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sans qu'il y ait quelque chose de crayonné. Crayonne demande donc, exige, commande ou régit le mot homme, qui est l'objet crayonné. Sur ne peut non plus être conçu sans complément; un corps ne peut être sur ou dans une position supérieure, sans être sur quelque chose. Sur demande donc, commande ou régit le substantif homme, qui est l'objet sur lequel on crayonne.

Dans autant qu'il y a d'hommes libres, les deux vrais médecins de l'homme, hommes et homme sont aussi des régimes; c'est de qui

les régit.

Qu'importe qu'un substantif soit régime d'un verbe ou d'un invariable dit préposition? Il est également direct, simple, immédiat. Dans la phrase construite, le premier homme touche immédiatement crayonne qui est le mot régissant; le second touche immédiatement sur, qui est le mot régissant. La distinction des régimes en simples et en composés, ou en directs et en indirects, ou en médiats et en immédiats, n'a pu naître que dans l'enfance de la grammaire, lorsqu'on ne se doutait pas même encore des principes et des causes du langage.

1o. Un roi entièrement tourné à la 5o. guerre voudrait toujours la faire pour étendre sa domination. Il ruinerait son peuple, a

2°. Le lion, roi des bois; l'aigle, tyran des aira;!
Et la baleine enfin, souveraine des mers. b

3°. Et roi j'ai défendu l'autorité d'un roi, c
4. Le premier qui fut roi fut un soldat heureux, d

Je sais la.
que vengeance
Est un morceau de roi, car vous vivez en
Dieux,

6o. Si vous comparez un roi qui ne sait pas la guerre à un roi sage qui, sans savoir la guerre, est capable de la soutenir dans le besoin par ses généraux, je le trouve préférable à l'autre. f

Roi n'est employé primordialement ou comme sujet que dans la première phrase. Il fait les fonctions de complément dans la seconde, la troisième, et la quatrième; il est régime du mot de dans la cinquième, de comparer et de d dans la sixième.

La ferme a plus d'esprit, et l'homme | est femme: voilà toute leur gloire dans plus de génie; la femme observe, la confusion des sexes qui règne aul'homme raisonne. g

Il faut toujours que la femme commande,
C'est là son goût, si j'ai tort qu'on me pende. h
Émile est et doit être homme, Sophie

a FixEL. Télém. 5.
b Fa. De Naus. 8, 11.
C VOLT, Henr.

d Id. Mérope.

jourd'hui entre nous; c'est presque un
prodige que d'être du sien. ¿

Et moi, qui sur le trône ai suivi mes ancêtres,
Moi, fille, femme, sœur et mère de vos maîtres. À

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Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement,
Les gens en parleront, n'en doutez nullement, a de femme aux femmes. b

Donnez sans scrupule une éducation

Voilà encore le mot femme remplissant les trois fonctions, dans la première phrase celle de sujet, dans la seconde et la troisième celle de complément, dans la quatrième et dans la dernière celle de régime.

Il est temps de considérer à part ces trois sortes de fonctions.

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On est un substantif, tel qu'il n'en existe pas un second dans toute notre langue. Jamais il ne remplit qu'une fonction, et c'est celle du mot primordial ou sujet. Dans les langues qui ont des cas, il répond toujours au nominatif.

On, comme l'a démontré M. Raynouard dans sa grammaire romane, est une altération du mot homme. Avant de dire on, on a dit successivement hom, om

HOM, hom ditz que, c'est-à-dire, on dit que. m

OM,

c'om si a hum als bos, c'est-à-dire, qu'on soit humble aux bons. n

a LA F. 3, 1.

b J. J. R. Emil. 5. & MONTESQ 28e. Let. d FixEL. Télém, 6, La F. 2, 110

fFR. DE NEUFCH, 2, 2.
g Bolt, Sat. 10.

k J. J. R. Emil. 1.
I Id.

m ARNAUD DE MANUEL,
n Id.

pers.

h J. JR. Emil. a.
i Id.

Dans les deux colonnes ci-dessus on et homme ne sont l'un et l'autre employés que comme sujets. Mais on a vu page 557, homme remplissant toutes les fonctions et de sujet et de complément et de régime. Tous les autres substantifs de notre langue, excepté on, peuvent être employés de même. Mais on ne peut jamais l'être que d'une manière. C'est un véritable cas, et ce cas est un nominatif. C'est le seul substantif absolu qui ait une forme casuée.

Lorsqu'on ne parle que des substantifs absolus qui dans les écoles ne portent d'autre nom que celui de substantifs, on ne peut pas dire que notre langue a des cas, mais qu'elle a un cas, et que ce cas, qui ne se trouve que dans un seul de nos substantifs, est un nominatif (212).

Le mot primordial ou sujet est toujours le mot du verbe, celui dont le verbe est affirmé.

Qui est-ce qui est fort? C'est l'homme.

Qui est-ce qui ne veut pas? C'est l'homme.

Qui est-ce qui ne supporterait pas? C'est un homme.

Dans les langues qui ont des cas, tous ces homme seraient, an nominatif. La place n'y fait rien. C'est le mot du verbe à un mode personnel qu'il faut chercher.

Dans quelque endroit qu'il soit placé, c'est toujours lui qui est le premier terme.

On ne peut venir en réponse à la même question, parce que quoiqu'il soit le mot primordial, il ne peut jamais s'employer avec l'ellipse de son verbe.

Nous ne pourrions pas dire : qui est-ce qui a besoin, etc.? — On. Ainsi l'emploi de on est restreint non seulement à une seule fonction, mais dans cette fonction même, cet emploi est très-limité. Si le mot SUIET est bien ou mal trouvé pour désigner la fonction de mot primordial?

