Page images
PDF
EPUB

Ìl n'y a que le dernier no. qui résiste à la résolution en mode personnel. Mais, dans cette circonstance, l'infinitif sort de sa classe, et peut être considéré plutôt comme substantif que comme un verbe (307).

Le tableau que nous venons de présenter peut sur tout donner lieu aux remarques suivantes :

PREMIÈRE REMARQUE.

Le substantif, qui fait l'action exprimée par l'infinitif, est presque toujours sous-entendu. Dans nous croyons lire, ce n'est plus au nous exprimé que se rapporte lire; car ce nous est le sujet de croyons, et lire est en rapport avec le régime nous, qui est ellipsé. Nous croyons ceci, nous lire. La chose que nous croyons, c'est nous lire.

Il n'y a que dans les exemples, no. 8, où le substantif de l'infinitif soit exprimé : on nous entendra lire, c'est-à-dire, on entendra nous lire.

Le nous du 8e. numéro, on nous entendra lire par un philosophe, n'est point le substantif de lire. Ce n'est pas nous qui lirons, c'est quelqu'un, c'est un philosophe qui nous lira (308).

(307) La langue française a, sur la langue latine et sur toutes les langues que nous connaissons, l'avantage inappréciable de pouvoir employer l'infinitif dans un nombre infini de circonstances. Car cette manière d'exprimer une action, sans être obligé de décliner la personne qui la fait, donne à l'expression de la pensée plus de rapidité et de concision, et cette tournure est telle que la briè veté sert plutôt qu'elle ne nuit à la clarté.

L'un de nos grands maîtres en l'art d'observer a dit quelque part : Les mots sout les ennemis des pensées. En effet, plus on a employé de mots pour s'exprimer, plus la mémoire sera fatiguée à retenir les signes, plus l'esprit aura de peine à en saisir tous les rapports. Cet emploi si fréquent de l'infinitif est peutêtre une des causes qui ont le plus contribué à rendre notre langue presque universelle. L'emploi de on, de ce, celui de le neutre, et du relatif en, qui ont la propriété de pouvoir presque tout rappeler, substantifs singuliers, pluriels, masculins, féminins et des phrases même, donnent aussi à notre langue un avantage qu'aucune autre ne possède à un même degré.

(08) Des grammairiens ont cru que lire, dans ces sortes de phrases, est pris dans un sens passif. Ainsi le même mot serait actif et passif, selon la commodité de ceux qui nous apprènent la grammaire! Les Latins, en pareille circonstance, emploient le passif; voila sans doute ce qui a déterminé ceux qui voient tout dans la langue latine à trouver dans la nôtre ce qui n'y est point.

DEUXIÈME REMARQUE.

Il résulte aussi des exemples cités que l'infinitif est un mode essentiellement complémentaire, et que, quelle que soit la phrase où il se trouve, il suppose toujours l'antécédence d'un mode personnel exprimé ou sous-entendu.

Que pourrait en effet signifier un mode impersonnel, c'est-à-dire indéfini, ou une action qui ne pourrait être rapportée à aucun agent? Nous croyons lire, il faut lire, etc., équivaut, comme on a vu, à nous croyons que nous lisons, il faut que nous lisions.

Ainsi, dans toute phrase où il y a un infinitif, il y a deux actions, ou deux verbes, dont l'un est principal, et l'autre nécessairement complémentaire.

TROISIÈME REMARQUE.

Dans nous croyons lire, etc., il y a un substantif auquel, à la vé rité, l'infinitif ne se rapporte pas immédiatement, mais qui cependant est le même que le sien propre. Car, dans nous croyons no lire, ou que nous lisons, etc., le second nous est identique avec l premier. Dans le temps nous permet de lire, c'est-à-dire, le temp permet à nous nous lire ou que nous lisions, la même identité repa raît, mais avec cette différence que l'infinitif, dans la première phras se rapporte immédiatement au sujet du verbe, au lieu que, da celle-ci, le rapport se fait avec le régime.

PRINCIPE.

Il faut toujours qu'il y ait dans la phrase un sub tantif qui soit identique avec celui de l'infinitif.

Qu'ai-je fait pour venir accabler en ces lieux
Un héros sur qui seul j'ai pu tourner les yeux ?

C'est-à-dire, qu'ai-je fait pour

vous veniez?

L'infinitif venir est donc mal employé, car on a dessein de le r porter à vous, qui n'existe point dans la phrase.

