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Pour plus de clarté, nous diviserons ce paragraphe en trois sousparagraphes.

SOUS-PARAGRAPHE Ier.

De l'adjectif actif, dit GÉRONDIF.

Puisque cet adjectif vient, comme on a vu, du roman, qui est venu lui-même du latin ando, endo, il est impossible de l'expliquer sans remonter à la langue latine.

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On voit que les Latins emploient leur gérondif avec ou sans préposition, c'est ce que fait aussi la langue romane.

Mais comment apparando, agendo, etc., qui sont des ablatifs de l'adjectif passif apparandus, a, um, d'agendus, a, um, peuvent-ils être regardés comme des adjectifs actifs?

Le sens actif n'est certainement point exprimé immédiatement par le gérondif latin, il ne peut être que de résultat. Les gérondifs ne signifient pas plus par eux-mêmes une idée active, que semianimis ne signifie demi-mort. Le sens immédiat de semianimus est demi-vivant, ce qui n'empêche point qu'on ne puisse le traduire par demimort, sans changer le résultat. Nous avons expliqué amplement dans notre cours latin les adjectifs passifs dits gérondifs. Nous ne pouvons qu'y renvoyer.

a Tza. Adelph. a, 2. Cic. in Parad.

c Tan. Hocyn, 5, 1.

d VIR. AEn. 6.

Nous ajouterons seulement que le gérondif français ayant par une altération étymologique changé de sens, il s'est confondu pour la forme avec l'adjectif actif dit participe, et que dès-lors il est devenu presque impossible de le considérer comme un mot passif, quoiqu'il ait été tel dans l'origine.

Mais comment distinguer

quand notre adjectif en ant est gérondif, puisque sa forme se confond avec celle de l'adjectif dit participe, dit adjectif verbal?

La préposition en placée devant l'adjectif en ant est un signe incontestable du gérondif.

En disant ces mots, Mentor prit une lyre. a

Be lutin fuit en criant comme un diable. e

Je crois que j'ai parlé trop haut en Pour qu'on vous obéisse, obéissez aux lois Tremblez en contemplant tout le devoir des rois, d

raisonnant tout seul. b

En disant, est une tournure évidemment copiée du roman, en dizen, qui elle-même fut copiée du latin in dicendo.

Quelquefois sans doute la préposition en est sous-entendue ; mais il est presque toujours impossible de pouvoir l'affirmer, le participe actif pouvant presque toujours alors suffire pour expliquer la phrase.

La Fortune passa, l'éveйla doucement,
Lui disant, mon mignon, je vous sauve la vie.

Chemin fesent, il vit le cou du chien pelé. ƒ

Quoique, dans ces phrases et autres semblables, il fût possible de placer en devant l'adjectif, il ne s'ensuivrait point que dans le fait il ait été supprimé. Car les Latins, en pareille circonstance, disent selon qu'il leur plaît, dicens, ou dicendo, iter faciens, ou iter faciendo, de même que nous traduisons souvent à notre gré leur participe actif, comme moriens, etc., de l'une et de l'autre manière.

a FENEL. Télém. 8. MoL. Aure, 1, 5.

c GRESSET. Lut, vie.

d VoLT. Brutus, 3, 6.

LA F. 5, 11. f Id. 1, 5.

Eternam moriens famam, Caieta, dedisti. a
Et moriens animam abstulit hosti. b

Π

De nos bords, en mourant, tu fis la renommée, c

Il se jète, mourant, sur son cher Euriale. d

Il en est de même du gérondif latin, tantôt traduit par un gérondif français, tantôt par un participe actif.

En l'absence de en devant l'adjectif actif, nous ne connaissons qu'une circonstance qui doive faire croire qu'il y a ellipse; c'est , lorsque l'adjectif actif qui n'est pas précédé de en, est uni par une conjonction avec un gérondif évident. Et cela peut aussi ne pas être. Heureusement cette distinction est peu utile dans la pratique, l'adjectif actif et le gérondif étant également invariables comme nous le verrons. Mais ce qui n'est pas indifférent, c'est de n'affirmer comme vrai que ce qui est vrai, et de ne l'affirmer comme tel, que lorsqu'on en a la certitude. Or ici le signe en n'existant point, il n'existe aucun moyen de savoir si notre adjectif en ant a eté copié du gérondif ou du participe, puisque dans ces circonstances les. Latins emploient l'un ou l'autre presque indiffé

remment.

