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La REVUE offre à ses lecteurs et à ses lectrices l'expression de sa plus sincère gratitude. Grâce à l'intérêt constant qu'ils lui ont octroyé et à la bienveillance dont ils l'honorent, elle entre, débordante de sève et de vie, dans sa cinquième année.

Encore quelques efforts sympathiques, et le chiffre des abonnés atteindra les limites du mille. Secondé de l'appui de tous les bras, la REVUE * propose de répondre, mieux encore, aux désirs et aux espérances de ses auxiliaires. Dans ce dessein, nous adressons de nouvelles instances aux Maîtres et aux Maîtresses, aux élèves des Séminaires, Collèges, Ecoles normales, Pensionnats, Académies, Cercles littéraires...

Tout le monde convient que la modique somme de cinq cents, le nuLéro,quand un même établissement scolaire en prend au moins dix -n'est pas au-dessus des ressources des bourses écolières. L'avantage de posséder ainsi pour 50 cents chaque année de la REVUE, s'accroît ncore de la facilité de l'étudier en commun, de revoir à loisir et par soimême les matières, de les enseigner avec plus d'attrait et de sûreté, de se voir enfin dispensé de l'acquisition d'autres ouvrages, coûteux en raison je leur nombre.

Avec l'année 1903, se termine l'étude abrégée de la prose. C'était la Première section de notre cours théorique, inauguré en janvier 1900. Le désastre qui vient d'anéantir totalement l'Université d'Ottawa - le matin du 2 décembre ne saurait anéantir la REVUE qui porte son nom. Sa rédaction, du reste, s'est toujours abritée sous le toit du Juniorat du Sacré-Coeur qui, bien menacé des étincelles et de la chaleur rayonnante fun brasier immense, se réjouit de la sauvegarde de l'œuvre apostolique et des exemplaires des quatre années précédentes de la REVUE

Continuant donc sa route avec joie, avec courage, avec espérance, elle entreprend d'exposer aux lecteurs la Deuxième section du cours théorique de la prolonger aussi longtemps qu'il conviendra de le faire. L'intention, il est vrai, ne révèle pas la prétention d'enseigner l'art de devenir poète, de construire des ouvrages rimés, mais bien d'enseigner les notions et les règles qui aident à entendre les œuvres poétiques, à les analyser dans leurs détails très complexes, à les goûter comme l'expression du beau, du vrai, du bien à les juger comme défectueuses, mauvaises ou médiocres. Le terrain, comme on le verra, est étendu, très riche et d'un haut intérêt de curiosité.

Ce programme de poétique ne saurait exclure

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en vue de l'utilité et de l'agrément des lecteurs d'autres excursions sur le terrain pratique. Aussi bien, la Partie pratique offrira au public des travaux divers de Enre et de forme:

d'abord des notions élémentaires de philosophie, de psychologie ou étude de l'âme humaine, accompagnées de sujets développés ou au moins esquissés; nous ne saurions trop engager les Maîtresses de classe, ni trop exhorter les élèves des deux sexes, à prêter la plus sérieuse et la plus persévérante attention à ces notions philosophiques: elles s'imposent d'urgence, dans notre société toute de luxe, de sensations et de surface, et secondent à merveille la pédagogie et la formation intellectuelle, morale, religieuse même de la jeunesse ;

puis- des essais ou devoirs d'élèves, tels qu on les aura conçus, ordonnés, composés, quelque défectueux qu'ils paraissent ou tout splendides que leurs auteurs les veuillent estimer. Il importe souverainement aujourd'hui de ne pas s'arrêter au seuil du médiocre, du banal, du superficiel, du vieilli; il importe de dévoiler avec franchise et avec assurance quels défauts déparent et enlaidissent tout essai littéraire, de manifester clairement et avec justesse comment il ne faut plus écrire: c'est l'une des conditions indispensables qui mènent à savoir comment il faut écrire ou tenter de le faire. Est-ce la peine vraiment d'user son temps et ses forces au collège et au pensionnat, de terminer son cours, sans que l'on puisse se donner le plaisir et la récompense d'une aptitude pratique vraiment littéraire?.... Non, assurément, que nous voulions décourager les élèves; que nous prétendions poser en critique irréprochable, ou incapable d'erreur: tous nos efforts et nos labeurs ne visent qu'à seconder la bonne volonté et à fournir à distance un secours que l'on veut bien nous demander ou attendre de la REVUE;

