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Cours de MM. Emile Faguet, Gustave Larrou-
met, Alfred Gazier; leçons de MM. Gustave
Allais, Edouard Herriot, J. Chot.

Cours de MM. Gaston Boissier, Jules Martha.
Cours de M. Alfred Croiset.

Cours de MM. Emile Boutroux, Victor Bro-
chard, leçons de M. Emmanuel Joyau.

Cours de M. Charles Seignobos; leçons de MM.
Desdevises du Dezert, Henri Hauser.

MM. Léo Claretie, N.-M. Bernardin, Henri
Chantavoine, Henri Bérenger.

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SOUTENANCEs de thèses. SUJETS DE DEVOIRS, LEÇONS ET COMPO-
PROGRAMMES DES COURS ET DES

EXAMENS. -

LISTES D'AUTEURS. RENSEIGNEMENTS DIVERS.

-

PARIS

BIBLIOGRAPHIE.

SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'IMPRIMERIE ET DE LIBRAIRIE

ANCIENNE LIBRAIRIE LECÈNE, OUDIN ET C

15, RUE DE CLUNY, 15

1903

Tout droit de reproduction réservé

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Je vais m'occuper, pendant quelques leçons, d'un poète qui a laissé dans l'histoire de la littérature française une très mauvaise réputation, plus mauvaise encore que celle de Cyrano de Bergerac. L'école de 1660, qui a ménagé, jusqu'à un certain point, Théophile de Viau et Cyrano de Bergerac, s'est montrée particulièrement sévère pour Saint-Amant. La Bruyère, en effet, met Théophile en parallèle avec Malherbe, et, s'il préfère Malherbe, il n'en rend pas moins justice à Théophile, en disant : « Tous les deux ont connu la nature ». Boileau, lui-même, a, quelque part, une parole flatteuse pour Cyrano. Mais, pour Saint-Amant, l'école de 1660 n'a eu que du mépris. Il a été admis sur lui deux légendes: l'une en fait un buveur, un pilier de cabaret, bouffon des grands seigneurs qu'il amusait par ses plaisanteries et par ses coq-à-l'àne; l'autre, un ridicule, le fantastique auteur, raillé par Boileau, du Moïse sauvé. Il est intéressant, sinon de réhabiliter Saint-Amant, du moins de voir de près ce qu'il a pu valoir et de retrouver en lui particulièrement un représentant original de la littérature de 1630.

I

SA VIE.

Il s'appelait véritablement Marc-Antoine de Gérard. Mais c'était l'usage, dans les familles nobles de ce temps-là, de prendre un

nom particulier pour se distinguer de ses frères. Dès dix-huit. ans, en venant à Paris, il prit le nom de Saint-Amant, village des environs de Rouen, où il était né en 1594 ou 1595, comme le témoignent ces vers écrits par lui-même en 1649 :

Quand l'an qui court se fermera,
J'ouvrirai mon douzième lustre.

Son père était un officier de marine au service de la reine d'Angleterre, qui avait eu la vie la plus accidentée du monde : il avait été prisonnier des Turcs à Constantinople. Il était mort alors que notre auteur était encore très jeune. Saint-Amant avait deux frères, tous deux officiers, qui avaient servi sur terre et sur mer dans toutes sortes de guerres et sous plusieurs chefs. Il revient, à différentes reprises, dans ses œuvres, sur cette fatalité qui est cause qu'il existe des Turcs dans le monde, car ce sont les Turcs qui ont été funestes à sa famille. Il dit, par exemple, dans une épitre au comte d'Arpajon:

Je n'avais que deux frères, que les armes des Mahométans m'ont ravis: le premier fut tué en un furieux combat qui se donna à l'embouchure de la mer Rouge, entre un vaisseau malabare qui revenait de la Mecque et un vaisseau français qui s'en allait aux Indes orientales, sur lequel, tous deux poussés de la belle curiosité de voir le monde et de l'honorable ambition d'acquérir de la gloire, ils s'étaient embarqués ensemble au sortir des études. Le second, après avoir reçu cinq ou six plaies en ce combat, dans le navire ennemi qu'ils avaient abordé après avoir fait tout ce qu'un généreux désespoir, ou, pour mieux dire,