En raisonnant de cette sorte

El contre la Fortune ayant pris ce conseil
Il la trouve assise à la porte

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De son ami plongé dans un profond sommeil.

с

Elle y serait encore comme un arbrisseau que les passants font bientôt périr en le heurtant et le pliant dans tous les sens. f

Le mot et étant un signe d'addition, et l'addition ne pouvant s'appliquer qu'à des choses semblables, on doit croire que en est sousentendu devant ayant pris (272).

Quant à l'exemple de Rousseau, l'ellipse n'y pouvait être con

testée.

Encore faut-il ne pas se laisser tromper par l'addition apparente dẹ deux adjectifs. Quand Boileau a dit:

(272) Ce serait à tort qu'on objecterait que jamais en ne se construit devant ayant. Nous citerons bientôt des exemples de cette construction; et puis n'en trouvât-on aucun exemple, il ne serait pas moins nécessaire de reconnaître l'ellipse, puisqu'on ne peut additionner des quantités dissimilaires, un gérondif participe actif.

et un

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Et additionne les deux verbes est venu, a dit, et non point les adjectifs embrassant et montrant.

Nous avons donc pu dire qu'il est presque toujours impossible de reconnaître autrement que par en la présence du gérondif.

Il y a peu d'exemples où l'ellipse de en soit incontestable, et où l'adjectif en ant, sans préposition, ne puisse s'expliquer par le participe.

La mer mugissant ressemblait à une

Ce mugissant peut s'expliquer aussi personne qui, ayant été long-temps ir-bien par mugiens que par mugiendo. ritée, n'a plus qu'un reste de trouble.

b

L'autre esquive le coup, et l'assiette volant,
S'en va frapper le mur et revient en roulant. c

Je vais, dit-il, regardant Télémaque, satisfaire votre curiosité. d

En latin, on dirait également bien volans ou volando.

Aspiciens ou aspiciendo.

On croit que, dans ces exemples et autres semblables, en est sousentendu, et que mugissant, volant, etc., sont des gérondifs. Cela peut être, mais cela est-il? Comment le prouver, puisque sous la même forme, notre langue a tout ensemble et son gérondif et son participe, et que dans toutes ces phrases ces prétendus gérondifs peuvent s'expliquer par l'adjectif du présent?

Il est donc bien plus naturel de réserver le nom de gérondif pour les seuls adjectifs précédés de en, et d'appeler de celui de participe actif tous ceux qui ne sont pas accompagnés de ce signe. Toute autre conduite entraîne dans des subtilités très-difficiles, et qui ne sont d'aucune utilité dans la pratique, les deux sortes étant toujours également invariables dans notre langue, comme on a pu déjà l'ob

server.

RÈGLE.

Lorsque l'adjectif en ant est précédé de la préposition en, ou que (ce qui est très-rare) cette préposition est évidemment sous-en

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tendue, il prend le nom de gérondif, et il est toujours invariable. La difficulté que présente le gérondif français n'est donc pas dans sa lexigraphie. Mais quand faut-il l'employer? C'est ce qu'il est important de déterminer par des faits nombreux.

Emploi de l'adjectif dit gérondif.

Lesyeux, en la voyant, saisiraient mieux la chose.

a

Il ne le croira pas encore en l'ayant

vu.b

En débarquant auprès de la béguine,
L'oiseau madré la connut à la mine. c

les nonnettes, sans voix, Font, en fuyant, mille signes de croix. d

Vavarice perd tout en voulant tout gagner. . . .

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menaçant le trône, en trahissant Valois, He to places-tu pas hors du secours des lois? ƒ

Ce sont les yeux qui saisiraient la

I chose et la verdient.

C'est le même qui ne croira pas et qui aura vu.

C'est le même oiseau qui débarqua et reconnut, etc.

Ce sont les nonnettes qui fuient et font des signes de croix.

C'est l'avarice qui veut tout gagner et qui perd tout.

C'est toi qui menaces, trahis, etc., et te places.

On voit par ces exemples que l'action exprimée par le gérondif, et celle qu'exprime le verbe personnel, se rapportent (au moins par le résultat) à un même substantif, et que par conséquent ce substantif fait dans la phrase les fonctions de sujet.

Les grammairiens frappés de cette analogie, qui est en effet trèsnombreuse, ont conclu de là que le gérondif doit toujours se rapporter au sujet ou nominatif du verbe.

Nous allons voir combien de sortes de phrases très-légitimes proscriraient cette règle.

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