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In prêtre, assis à son chevet, le console. Ce ministre saint s'entretient avee lui de l'immortalité de son âme; et la scène sublime que l'antiquité -ntière n'a présentée qu'une seule fois dans le premier de ses philosophes mourants, cette scène se renouvelle, chaque jour, sur l'humble grabat du dernier des chrétiens qui expire.

Enfin, le moment suprême est arrivé. Un sacrement a ouvert à ce juste les portes du monde; un sacrement va les clore. La religion le balança dans le berceau de la vie: ses beaux chants et sa main maternelle Tendormiront encore dans le berceau de la mort. Elle prépare le bapème de cette seconde naissance; mais ce n'est plus l'eau qu'elle choisit, est l'huile, emblême de l'incorruptibilité céleste. Le sacrement libéraeur rompt peu à peu les attaches du fidèle; son âme, à moitié échappée de son corps, devient presque visible sur son visage. Déjà il entend les oncerts des séraphins; déjà il est prêt à s'envoler vers les régions où Invite cette espérance divine, fille de la vertu et de la mort.

Cependant l'ange de la paix, descendant vers ce juste, touche de son septre d'or ses yeux fatigués, et les ferme délicieusement à la lumière. li meurt, et l'on n'a point entendu son dernier soupir; il meurt, et, ngtemps après qu'il n'est plus, ses amis font silence autour de sa cou: tant ce chrétien a passé avec douceur!

A. Les idées de chaque phrase.

1. — Ce morceau, qu'on lit soi-même à haute voix et lentement, en actuant bien, il faut le reprendre phrase par phrase, lue par autant Félèves, afin de chercher l'idée: on devrait l'écrire au tableau noir, avec En chiffre, en le soulignant à la craie.

1. "Mourir le fidèle." C'est bien l'idée du titre du morceau.
Les relations cessent.." Pourquoi ? c'est la réalité observée.

3. “ Le temps... l'éternité.” Pensée naturelle, après la seconde.
4. " Un prêtre le console." Voici l'explication du mot" chrétien""
5. S'entretient de l'immortalité." Quelle source de consolation !...
"Moment suprême." Phase progressive de la scène lugubre.

1. "Un sacrement va les clore." C'est l'Extrême-Onction.
"Endormiront dans la mort." Vrai secours de la religion.

9. "L'huile, emblême de..." Description plus précise du sacrement.

4. Rompt les attaches... âme visible." Effets du sacrement.

"Concerts... ; s'envoler vers les régions." Hypothèse du ciel entrevu.

2 Les ferme à la lumière." L'action même de trépasser.

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B. I meurt... ce chrétien a passé.” L'état du défunt.

? - Faisons ressortir l'ordre et l'enchaînement des idées, en les represuccessivement: c'est étudier la disposition, après l'invention des ; et l'on apprend ainsi à en faire autant soi-même.

1. L'auteur pose, tout de suite, l'idée du titre; il faut s'habituer à dé, et en peu de mots. Voilà une loi de l'art d'écrire.

2.

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Le "mourant ", isolé sur son lit, amène l'auteur à observer qu'il est déjà séparé de tout et comme mort à tous: donc plus de "relations." 3. Pour lui" les heures, les jours, les nuits sont confondus; il n'a pas conscience du "temps": donc "pour lui " l'éternité commence déjà. Ces trois phrases, sorte de préambule du sujet, se lient bien étroitement, sans longueur, avec simplicité et naturel.

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4. Après le "mourant ce qui est le lot de tous - voici l'idée du "chrétien, du fidèle, du plus beau spectacle": présence du "prêtre qui console" et pardonne.

5. Voici qui précise les consolations du prêtre et devant les chrétiens mourants de l'univers. Ce que l'auteur fait ressortir par un contraste avec les derniers entretiens de Socrate et de ses disciples.

6. C'est une phrase de transition, courte, expressive et bien amenée: la mort approche.

7. Quand le prêtre assiste un moribond, il le console d'abord et lui parle de Dieu et du ciel; puis il lui administre les derniers sacrements: il est regrettable que l'auteur ne dise rien du saint viatique, dont l'idée lui aurait pu suggérer deux ou trois contrastes sublimes.

8. Cette idée est obscure, et toute la phrase paraît faite en vue de l'antithèse il arrive souvent à l'auteur d'écrire pour l'imagination, au détriment de sa raison.

9. Qu'il oppose le baptême à l'extrême-Onction, c'est peindre d'un léger crayon ce dernier sacrement: mais l'idée arrive bien à sa place. 10. Deux effets, l'un moral "attaches rompues ", l'autre physique et hardi "âme presque visible", et c'est tout. Chateaubriand est poète, et non théologien. Qui lui défendait de l'être davantage, ici?

