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CHAPITRE II.

DES INVARIABLES dits PRÉPOSITIONS.

Le plus érudit des grammairiens commence son traité des prépositions par établir en principe que les prépositions n'ont par ellesmêmes aucune signification, et n'ont d'autres fonctions que celles de marquer des rapports entre les mots. Puis, entrant dans les détails, il attribue à chaque préposition un plus ou moins grand nombre de valeurs; et ainsi, par exemple, selon lui et presque tous les grammairiens,

marque.

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le lieu,

l'endroit,

la situation,

le temps,

le terme où l'on tend,

la cause,

le moyen,

la manière,

l'union, la conformité,

l'opposition,

Fordre,

envers,

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Cette funeste idéologie, d'après laquelle un même mot ne signife rien et signifie tant de choses, fut créée dans les temps de la barbarie la plus ténébreuse, et sera probablement continuée dans les collèges et dans les universités jusqu'à la fin des siècles. Cependant il se forme en Europe une classe d'hommes qui n'admettent point de mots sans idées; c'est pour eux que nous écrivons, et ce traité donnera de nouvelles preuves:

Que tout mot a nécessairement une signification,
Et qu'il n'en a et n'en peut jamais avoir qu'une.

C'est en suivant le catre même des grammairiens que nous continuerons la démonstration de ce principe, sur lequel repose tout le langage.

Ici, peut-être plus que nulle part, nous pratiquerons ce précepte de La Fontaine :

Je ne dis rien que je n'appuie

De quelque exemple.

Ainsi, tout en montrant les divers emplois des prépositions, nous apprendrons à diriger l'instrument intellectuel.

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d vient du latin ad, et marque toujours l'idée d'une possession, soit future, soit présente.

N'ayant pu transporter dans notre langue le datif des Latins, nous vons cherché à le traduire approximativement par une périphrase. I était impossible de mieux approcher du sens de ce cas qu'en codant les Latins eux-mêmes, qui souvent remplacent leur datif par 'accusatif avec ad.

L'emploi de la préposition à sera donc bien plus fréquent dans notre ngue, que ne l'est celui de ad dans la langue latine, parce que noneulement à sert à traduire ad, mais qu'il fait partie de la périphrase i remplace le datif latin (347).

(347) Demander comment à et un substantif peuvent traduire le datif des afins, c'est demander pourquoi les Latins emploient quelquefois la même riphrase pour arriver au même résultat que celui qu'ils obtiennent par le tif; par exemple, quand ils disent scribo ad patrem et scribo patri. Sans

GRASSHT. Vert-Vert, a.

GAZSENT. Pert-Vert. 1..

TABLEAU

Des différentes circonstances où s'emploie à, sans cesser d'être ce qu'il est, c'est-à-dire un signe de possession.

A, signe d'une possession future.

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Je sors, à ce prix, à cette condition..je sors, devant avoir ce prix, etc.

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doute scribo patri et scribo ad patrem ont des différences, parce qu'ils ferment des motifs différents; mais le résultat est à-peu-près le même, ' c'est tout ce qu'on veut.

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(348) Lorsque ma main droite frappe ma main gauche, je peux dire : je me frappe. De même, lorsque je dis que je suis sur mes genoux, j'entends qu'une partie de moi-même pose ou pèse sur l'autre. Quand je dis je suis à genoux, c'est toute la partie supérieure qui cherche, qui fait effort pour atteindre mes genoux; de sorte que, si mon corps pouvait s'affaisser ou se fondre, il se mettrait au niveau de mes genoux. On pourrait dire en pareil cas, je suis sur mes genoux; mais ce serait exprimer une posture, et non point une tendance, comme quand on dit: Je suis à genoux.

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II ne serait pas facile de trouver un emploi de à qui ne se rapportat point à l'un des exemples précédents. A peut donc, comme tout autre mot, être réduit à un sens unique. Ainsi disparaît l'incroyable distinction de d article et de à préposition; ainsi disparaissent les trente ou quarante significations différentes, souvent même opposées, dont, depuis Régnier Desmarais, on gratifie cette préposition. Après une énumération pénible, cet illustre académicien termine ainsi :

« Voilà quelques-uns des principaux sens de la préposition à; car pour » les marquer tous, il faudrait passer en revue presque tous les mots fran» çais, n'y en ayant guère avec lesquels elle ne serve à former quelque » phrase, par la propriété qu'elle a de pouvoir être substituée à la place » de la plupart des prépositions. »>

Ainsi, pour avoir le sens d'un mot, il faudrait passer en recue presque tous les mots!.... Quelle perspective pour ceux qui veulent apprendre une langue! Mais si un mot est un signe d'idée, qu'importe les mots à côté desquels il sera placé? Il continuera à être ce qu'il est, comme les autres mots seront ce qu'ils sont, des signes d'idées.

Ainsi à ne marque ni le temps, ni le lieu, ni la situation, ni la posture, ni la qualité, ni la quantité, ni la mesure, ni la conformité, ni l'opposition, ni la manière, quoiqu'il se construise avec des mots qui expriment tout cela. Mais ce sont ces mots, et non pas lui, qui réveillent ces différentes idées.

Venons aux détails pris dans les auteurs.

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