XIV. L'ÉCOLIER, L'ABEILLE ET L'ABSINTHE. QUE fais-tu donc sur cette plante? Disait un écolier, paresseux et mutin, A l'ouvrière diligente Qui butinait de grand matin. Du miel.-Y penses-tu? quoi, du miel de l'Absinthe? -Sans doute.-Ah! pour le coup c'est se moquer de moi! De ton rare talent, à te parler sans feinte, Tu fais, ma chère, un sot emploi. - Ainsi l'âge de l'ignorance Toujours juge à tort, à travers ! Quand mon utile prévoyance De cette plante aux sucs amers Tire un miel aussi doux que celui de la rose, Du travail, mon ami, c'est la métamorphose. Mets à profit, crois-moi, la leçon d'aujourd'hui : Pour la trop paresseuse enfance L'Absinthe est la peine et l'ennui Qu'un long travail traîne après lui; Le miel c'est le doux fruit que produit la science. A. NAUDET (Fables, 1829). XV. L'ENFANT DÉNICHEUR. JEUNES enfants ont toujours eu la rage Sur trente qu'ils mettent en cage C'est leur manière de jouir, Et plus d'un homme fait n'en sait pas davantage Pourquoi ces pleurs, cette colère ? De quel côté sont donc les torts? Le chat n'a fait, mon fils, que ce qu'il t'a vu faire. Tu fus bien plus cruel à l'égard des parents De ces oisillons innocents: Juge de leur douleur amère Par la peine que tu ressens! Les maux que nous causons doivent être les nôtres. Fais en sorte que ton plaisir Ne soit pas le tourment des autres. ANTOINE VITALIS (Fables, 1795). XVI. LE CAMÉLIA ET LES VIOLETTES. UN camélia blanc, au centre d'un bouquet, Comme auprès de moi, mes pauvrettes, Vous faites une humble figure! En vérité, pour vous j'augure J'ai pour moi tous les avantages: Répondirent les violettes. Beau camélia blanc, nous toutes, que tu traites A toi dans un moment nous verrons préférées : Par un discret parfum révèlent tout leur prix. GUSTAVE CHOUQUET. XVII. JEUNE ENFANT ET VIEUX CHAT. FILLETTE de neuf ans, Alerte et gracieuse, Tenait, toute joyeuse, A donner en retour Oh! pourquoi, disait-elle, Sans offenser personne, Un triste personnage Ce n'est point la vieillesse D'une âme sans noblesse. |