Ce principe, d'une vaste application, va être développé dans deux règles suivantes :

PREMIÈRE RÈGLE.

Si les deux actions, qui sont, comme on a vu, nécessairement dans la phrase où figure l'infinitif, sont compatibles dans un même sujet, c'est avec le nominatif du verbe principal que l'infinitif doit être identique.

Nous promettons de lire. Il est possible que le même promette, et qu'il lise. Les deux actions, nous promettons et lire, sont donc compatibles dans le même sujet.

DEUXIÈME RÈGLE..

Lorsque les deux actions sont essentiellement incompatibles, c'estavec un substantif régime d'une préposition exprimée ou sous-enten-. due que l'infinitif doit être identique.

Paul nous permet de lire, c'est-à-dire, permet à nous que nous lisions; c'est un individu qui permet, et un autre qui doit lire. C'est donc au régime nous que l'infinitif lire est applicable.

Quand madame de Sévigné dit à M. de Grignan: Mais pensezvous que je vous l'aie donnée (ma fille) pour la tuer? elle parle incorrectement, car il n'y a point d'incompatibilité que celui qui donne sa fille la donne pour la rendre heureuse ou pour la perdre, etc. Ainsi, quoique madame de Sévigné ait voulu dire': Pensez-vous que je vous aie donné ma fille pour que vous la tuiez, et que même on soit presque invinciblement porté à l'entendre ainsi, la phrase n'est point à imiter. En effet, à tuer, substituons un autre verbe.

Pensez-vous que je vous l'aie donnée pour être débarrassée d'elle? L'infinitif se rapporterait à je, sujet du verbe.

Or, c'est par les mots eux-mêmes qu'on doit s'élever au sens des phrases, et non point par le sens présumé que celui qui parle peut avoir dans la tête, qu'on doit découvrir le sens des mots. Cette dernière marche est directement opposée à l'institution du langage, qui, pour être compris, consiste tout en ceci: étant donné les mots trouverle sens.

[blocks in formation]

Reproduire est identique avec le nominatif nous sous-entendu; dire, tirer des pleurs, le sont avec le nominatif vous; être approuvés, être achevés, avec PROJETS; voir, avec qui, substantif relatif de gravité (310).

Cacher est identique avec MYSTÈRE, apposition de gravité. La gra vité est un mystère du corps inventé pour qu'il cache les défauts de l'esprit. La phrase serait fautive, si l'on devait rapporter l'infinitif cacher à un autre substantif; dans ce sens, la gravité est un mystère du corps inventé pour qu'on cache, etc.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

(309) Le savoir est un infinitif pris substantivement, que par conséquent on ne doit juger ni par la première ni par la deuxième règle.

(310) Confondre et renverser se jugent, comme on verra, par la second règle; car c'est bien la charité qui voit, mais ce n'est pas elle qui renverse of confond.

a J. J. R. Emil. t. 2, p. 84. b La F. 8, 19.

BOLL. Art poet. 3.

d Rac. Mishrid. 3, 1.

e LAROCHEF. Max. f PASCAL

g ANDRIEUX. Les Etourd. 3

A LA F. 2, 14.

i Rac. Phedre.

[blocks in formation]

Rien de plus fréquent que cet emploi de l'infinitif en rapport avee un nominatif sous-entendu.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

On dit pourtant ( pour terminer ma glose
En peu de mois) que l'ombre de loiseau
Ne loge plus dans le susdit tombeau ;
Que son esprit dans les nonnes repose,
Et qu'en tout temps, par la métempsycose,
De sœur en sour, l'immortel perroquet
Transportera son âme et son caquet.

Un tel abrégé, monseigneur, vous
propose un grand spectacle. Vous voyez
tous les siècles précédents se dévelop
per, pour ainsi dire, en d'heures
peu
devant vous; vous voyez comme les
empires se succèdent les uns les au→

tres. m

Dans aucun de ces exemples l'infinitif ne se rapporte, comme l'analogie l'exige, au nominatif du verbe. Sans mentir...., vous êtes le phénix, etc.; c'est-à-dire, sans que je vous mente.

Il y a un petit nombre d'autres locutions, comme à dire vrai, pour couper court, pour ainsi dire, sans vous compter, pour terminer, où, à cause de la récurrence fréquente de ces sortes de locutions, on s'af

[blocks in formation]
« PreviousContinue »