ensuite des textes ou extraits des bons écrivains, contre-partie des essais d'élèves, en expliquant avec détails de quelle façon les esprits distingués et les auteurs de premier rang ont su inventer, disposer, exprimer les idées générales, les pensées communes, les belles choses de la nature, les sentiments de l'âme, les événements de la société. L'art s'apprend chez les maîtres; les chefs-d'œuvre se copient par le travail et l'on devient auteur à son tour... Nous accueillerons les bons essais, ceux que l'on décidera réussis, aussi bien que les moins satisfaisants;

enfin

un supplément de lectures sérieuses, instructives, récréatives ou amusantes, mais toujours littéraires et bien écrites.

Tel est l'ensemble du programme que nous espérons réaliser. Il reste, comme on le présume, rattaché et enchaîné au programme des quatre années antérieures.

On nous permettra d'y renvoyer souvent, dans le dessein d'éviter les répétitions et la multiplicité des citations: nos trente-six pages mensuelles n'offrent qu'un espace assez restreint.

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· Comme nous écrivons cet avis aux lecteurs le jour même de la fête de l'Immaculée-Conception, nous déposons aux pieds de la Vierge, notre Mère, et la REVUE et la plume qui la compose.

R. P. L. LE JEUNE, O. M. I.

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1. Au sens étymologique, le mot poésie révèle son origine immédiate, uest latine: poesim.

2. Au premier sens général, la poésie est "l'art de faire des ouvrages avers". Et l'on dit ainsi :-"Cultiver la poésie;-la poésie est la usique de l'âme " (Voltaire, Dict. phil.)

Par extension, ce mot désigne la beauté des idées et du style, beauté sentielle à la poésie, indépendamment de la versification. Ainsi Fénelon erit:-Toute l'Ecriture sainte est pleine de poésie". (Lettre à load. 5).

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Par analogie, ce terme dénote tout ce qui est beau, délicat, fin, exquis ans la nature et dans les œuvres d'art; et l'on entend dire alors: La sie d'un paysage, d'un tableau, d'une symphonie.

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3. Au second sens général, la poésie indique un ouvrage en vers: poésies de Malherbe, de Musset, de Coppée "; " écrire des poésies gitives".

Par extension - dans ce second sens le mot exprime: ou bien genre d'ouvrages en vers, comme quand on dit: "la poésie lyrique, ramatique "; - ou bien un ensemble d'ouvrages versifiés, composés dans langue: "la poésie grecque, latine, française".

Si l'on souhaite une définition plus appropriée, nous donnerons le-ci :

La poésie est l'expression du beau avec tous ses charmes et tous ses
traits, s'adressant plus spécialement à la sensibilité, par l'intermédiaire
Poreille et de l'imagination, dans le dessein immédiat de plaire.
Reprenons ces mots, pour en éclairer la signification exacte et un peu

straite.

Est l'expression... c'est-à-dire le style poétique, qui se distingue de la se, parce qu'il est plus perfectionné, à cause du fond ou idéal du et de la forme qui la revêt avec convenance et harmonie; plus puisque c'est surtout par images que le poète aime à concevoir et présenter ses pensées; - plus hardi quant aux expressions, aux tours, inversions, à la marche vive; - plus passionné, car il s'adresse sur

tout à la sensibilité; plus harmonieur, puisque, pour plaire, il faut viser à charmer l'oreille; - plus assujetti à une mesure régulière, la poésie étant un cri de l'âme inspirée, du cœur enthousiasmé, et que le moyen ordinaire et naturel de manifester les émotions, c'est le chant il n'est point de langage plus apte aux beautés de la musique que le langage mesuré et rimé de la poésie.

du beau: lequel doit être plus parfait en poésie qu'en prose, parce que la prose a surtout pour but d'instruire, tandis que la poésie vise à plaire avant tout.

avec tous ses charmes et tous ses attraits: or, c'est par les charmes qu'un objet, qu'un récit nous plaisent; c'est par leurs attraits qu'ils nous touchent, émeuvent, attirent...