11. Belle hypothèse des "concerts célestes", suivie d'une belle réalité, grâce à "l'espérance divine"! Quelle heureuse invention!

12. Le "chrétien" n'a plus qu'à mourir, "à fermer délicieusement les yeux à la lumière": c'est la fin du petit drame.

13. Cette conclusion est une trouvaille splendide. fondée pourtant sur la plus fine observation et les nuances de l'esprit et du cœur.

B. Les mots et les phrases.

N.B. C'est ici que le commentaire est élastique, selon qu'il s'agit de l'adapter aux divers degrés de condition des élèves.

En général, il faut donner pen, la première année d'explication; plus, la seconde année; mieux, la troisième.

1.

"Venez voir

A qui l'auteur dit-il cela? A personne; c'est un

tour de langage, tout simplement. Il aurait pu dire:

1. Le plus beau spectacle que puisse.., c'est la mort du fidèle.......(four affirmatif)

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6. La mort du fidèle, voilà le plus beau.......

7. Voir mourir le fidèle, c'est le plus beau..........

8. Veut-on voir le plus beau.. ? c'est la mort....

9. Est-il plus beau.. que la mort..

10. Venez voir.. (le texte)......

11. Si vous voulez voir le plus.., venez voir...

12. Voulez-vous voir..-Voyez-vous mourir le fidèle..

13. O le plus beau..! O n.ort du fidèle !...............

14. Que tu es belle, ô mort du fidèle ! c'est le plus beau.

...(inversif) ....(infinitif) (iuterrogatif) .(item)

.(impératif)

.(hypothétique)

...(item)

...(exclamatif)

...(apostrophe)

Quelle puérilité, direz-vous, et quels exercices de gymnastique et de trapèze!... Prenez-vous-en à l'esprit humain et non pas à nous qui n'inventons rien, sur ce point. Ma mémoire, munie de cette nomenclature, et celle de mes élèves aussi-retiendront sur le champ la première phrase lu “Chrétien mourant ", parce qu'elle s'exprime par un tour impératif, qui est le plus énergique, après l'exclamatif et l'apostrophe. Toutes ces notions qui deviendront peu à peu familières aux élèves ne sont du reste que des tours de grammaire française et qui aident à l'entendre.

"Le plus beau"-dans l'ordre moral et surnaturel, puisque la grâce d'une bonne mort est celle, si enviable, de la persévérance finale. Dans l'ordre naturel, la mort est un châtiment et ne saurait être belle en soi.— Corneille fait dire au jeune Horace (HORACE. Act. II. 3.) :

"spectacle"

Mourir pour le pays est un si digne sort,
Qu'on briguerait en foule une si belle mort.

vue d'un ensemble qu'embrasse le regard - Syn.: Tableau, aspect, vue, panorama, paysage.

que puisse "-souvent on intercale, par élégance et harmonie, l'un des verbes "pouvoir, savoir, devoir..." entre le sujet et le verbe qui ressort mieux à l'infinitif. Ici le sujet "la terre" est mis après: c'est m tour à retenir.

“venez voir " la répétition est plus frappante: c'est encore un tour grammatical. Remarquez l'inversion "mourir le fidèle ".

"Cet homme "-l'auteur passe de l'espèce "le fidèle" au genre, parce que son idée s'applique à tous les hommes qui se meurent: c'est là une source d'invention (Voir Revue 1900, p. 206.)

"l'homme du monde ", l'homme de la société; c'est le sens des expressions: être du monde, aller dans le monde... "Le grand monde": la haute société;-"le beau monde": les gens élégants; -"le petit monde" les gens du commun.

"il n'appartient plus": l'auteur pousse l'idée, en la restreignant, car "Days" est plus précis, plus spécial que le "monde"; - puis, il la réne par les mots qui suivent.

Remarquez l'adj. "toutes "; et "cessent " qui fait image, étant jeté 4.si à la fin. Syn.: Rapports, commerce, fréquentation, contact.

"Pour lui", jolie inversion qui appelle l'attention;-"le calcul par ", par", bien supérieur à " le temps finit ", tout seul." Dater de la grande ère" est superbe, à notre avis; et nous ne comprenons pas du tout la raison de la note que place sous ce mot M. l'abbé Lepitre. On remarquera l'antithèse du "temps" et de "l'éternité": c'est l'un des talismans de Chateaubriand. Aucun élève n'aurait imaginé cette belle phrase métaphorique.

"Un prêtre ", voilà le mot spécial et concret, qui fait voir à l'œil de l'imagination; "assis... chevet" est une expression usée, mais très acceptable ici, où elle sert à peindre le tableau qui pourrait tenter un artiste de le reproduire sur la toile.

