Un Agneau fe défaltércit Dans le courant d'une onde pure. Un Loup furvient à jeun, qui cherchoit aventure, Tu feras châtié de ta témérité. Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté Plus de vingt pas au-deffous d'elle; Le Loup l'emporte, & puis le mange, L'Homme & fon Image. POUR M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT, UN N homme qui s'aimoit fans avoir de rivaux, Paloit dans fon efprit pour le plus beau du monde, I accufoit toujours les miroirs d'être faux, Préfentoit par-tout à fes yeux Les confeillers muets dont fe fervent nos Dames. Miroirs aux ceintures des femmes. Que fait notre (1) Narciffe: 11 fe va confiner Se trouve en ces lieux écartés: Il s'y voit, il fe fâche; & fes yeux irrités Qu'il ne le quitte qu'avec peine. On voit bien où je veux venir. Je parle à tous; & cette erreur extrême même : Tant de miroirs, ce font les fottifes d'autrui, Que chacun fait, (2) le Livre des Maximes; (1) On appelle Narciffe, tout homme entêté de fa beauté, réelle ou chimérique, par allufion à ce que dit la Fable, d'an beau jeune homme de nom, qui devint fi folle ment amoureux de lui-même, (2) Celui des Maximes N 1 FABLE XII. Le Dragon à plufieurs têtes, & le Dragon à plufieurs queues. UN Envoyé du Grand Seigneur, Préféroit,dit l'Hiftoire, un jour chez (1) l'Empereur, Notre Prince a des dépendans . Lui dit: Je fais par renommée Ce que chaque Electeur peut de monde fournir ; " D'une aventure étrange, & qui pourtant eft vraie. J'étois en un lieu fûr, lorfque je vis paffer Et je crois qu'à moins on s'effraie. Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture, Quand un autre Dragon qui n'avoit qu'un feul chef, D'étonnement & d'épouvante. Ce chef paffe, & le corps, & chaque queue auffi. Rien ne les empêcha, l'un fit chemin à l'autre. Je foutiens qu'il en eft ainfi De votre Empereur & du nôtre. (1) Celui d'Allemagne, 1 (2) Serpent à plufieurs têtes. FABLE Pour u Les Voleurs & l'Ane. Our un Ane enlevé deux voleurs fe battoient : L'un vouloit le garder, l'autre le vouloit vendre. Tandis que coups de poings trotoient, Et que nos champions fongeoient à fe défendre, L'Ane, c'est quelquefois une pauvre Province. De nul d'eux n'eft fouvent la Province conquife. (1) Nom burlefquè qu'on donne à l'Ane. FABLE XIV. Simonide préfervé par les Dieux. ON ne Nne peut trop louer trois fortes de perfonnes, La louange chatouille & gagne les efprits. [1] Excellent Poëte François, qui a vécu fous Henri IV & Louis XIII. I. Partie, B Voyons comme les Dieux l'ont quelquefois payéé Simonide (2) avoit entrepris L'éloge (3) d'un Athlete ; &, la chose effayée, Le Poëte d'abord, parla de fon Héros. Faifoit les deux tiers de l'ouvrage. L'Athlete avoit promis d'en payer un talent; N'en donna que le tiers? & dit fort franchement Venez fouper chez-moi : nous ferons bonne vic. Mes parens, mes meilleurs amis. Simonide promit. Peut-être qu'il eut peur De perdre, outre son dû, le gré de sa loüange. (2) Ancien Poëte Grec, très-célébre, dont il ne nous refte que quelques fragmens.. (3) On nommoit Athletes ceux qui, dans la Grèce, paroiffoient en divers lieux & en divers temps devant de nombreuses affemblées de peuple, pour y difputer le prix de la courfe, de la lutte, &c. (4) Freres gemeaux, fils de Jupiter & de Léda, qui s'étant rendus fameux par letr adrefle dans les exercices du corps, & par leur valeur, furent placés entre les étoiles après leur mort.. |