Sujet vient du latin subjectus, jeté dessous, d'où l'idée d'un être soumis et subalterne. C'est dans le sens de cette étymologie qu'on a dit:

(212) M. Bertrand, dans sa fameuse dissertation, INTITULÉE : il y a des cas dans la langue française, et c'est une erreur de croire qu'il n'y en a point, aurait donc été plus exact s'il y avait dit:

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⚫ Hy a un cas dans la langue française, et c'est une erreur de dire qu'il n'yen a pas un. ❤

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Notts tromper dans nos entreprises,
C'est à quoi nous sommes sujets ;
Le matin je fais des projets,
Et le long du jour des sottises. a

Non, non, il faut subir ce terrible passage.
Le riche et l'indigent, l'imprudent et le sage
Sujets à même loi, subissent même sort. b

Il faut commencer par faire un mauvais sujet pour faire un bon esclave. c Jamais sans l'épuiser il ne quitte un sujet. d

Pigmalion tourmenté par la soif insatiable des richesses, se rend de plus en plus misérable et odieux à ses sujets. e

Voilà trois sujets et un sujet qui sont et ne sont pas sujets. Ils le sont dans le sens étymologique de ce mot, ils ne le sont pas dans le sens arbitraire qu'il a plu aux grammairiens de leur donner`pour désigner par-là le mot primordial d'une proposition, le mot qui en est le chef, et le seul qui ne soit jamais sujet ou dépendant d'un autre. Ainsi, par exemple, d'après les créateurs de la langue grammaticale dont dieu a béni les productions, le roi Pigmalion est sujet et ses sujets ne sont pas sujets.

EXEMPLES

De diverses sortes de substantifs fesant les fonctions de mots primordiaux dits sujets.

Tout AVAIT disparu. L'écho de Port Royal
Dès long-temps, mais en vain, REDEMANDAIT
Pascal.

Corneille dans la tombe AVAIT suivi Molière.
Racine en courtisan TERMINAIT sa carrière.
Il est vrai, toutefois, que le sabre à la main
On SAVAIT convertir les enfants de Calvin;
Mais des tribus en pleurs qui EU VAIENT leur patrie,
Vingt peuples ACCUEILLA IBNT l'hérétique industrie.
Montesquieu, dans ce siècle osant juger les rois,
Des peuples asservis REVENDIQUa les droits.

Et l'arbre de Bacon bravant plus d'un orage,
Par degrés, sur l'Europe, ÉTENDIT son ombrage.ƒ

L'esprit (qu'on veut avoir) GATE celui qu'on a. g
perroquets

Il n'ÉTAIT point de ces fiers
Que l'art du siècle A rendus trop coquets. A

Deux enfants AVAIENT faim, i

Mais il n'ÉTAIT plus temps, les chants avaient cessé. k

Tous les mots imprimés en caractère italique ou penché sont des mots primordiaux dits sujets. Dans les langues casuées ils seraient tous au nominatif, la tournure restant la même.

Tout est pour tout objet, ou, comme on dit, un adjectif pris substantivement. Il et qui sont des relatifs, mais on verra que cette sorte remplit les mêmes fonctions.

a VOLT. Memnon.

b J. B. R. Od. 1, 3.

e MONTESQ. Espr. des Lois.
d Boil. Art poét.

e Fix. Télém. 3.
f Cuis, Epit. à Volt,
GRESSET.

h GRESSET. Vert-Vert.

i LA F.

A RAINOVARD, Templiers.

!:

Remarque importante.

Les substantifs italiques des citations précédentes répondent à des verbes que nous avons distingués par un autre caractère. Or chacun de ces substantifs a son verbe propre avec lequel il ne fait qu'un. C'est pour montrer cette identité qu'on les a mis au mème nombre. Tout AVAIT (disparu): qu'est-ce qui avait (disparu)? Tout. Tout est au singulier, avait est au même nombre.

Vingt peuples ACCUEILLAIENT... Peuples est au pluriel, accueillaient y est aussi.

On verra plus tard que le verbe est toujours aussi de la même personne que le mot primordial ou sujet auquel il se rapporte.

La doctrine des verbes auxiliaires

est donc une monstruosité à laquelle il est impossible de donner un nom. Car il faudrait par exemple que dans les chants avaient cessé, cessé fût un verbe ; que ce verbe, qui n'est pas verbe, fût en rapport d'identité avec le mot primordial ou sujet qui est du pluriel; et cependant il reste au singulier.

Il faudrait qu'un même mot fût d'une double nature, auxiliaire et non auxiliaire, comme il plairait aux grammairiens. Par exemple, dans l'esprit qu'on a, les enfants avaient faim, A et AVAIENT ne sont pas des verbes auxiliaires; dans l'art lés a rendus coquets, les chants avaient cessé, a et avaient sont auxiliaires, et ils sont auxiliaires pour aider à conjuguer cessé et rendus qui ne se conjuguent pas, qui ne sont pas même des verbes. Que de premiers ignorants aient mis dans leurs têtes, images du chaos, de semblables choses, cela peut encore se concevoir; mais que depuis à-peu-près l'époque du déluge elles soient naïvement répétées sur toute la terre, c'est ce qui prouve la toute-puissance de l'habitude.

DIFFICULTÉS

Qui disparaissent par le rétablissement des ellipses.
Ellipse du mot primordial, lorsqu'il a déjà été exprimé.

Plutus ôtait, rendait, retirait tour à tour

Ses dons capricieux, et sa faveur d'un jour. a

• Cass. Épit. à Volt.

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