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L'adjectif le est une altération incontestable du latin ille, illa, illud, que nous traduisons par ce, et qui en latin a toujours la force démonstrative.

Sans doute le et ce diffèrent beaucoup. Car ce montre l'objet et le ne fait que le rappeler ou l'annoncer. Cependant il est impossible de donner une idée plus sensible de le, qu'en disant que c'est un ce affaibli.

Le bon homme disait : ce sont là jeux de prince, a

C'est-à-dire, ce bon homme (que j'ai déjà fait connaître, le jardinier) disait, etc.

L'homme civil natt, vit et meurt dans l'esclavage.

C'est-à-dire, cet homme que je distingue des autres sortes par cette épithète de civil.

L'homme est de glace aux vérités.

C'est-à-dire, cet homme ou cet être appelé homme, sous lequel je comprends toute l'espèce, est de glace aux vérités.

Dans de telles circonstances la force démonstrative attachée à le est si peu nécessaire, que ce qui précède ou ce qui suit le nom commun suffirait toujours pour déterminer dans quelle étendue ce nom est pris, et que de fait plusieurs peuples, notamment les Latins, négligent de l'exprimer par un adjectif déterminatif quelconque. A leur imitation, nous dirions:

Bon homme disait, homme civil naît, vit et meurt, etc.
Homme nait faible, homme subjugue cheval.

Nous verrons même que quelquefois nous suivons cette analogie. (235)

(235) On va dire: reste toujours à donner la définition de le. Nous répondons qu'il est encoré trop tôt pour la donner. Car il faut bien d'autres faits, d'autres analyses pour arriver à la connaissance parfaite du mot de notre langue le plus difficile à employer et à définir; et ce sera trop tard quand on y sera arrivé !

D'ailleurs vous avez la loi et les prophètes. Ouvrez Wailly: Dès le principe, il vous dit que « le est un article et que l'article ne signifie rien par lui

a La F. 4, 4.

Suite du NUMÉRO Ier.

A. Parmi les animaux le chien se pique d'être
Soigneux et fidèle à son maître. a

Le chien est le seul animal dont la fidélité soit à l'épreuve. b

3. Une traîtresse voix bien souvent vous appèle,
Ne vous pressez donc nullement:

Ce n'était pas un sot, non, non, et croyez m'en,
Que le chien de Jean de Nivelle. c

4. Le chien avec le coq allait de compagnie :
La nuit survint, et de concert

2. Le chien de berger est supérieur Cette paire d'amis, restant toujours unie, par l'instinct à tous les autres chiens.

Voulut en même lieu se choisir un couvert. d

Voilà chien déterminé, individualisé des quatre mêmes manières. Dans les deux premiers exemples, c'est le chien pris pour l'espèce; dans l'exemple numéroté 2, c'est le chien sous-spécifique. Tels seront aussi le chien de chasse, le chien sauvage, le chien domestique, le chien hargneux, etc., etc. Dans l'exemple, noté 3, c'est le chien individuel qui équivaut à un nom propre. Dans le dernier exemple c'est l'espèce personnifiée par le chien qu'on a mis en scène. Nous ferons encore une application, mais sur un sujet plus relevé.

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Le roi du troisième exemple signifiait dans la satire de Voltaire le mi Louis quinze, plus tôt c'eût été Louis quatorze. De sorte que le cri vive le roi, pour être compris, suppose la connaissance du temps et du

même. » Quant à l'article, c'est un petit mot. « L'académie jète sur cet adjectif les mêmes torrents de lumière. » Le est l'article masculin, la l'article féminin. » Ainsi l'article c'est le ou la; et LE ou LA c'est l'article. Voilà des définitions. Tel est en ce point de doctrine le non plus ultrà de la science, le cercle d'où l'on ne sort point, et d'où il ne sera jamais permis de sortir. Nous ne parlons que de la grammaire qui est et sera enseignée dans les collèges. Car

Nous avons beau crier et nous rendre incommode,

Et l'empirisme et les abus ne seront pas moins à la mode..

1

La F. 3, 25. Bow. Le Chien. © LA F. 8, 21.

d FX. DE NEUs. 3, 6,

e Id. 7,33.

ƒ La F. 2, 19.

VOLT. Sat. la Vanité.

A LA F. 10, 10.

lieu. Vive le roi prononcé à Paris en 1818, c'est Louis dix-huit; à Londres, c'est Georges trois, etc., etc..

Tous les noms communs sont susceptibles d'être employés avec l'adjectif déterminatif le, des quatre manières dont nous avons donné trois séries d'exemples.

