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peine par l'unité d'origine; nous n'avons donc pu adopter la doctrine des grammairiens, selon laquelle le même mot serait tout à-la-fois actif, passif et supin (281).

UN MOT

Sur la distinction que font les grammairiens entre le PARTICIPE DU PASSÉ et le PARTICIPE PASSIF.

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y a un participe passif.

Dans la reine approche, le roi l'a vUE, il y a un participe du passé.

Dans cette opinion, le premier vue ne marque aucun temps, et le second est un mot actif, et, comme ce verbe d'où il dérive, il a un régime qui répond à l'accusatif latin.

Ainsi le même mot, selon le bon plaisir des grammairiens, est passif et actif, marque un temps et ne marque point de temps. Or de telles propriétés ne peuvent exister que dans des mots essentiellement différents. Nous les avons cherchées en vain dans le mot vue. Selon M. l'abbé Sicard, le roi l'a vue (la reine) est pour le roi EST AYANT ÉTÉ VOYANT la reine. Mais cette supposition est toute gratuite, rien ne peut la prouver; au contraire, tout prouve contre elle, et l'idéologie et l'étymologie.

(281) Supin, de supinus, signifie couché sur le dos. Si donc l'on demande qu'est-ce que le mot vu dans nous avons vu, on nous répond, c'est un supin; voila une belle instruction!

Quelques grammairiens, tels que Restaut et Wailly, ne donnent a l'adjectif passif qu'un seul nom, celui de participe passif; mais ils se comportent comme si cet adjectif était un mot triple, car ils prétendent que tantôt il marque le passé, que tantôt il est passif, tantôt actif, et comme tel ayant un régime direct ou accusatif. Prouver que l'adjectif passif n'exprime jamais une idée de temps, qu'il n'a jamais de régime direct, qu'il ne participe jamais en cela de la nature du verbe d'où il dérive, c'est renverser tout l'échafaudage des grammairiens, quelques noms qu'ils donnent à cet adjectif. Semblable à un vieux arbre stérile, qui par le temps a acquis un volume et une force immenses, et qui ne peut tomber que sous des coups long-temps redoublés, la longue et puissante habitude de l'erreur ne peut céder qu'à la persévérance des secousses successives. Vous reviendrons donc plus d'une fois sur ce sujet, l'un de ceux où l'erreur a té de plus profondes racines.

L'IDÉOLOGIE; car si vue signifiait été voyant, comme c'est le roi qui a vu, vu se rapporterait à roi, et serait essentiellement du masculin. Cependant il est au féminin en rapport avec reine, qui est en effet l'objet passif.

L'ETYMOLOGIE; allez demander à nos meilleurs étymologistes, MM. Butet, Lanjuinais, Johanneau, si vu est venu par diverses déviations ou altérations, de été voyant. Je suis sûr que l'équus d'alphana ne leur paraîtrait guère plus violent.

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Cependant il n'y aurait que cette explication de M. Sicard qui pût faire admettre un participe passé dans le sens que l'entendent les grammairiens (282).

Dans la reine a été vUE, VUE répond à l'adjectif passif visa. Mais à quel adjectif latin répond le prétendu participe passé vue de la seconde phrase? Ce n'est point au supin visum, visu, qui est un véritable substantif du genre masculin, tandis que vue est évidemment un adjectif du genre féminin (283).

DU PRÉTENDU SUPIN.

Dans la reine a vu, la reine a vu l'armée, vu, dit-on, est un supin; c'est-à-dire un substantif verbal, qui répond au latin visum, visu.

(282) Nous savons bien que M. Sicard n'a pas prétendu donner une étymologie, quand il a dit qu'il y a un vu qui est pour été voyant, que ce n'est qu'à l'idée qu'il a pensé ; que M. de Tracy, en professant cette doctrine, n'a eu pour objet que cette considération. Sans doute vue dans l'exemple cité peut être traduit par été voyant, mais ce n'est là qu'une idée de conséquence, une idée de résultat, et non point une traduction immédiate. C'est pourtant de cette dernière seule qu'il peut être ici question.

(283) Mais, dira-t-on, dans la reine approche, le roi l'a vuв, vue exprime une idée de passé, que n'exprime point le participe vue de la phrase la reine est toujours vue par le peuple, etc.

Jamais notre adjectif passif, quel que soit son emploi, ne marque de temps. Si en parlant de la reine on dit le roi l'a vue, cela signifie immédiatement et mot à mot, le roi a elle vue; nous verrons qu'il y a même, dans les auteurs des milliers d'exemples de cette construction. Le roi l'a vue, n'est point, comme on croit, la traduction immédiate du latin rex eam vidit, où vidit en effet exprime une idée de passé; mais c'est la traduction immédiate de rer habet cam visam.

• C'est ainsi que Virgile a dit:

Divisum imperium cum Jove Cæsar habet.
César a l'empire partagé avec Jupiter.

Mais comment expliquer un supin construit avec avoir? Jamais les Latins, de qui nous l'aurions emprunté, ont-ils construit leur supin avec habere? Ne sait-on pas que ce n'est qu'après des verbes de mouvement qu'ils employaient leur supin, comme dans eo visum, je vais voir?

Et puis comment, avec ce supin, arriver à l'idée de passé qui RESULTE de la phrase, j'ai vu? Car visum exprime, du moins, par résultat, une idée d'activité. Eo visum, signifie je vais au voir, ou à l'action de voir. Habeo visum, si cette construction pouvait exister, voudrait dire, j'ai l'action de voir, ce qui ne réveillerait aucune idéo de passé. Dans l'analogie latine, ce serait plutôt une idée de futur qu'il exciterait.