"Ce ministre ", terme générique, qui gagne d'être appuyé de l'épithète "saint "

"s'entretient " est propre, bien mieux que "lui parle de ", lequel serait vague et général :-"l'immortalité de son âme " est complexe et laisse entendre que l'entretien embrasse beaucoup de pensées et de sentiments sur le ciel.

"et la scène... qui expire": cette allusion à Socrate est très juste et bien amenée par et pour le contraste. Pour. la retenir, il suffit de prêter attention aux termes qui s'opposent ou s'équivalent: "scène sublimecette scène "; "antiquité entière — se renouvelle "; "une seule fois — chaque jour”; -"dans le premier sur l'humble grabat du dernier”; — “des ses philosophes mourans des chrétiens qui expirent". Il n'est pas besoin écrit en note M. Lepitre d'ajouter que le dialogue du prêtre avec le mourant est infiniment supérieur à la conversation de Socrate avec ses amis, à cause de la certitude et de la grandeur des vérités éternelles que nous enseigne la foi.

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"Moment" "-court espace de temps; moment suprême" ou "derniers moments ", locutions consacrées pour désigner les moments qui précèdent immédiatement la mort:- "est arrivé", plus fort que approche".

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"Un sacrement a ouvert... va les clore": contraste, au sens générique l'image est expressive et visible; -" les portes du monde" surnaturel, de la vie, non du corps, mais de la grâce dans l'âme. Ces mots sont obscurs, car le sacrement des mourants ne saurait clore ces porteslà donc nous inclinons à lire "les portes du monde", de la naissance ou de la vie physique: ce qui est faux du baptême. Souvent son imagination trompe la religion de l'auteur.

"La religion le balança dans le berceau de la vie": on ne voit pas bien comment; sinon en se reportant à l'idée de l'éducation chrétienne de l'enfance; le texte n'est pas clair. "Les beaux chants": où et quand, puisqu'il s'agit de l'extrême-onction?" berceau de la mort " désigne sans doute le lit d'agonie.

Chateaubriand nous berne de mots et d'antithèses. Nous préférerions qu'il eût écrit ceci :

"La religion, de ses beaux chants, le balança dès le berceau de la vie; ses gémissements et sa main maternelle l'endormiront au berceau de la mort."

"Le baptême de cette seconde naissance": laquelle? L'âme du chrétien qui meurt ne meurt pas avec le corps: l'auteur joue sur et avec les mots, ce semble. — “Eau... huile": on voit que l'antithèse miroite sans cesse devant l'imagination du grand écrivain: mais quels mauvais tours elle joue à son orthodoxie! - "emblême de l'incorruptibilité céleste" est fort bien trouvé.

"Le sacrement libérateur-", terme juste, car le sacrement rend l'âme libre des fautes vénielles, des peines dues aux mortelles déjà pardonnées, des attaques du démon; en lui donnant une grâce plus abondante, il la détourne des regrets terrestres, "rompt les attaches du fidèle ", et lui confère, avec la foi plus vive et la confiance plus ferme, la sérénité d'esprit, la joie intérieure que l'auteur exprime si bien: " son ame... presque visible sur son visage ".

“Déjà ❞— répété, met en relief; -"il entend", hypothèse hardie, poétique, qui traduit bien les suites du sacrement par exagération permise"il est prêt à s'envoler", nouvelle exagération très légitime; "invité" est superbe et montre "l'espérance divine" dirigeant au ciel son regard et son geste; -"fille de la vertu et de la mort ", est une apposition que l'auteur place souvent ainsi à la fin: c'est une recette à conserver. Mais que l'espérance divine- que l'auteur personnifie avec tant de grâcesoit "fille de la vertu " de quelle vertu?... " et de la mort ", c'est juste à la mort que meurt aussi l'espérance, ainsi que la foi: seule la charité survit. - Ici encore Chateaubriand abuse et nous abuse sans qu'il le veuille évidemment.

"Cependant ❞—, à remarquer, comme "enfin" dans le précédent paragraphe. Ces conjonctions de liaison ont leur place, leur valeur, leur mérite.

Observez que l'auteur peint le chrétien mourant par l'extérieur: "visage, il entend, yeux fatigués, dernier soupir ou souffle "sans compter tous les détails antérieurs "chevet, berceau de la mort, huile de la conde naissance.

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"L'ange de la paix... "Quelle poétique et splendide phrase pour re: il ferme les yeux pour toujours." La présence de cet ange, qui escend, touche d'un sceptre d'or les yeux fatigués, est une invention de 1illante imagination du grand artiste.

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