Donc l'objet de la poésie doit avoir des charmes et des attraits, il doit être raisonnablement le plus beau possible, c'est-à-dire l'idéal du beau dans tous les genres, physique, intellectuel, moral, religieux.

s'adressant plus spécialement à la sensibilité: sans doute que si la prose s'adresse à la raison pour l'éclairer, l'instruire, la convaincre, elle peut également chercher à plaire, mais indirectement et en second lieu; de même, si la poésie s'adresse à la sensibilité ou cœur pour l'émouvoir, captiver et persuader, elle peut aussi chercher à instruire et à prouver. mais d'une façon moins immédiate, car elle doit songer à plaire et à charmer d'abord.

par le moyen de l'oreille et de l'imagination: la sensibilité étant une faculté aveugle, elle ne saurait être directement impressionnée ou séduite comme l'intelligence par la vue des objets ou la vision idéale du vrai, du beau, du bien; et précisément, à défaut de la vue réelle des objets ou des idées, l'organe et la faculté qui agissent le plus directement et le plus fortement sur la sensibilité, ce sont l'oreille et l'imagination: l'oreille par la cadence, la rime, le rythme, l'harmonie des syllabes, des mote, du vers, du mélange des vers l'imagination, par les images, les tableaux les descriptions, les figures... impressionnent de concert et avec succès la sensibilité.

san

Donc le poète est surtout un homme d'imagination et de cœur qu'il lui soit jamais permis d'oublier qu'il possède une intelligence et un volonté.

dans le dessein immédiat de plaire: en vérité la fin dernière de la litté rature, c'est de porter la volonté humaine à aimer le vrai, le bien, le bea -sinon elle est incomplète, erronée, inutile, nuisible. Or, l'amour d vrai et du bien qui sont tous deux inséparables du beau, la sensibilité concourt en présentant les objets sous un aspect agréable, aimable, qu plaît: c'est sa part à elle, aidée de l'oreille et de l'imagination, dans langage poétique.

Donc, c'est le sentiment qui prend la première place en poésie et la se conde est réservée au raisonnement; c'est l'inverse dans les genres e prose.

5. Il est aisé, d'après ces explications, d'entendre la portée de cette autre définition que donnent certains auteurs:

La poésie est l'art de charmer l'esprit et d'émouvoir le coeur, au moyen du langage et des vers.

C'est bien ce que nous voulons inculquer: si la poésie est "un art", elle embrasse donc un ensemble de lois et de règles - que nous exposerons dans une étude suivie sur la versification, sur la poétique, nomenclaure des divers genres de composition en vers à travers les siècles.

Pour éclairer cette seconde partie - la poétique — en laissant pour les nois suivants, la versification, nous offrons aux lecteurs un aperçu d'ensemble qui leur servira de point de repère dans l'étude de notre Seconde Section théorique.

II. - DIVISION DE LA POÉSIE.

6. Le fond que tout poète peut traiter est une vérité de l'esprit ou sentiment du cœur.

On voit là les deux grandes divisions de la poésie: tous les genres vont en sortir.

-

I. SECTION. Si le fond est une vérité, celle-ci peut être spéculative de fait.

Art. I. — La vérité spéculative peut avoir pour fin d'amuser ou d'ins

are.

Si elle amuse ou récrée d'une manière sérieuse, c'est par le Sonnet et la Ballade; - d'une façon piquante: par l'Epigramme et le Madrigal;Fune manière badine: par le Rondeau et le Triolet.

Si elle instruit par un ensemble de vérités, formant un corps de docrine: c'est le poème didactique; - par une vérité, prise séparément, Te façon directe: c'est l'Epître, philosophique ou familière; d'une maère indirecte, en critiquant les ouvrages littéraires: c'est la Parodie et Travestissement; les hommes: c'est la Satire, virulente ou badine. Art. II. — La vérité de fait ne saurait se concevoir que comme un être De action.

Si c'est un être, ou bien on l'énonce simplement: par l'Inscription et Epitaphe; ou bien on le décrit, d'une manière obscure, soit par un 1: Charade et Logogriphe; soit par une chose signifiée: Enigme et Acrostiche; d'une manière claire: c'est le Genre descriptif, pur ou

Si c'est une action, celle-ci peut être ou racontée ou représentée sur la

Ta deux subdivisions très importantes qu'il faut garder dans la mére: sur elles reposent les grands genres de poésie le plus en honneur l'histoire littéraire, le plus en vogue de nos jours, à part le con

de la section seconde, que nous donnons plus loin.

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