Il faut donc rayer de notre langue le supin ou substantif verbal. D'un autre côté, il a été démontré que le prétendu participe passé ne diffère aucunement du participe passif, qui, selon tous les grammairiens, est un adjectif soumis aux mêmes règles de syntaxe que les autres sortes. Nous devons donc nous borner à la dénomination unique d'adjectif passif (284).

D'OU CE PRINCIPE UNIQUE.

L'adjectif passif, quelque nom qu'il porte, quelque rôle qu'il remplisse, s'accorde toujours avec un substantif passif exprimé ou sous-entendu.

Car, du moment qu'il est passif, il ne peut convenir qu'à un substantif conçu en un état passif. Ce principe tient à la nature même

des choses.

Le reste de ce paragraphe va être plutôt pratique que théorique, et il sera tout consacré à l'application du principe unique et de la regle, page 763, qui comprend la double manière de l'appliquer.

(284) Le nom de participe appliqué à l'adjectif passif est radicalement vicieux, et c'est à lui que se rattache le plus grand nombre des erreurs qui ont illustré cette matière. C'est parce qu'on a cru que cet adjectif participait de deux natures, qu'on s'est imaginé qu'il pouvait régir un accusatif, ou avoir, comme on dit, un régime direct: erreur fondamentale qui tient à la doctrine des verbes dits auxiliaires, autre conception sortie des cerveaux les plus vides, et que nous avons déjà peut-être trop combattue.

Pour mieux démontrer que ce principe ou cette règle suffit pour résoudre toutes les difficultés, nous suivrons (en 15 numéros) toutes les distinctions faites par les grammairiens.

NUMÉRO rer.

Ou adjectif passif, construit immédiatement avec un

substantif.

J'ai vu la foi des contrats bannie, les La RRINE cependant atteinte au fond de l'âme Lois les plus saintes anéanties, toutes les Lois de la nature renversées. a

L'AUBORE cependant d'un juste effroi troublée
Des CHANOINES levés tient la TROUPE assemblée.

Mon dernier soleil se lève,
Et votre souffle m'enlève
De la terre des vivants,
Comme la FEUILLE séchée
Qui de sa tige arrachée

Devient le jouet des vents, c

Il voit sans intérêt leur GRANDEUR terrassée, d

L'expérience apprend qu'il meurt encore plus d'ENFANTS élevés délicatement que d'autres. e

Les ENFANTS, éloignés, dispersés dans des pensions, dans des collèges, porteront ailleurs l'amour de la maison paternelle, ou pour mieux dire..... ƒ

Nourrit d'un feu secret la dévorante flamme.

Egarée, éperdue, ALLE aborde sa sœur. g

Quel vaste, quel pompeux spectacle
Frappe mes YEUX épouvantés ? h

Quels traits me présentent vos faster,
Impitoyables conquérants?
Des vascx outrés, des projets vastes,
Des Hoļ vaincus par des tyrans. í

Ils crient du mal que vous leur faites. Ainsi garrottés, vous crieriez plus fort qu'eux. k

Nourris à la campagne dans toute la rusticité champêtre, vos ENFANTS Y prendront une voix plus sonore. I

Que faut-il faire enfin, héros qui m'écoutes?

Mourir, finir des souns dans l'opprobre comptas.

N'est-il pas évident que les adjectifs passifs, bannie, anéanties, renversées, troublée, levés, etc,, s'accordent avec leurs substantifs exprimés de même que tous les autres adjectifs?

.

Qu'est-ce qui est banni, anéanti, renversé, levé? c'est-à-dire, qu'est-ce qui est PASSIF des actions de bannir, etc.? C'est la foi, ce

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sont les lois, etc. Dans toutes ces phrases et semblables, l'adjectif passif s'accorde donc avec un substantif passif. C'est ce qui arrivera toujours, comme on le verra dans le reste du paragraphe.

NUMÉRO II.

Ou adjectif passif construit avec un autre verbe que Être, OU AVOIR, OU, comme on dit, SANS AUXILIAIRE.

Tenez toujours divisés les méchants,
La sûreté du reste de la terre
Dépend de là... a

Pendant que les armées consternaient tout, il (le sénat) tenait à terre ceux qu'il trouvait abattus. b

Je plains Rome, César, et je la vois trahie. c

Horace les voyant l'un de l'autre écartés
Se retourne, il les croit déjà demi domtés, d
Je rends carrée une boule que les
premières lois du mouvement avaient

faite ronde. e

la

Si les hommes naissaient attachés au sol d'un pays.... f

Nos têtes seraient mal de la façon de l'auteur de notre être, il nous les faut façonnées au - dehors par les sages. femmes, et au-dedans par les philosophies. g

Au moindre tracas qui survient on le suspend à un clou, comme un paquet de hardes, et tandis que, sans se presser, la nourrice vaque à ses affaires, le malheureux reste ainsi crucifié. h

Qu'est-ce qui est tenu divisé, trouvé abattu, vu trahi, écarté, ou dompté, né attaché au sol, etc.? Qu'est-ce qui est rendu carré, etc.? Ici donc, comme dans le numéro précédent, le grand principe est suivi, l'adjectif passif s'est accordé avec un subsantif passif; et d'après la règle, page 763, l'accord s'est fait avec un substantif exprimé.

NUMÉRO III.

Ou adjectif passif construit avec ÊTRE.

Ici les grammairiens font trois distinctions. Le participe, disent-ils, ou avec un verbe passif, comme dans la reine est vue; ou avec un verbe neutre comme dans la reine est

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ou avec un verbe pronominal, comme dans la reine s'est tuée ;

a LA F. 7, 8.
Morris. Grand, es décad.
des Rom. 6.

c VOLE Mort de Cesar.
d CORN. Les Horaces. 4, 2.
e Morrasq. 76e. Lettr. pers.

f J. J. R. Email. .
g Id. p. 22.
h J. J. R. Emil.

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