864.

riences aient été faites sur une trop petite quantité de matière, eau ou dépôt.

Des eaux ferrugineuses, si nombreuses dans notre département, deux seulement ont été étudiées jusqu'ici, sous le rapport de l'arsenic et du cuivre, à savoir : l'eau de Forges, et l'eau de la Maréquerie à Rouen. La première ne contient pas d'arsenic, d'après MM. Chevallier et Gobley; son dépôt, constitué surtout par du crénate de peroxyde de fer, n'en renferme pas davantage; mais il contient des traces de cuivre. En opérant sur 93 grammes de dépôt sec, qui représentent 930 bouteilles d'eau telle qu'elle sort de terre, M. Chevallier a pu reconnaître la présence du cuivre, au moyen des réactifs, mais non en déterminer le poids à la balance (1).

Quant à l'eau de la Maréquerie, voici ce que MM. Chevallier et Gobley en disent dans leur intéressant mémoire :

« Cette eau ne nous a présenté aucun indice d'arsenic et de cuivre. Ayant fait nos essais sur une minime proportion de sels, nous pensons que nos expériences doivent être répétées par des chimistes de Rouen, qui pourront se procurer une plus grande quantité de résidu salin et du dépôt que sans doute laisse cette eau. Nous devions celle sur laquelle nous avons fait nos recherches à la bienveillance de M. Esprit, pharmacien, à Rouen. »

Je me suis empressé de répondre à l'appel de mes confrères de Paris, et je viens de rechercher l'arsenic et le cuivre, non-seulement dans les eaux de la Maréquerie,

(1) Journal de Chimie médic., 3a série, t. III, p. 3.

mais aussi dans celles de Saint-Paul, qui sont également ferrugineuses, et qui jouissent encore ici de quelque crédit. Voici les résultats de mes essais.

1. Eau de la Maréquerie. Vingt-huit litres d'eau évaporés à siccité, avec ménagement, m'ont donné 9 gram. 70 de résidu ocreux. J'ai fait bouillir ce résidu avec un excès d'acide azotique, en y ajoutant quelques cristaux de chlorate de potasse, afin de bien détruire toute la matière organique. J'ai ensuite traité par l'acide sulfurique concentré et pur, pour chasser les composés de l'azote et du chlore. La substance saline refroidie a été alors introduite dans un appareil de Marsh, fonctionnant à blanc depuis un quart d'heure. Je n'ai pu recueillir la moindre trace d'arsenic sur les soucoupes, même après avoir continué le courant de gaz pendant plus de 25 minutes.

J'ai ensuite agi sur 1200 grammes du dépôt ocreux enlevé du bassin dans lequel l'eau arrive à sa sortie de terre. J'ai fait bouillir ce dépôt avec un excès d'acide sulfurique, afin de détruire la matière organique, puis, après le refroidissement du mélange et la précipitation du sulfate de chaux, le liquide clair a été décanté, étendu d'eau et filtré. Après la concentration du liquide à une douce chaleur, et sa neutralisation presque complète avec de la potasse caustique pure, on l'a introduit dans un appareil de Marsh convenable; mais on n'en a retiré aucune parcelle d'arsenic.

Comme ce dépôt renferme des sulfures alcalins en proportions notables, j'ai supposé un instant que l'arsenic pouvait y exister à l'état de sulfure. Pour m'en assurer, j'ai traité, par de l'ammoniaque caustique, à plusieurs reprises, ce dépôt préalablement desséché et pulvérisé ; les liqueurs ammoniacales n'ont laissé, par l'évaporation,

qu'un résidu insignifiant ne contenant aucune trace de sulfure d'arsenic. Ce résidu, mis à bouillir successivement avec de l'acide azotique et de l'acide sulfurique, n'a rien donné dans l'appareil de Marsh.

L'eau de la Maréquerie ne contient donc pas d'arsenic, ainsi que MM. Chevallier et Gobley l'avaient supposé.

Pour la recherche du cuivre, j'ai fait chauffer légèrement une certaine quantité du dépôt sec avec de l'acide chlorhydrique en excès, puis j'ai filtré la liqueur. Celle-ci a été soumise à un courant de chlore, pour peroxyder le fer, mise à bouillir pour se débarrasser du chlore en excès, puis additionnée d'un grand excès d'ammoniaque, afin de précipiter tout l'oxyde ferrique, et retenir l'oxyde de cuivre en dissolution. La nouvelle liqueur filtrée et évaporée aux neuf dixièmes, a été alors soumise à tous les essais qui font découvrir les plus petites quantités de cuivre en dissolution, mais ces essais ne m'ont donné que des résultats négatifs; aussi je crois pouvoir affirmer que l'eau et le dépôt de la Maréquerie ne contiennent pas plus de cuivre que d'arsenic.

II. Eau de Saint-Paul. Il y a un demi-siècle, les eaux minérales de Saint-Paul étaient très fréquentées. Elles sortaient du pied méridional de la montagne Sainte-Catherine, à l'entrée de Rouen, dans un verger, situé au bord de la Seine, où l'on avait élevé des salles de réception. et de danse, pour les buveurs d'eau. Il y avait alors quatre sources ou fontaines bien distinctes, qui portaient les noms de la Paule, l'Argentée, la Céleste et la Dorée. La dernière, la plus rapprochée de la Seine, était très peu ferrugineuse; la première, la plus éloignée du fleuve, était considérée comme la plus active.

:

A la fin du siècle dernier, l'établissement minéral de Saint-Paul fut converti en une fabrique de velours, puis quelque temps après en une teinturerie. Cette propriété est actuellement dans les mains de MM. Lepicard, qui y ont une teinturerie et une filature. Des quatre fontaines, trois ont été bouchées, parce que les eaux de la Seine, en remontant dans les canaux, les engorgeaient; on n'a conservé que la source la plus ferrugineuse, celle qu'on appelait autrefois la Paule. Elle coule dans un bassin de pierre dont les bords et le fond sont couverts d'un dépôt

ocreux.

La température de cette eau est encore aujourd'hui la même qu'en 1778, alors que Lepecq de la Clôture s'en occupait. Je l'ai trouvée, en effet, à + 12o5 centigr.

C'est sur l'eau de cette unique fontaine que j'ai opéré. Elle est claire, transparente, sans odeur, d'une saveur ferrugineuse très prononcée. Le papier de tournesol y rougit au bout d'un quart d'heure. Par la concentration, elle se colore et laisse déposer des flocons ocreux.

Quarante litres m'ont fourni, par l'évaporation ménagée, un résidu rougeâtre du poids de 9 grammes 1/2. Le résidu, traité convenablement, ne m'a fourni aucune trace d'arsenic ni de cuivre. Il en a été de même du dépôt ocreux recueilli dans le bassin de la fontaine.

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Composition chimique des Eaux minérales
de la Seine-Inférieure.

Il y a, dans le département, un assez grand nombre de sources minérales; toutes, sans exception, sont ferrugi

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