Quelle différence y a-t-il entre

L'homme est mortel.

et les hommes sont mortels?

Quand on dit l'homme, le mot homme est représenté comme un seul individu spécifique. L'homme est mortel, signifie donc que la mortalité est l'apanage attaché à l'espèce humaine. C'est dans l'ordre des choses nécessaires; tout détail serait superflu. Mais quand on dit Les hommes sont mortels, on est censé compter les individus de l'espèce. Les hommes, c'est comme si l'on disait Auguste, Antoine, etc. On trouvera donc deux sens bien différents dans l'homme est mortel, et les hommes sont mortels. Dans le premier cas, il s'agit de la mortalité ou de la nécessité de la mort, qui est infaillible, uniforme; dans le second, de la mort même dont l'instant pour chaque individu est plus ou moins reculé, plus ou moins inattendu.

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Le philosophe dira : l'homme est mortel. Un usurier qui veut assurer sa créance par un bon contrat, sans attendre au lendemain, dira: « Allons chercher le notaire, arrangeons cette affaire de suite; vous » étes jeune, il est vrai, mais qui sait ce qui peut arriver? LES HOMMES » SONT MORTELS, c'est-à-dire meurent d'un moment à un autre. »

Quel est le trait commun qui caractérise le, la, les? ou quel est le trait qui, dans les quatre sortes de circonstances où il est employé, le distingue de tout autre déterminatif?

C'est encore nous demander une définition. Nous répéterons que la valeur constante de le, c'est d'être un ce affaibli; et pour ceux qui veulent des noms pour chaque mot, nous l'appèlerons démonstratif faible. (236)

(236) Dans notre première édition nous l'avions nommé propriatif, c'est-àdire adjectif qui assimile le substantif à un nom propre. Le nom de démons tratif faible ne contredit point cette doctrine; car montrer un objet plus ou moins sensiblement, c'est comme si l'on disait son nom propre : c'est Oreste, ou bien Agamemnon,

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Quand on dit je suis tout couvert d'eau, j'ai une bouteille d'eau, on ne cherche point à déterminer si l'eau qui me

'si l'eau dont couvre, j'ai une bouteille, est de l'eau de pluie, de fontaine, ou de rivière. Il suffit que ce soit une eau quelconque. Je suis tout couvert de l'eau... J'ai une bouteille de l'eau... indiquerait qu'il est question de telle ou telle eau, et laisserait attendre un complément, comme par exemple, que tu as versée, ou que tu sais. Je suis tout couvert de l'eau que tu as versée, j'ai une bouteille de l'eau que tu sais.

J'ai d'excellente eau est déjà plus difficile à expliquer : car il s'agit d'une eau qui est excellente; et il semble que l'eau devrait être déterminée par le démonstratif la, et qu'il faudrait dire: J'ai de l'excellente eau. Mais si l'on s'exprimait ainsi, l'on ferait attendre un nouveau complément comme celui-ci que tu sais ou que tu m'as apportée de Cologne. Lorsqu'on ne peut pas déterminer de quelle excellente eau on a, il faut donc dire: j'ai d'excellente eau, c'està-dire d'une eau excellente quelconque ( que je ne désigne, que je ne détermine pas). Mais lorsque l'adjectif est placé après éau, j'ai besoin de dire j'ai de l'eau..... excellente, car je dois annoncer par le mot la, que l'eau que j'ai est une eau que je vais déterminer et distinguer de toutes les autres par la qualité d'excellente.

C'est pour rendre plus sensibles les différences et les ressemblances, que nous avons cru devoir faire les phrases placées à la tête de cet

a LA BEUT. 6.

important numéro. Si on les compare avec celles que nous allons prendre dans les auteurs, on verra qu'elles présentent le tableau sommaire de toutes les manières de s'exprimer consacrées en ce point par l'usage et l'idéologie.

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nous donne dans une même phrase un exemple de deux circons

tances:

« Vous avez de l'huile admirable

» Et d'excellent poisson. » g

D'après cela, il est facile de décider la grande question qui faillit jeter le trouble dans une grande assemblée délibérante.... sur des sujets de grammaire : J'ai de bon tabac ou j'ai du bon tabac dans ma tabatière.

e MoL. Mal, imagin.
b WAILLY. Acad.
c J. J. R. Emil. 3.

d MoL. Mal. imagin. 3, 14.
e Mad, DX SEV. 16 mars 1672.

ƒ ACAD.

g Mad. Da Sv. 16 mars 1678.

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