Tout ce que la fureur, méprisant tout obstacle,
Inspire au sein d'un frère irrité du spectacle ;

après avoir été renversé d'un coup de pique dans la mer; après s'être sauvé plus d'une lieue à la nage, tout blessé qu'il était ; après s'être vu en mille autres périls devant que de revenir d'un voyage si long, si hasardeux et si pénible; après avoir servi dans la cavalerie sous le renommé comte Mansfeld; après avoir eu l'honneur d'être cornette à la colonelle d'un régiment français sous cet admirable roi de Suède, en ses plus fameuses expéditions... ce brave et pauvre cadet..; après avoir commandé plusieurs campagnes navales et un des vaisseaux de notre puissant monarque Louis le Juste, d'immortelle et précieuse mémoire, sous la charge de cet invincible héros, monseigneur le comte d'Harcourt, finit glorieusement ses jours par les mains des Turcs en l'ile de Candie, il y a deux ans, étant colonel d'un régiment d'infanterie française au service de la sérénissime république de Venise... »

Notre jeune Marc-Antoine de Gérard de Saint-Amant eut une éducation infiniment négligée. Orphelin de père de très bonne heure, il s'est contenté de savoir un peu d'italien et un peu d'espagnol ces deux langues étaient alors fort à la mode, et il était à peu près impossible de les ignorer. Pour le latin et pour le grec, il s'en est complètement passé, et cela explique ses théories littéraires. Ajoutons qu'il avait un rare talent de musicien il jouait du luth, avec beaucoup de grâce et dans la perfection. Lui-même n'a pas laissé de se flatter, d'une façon indirecte au moins, de ce mérite :

Si, pour me retirer de ces creuses pensées,
Autour de mon cerveau pesamment amassées,
Je m'exerce parfois à trouver sur mon luth
Quelque chant qui m'apporte un espoir de salut,
Mes doigts, suivant l'humeur de mon triste génie,
Font languir les accents et plaindre l'harmonie.
Mille tons délicats, lamentables et clairs,

S'en vont à longs soupirs se perdre dans les airs;
Et, tremblant au sortir de la corde animée,
Qui s'est dessous ma main au deuil accoutumée,
Il semble qu'à leur mort, d'une voix de douleur,
Ils chantent en pleurant ma vie et mon malheur.

Malgré un peu d'obscurité dans ce dernier vers et de préciosité dans tout le reste, nous pouvons pressentir ici déjà un poète distingué.

La vie de Saint-Amant fut très accidentée, mais en somme assez heureuse. En rapprochant différents textes, nous pouvons conclure qu'il vint à Paris tout à fait au sortir de l'enfance, entre les années 1610 et 1613. Il fut très vite recherché de plusieurs grands seigneurs pour ses qualités de bon convive, d'agréable poète, de joli causeur, et un peu même de bouffon spirituel. Il y a, en lui, à ce moment, un mélange de parasite élégant et de bouffon gracieux. Fort bien de sa personne, mince et fluet, il n'était point encore le gros Saint-Amant qui sera plus tard légendaire. Il était particulièrement l'ami du duc de Retz, qui en fit son secrétaire et comme la muse frivole et gaie de son palais. La première de ses œuvres, dont le bruit dépassa le cercle coutumier de ses admirateurs, est la Solitude. Le succès en fut extraordinaire; elle fut immédiatement imitée, contredite, parodiée, discutée; elle donna lieu, autant que les fameux sonnets de Job et de la Belle matineuse, à toute une littérature moitié critique, moitié originale.

Cette Solitude, qui, en effet, a beaucoup de mérites, avait été écrite à Belle-Isle en Mer, où l'auteur séjournait avec le duc de Retz. Saint-Amant fut académicien (c'est un point que n'aurait pas dû

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