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avant lui s'étaient occupés de la classification des maladies; mais le principe n'étant pas encore venu, leur entreprise était demeurée infructueuse. Cela devait s'effectuer dans la langue française et à Paris, parce que c'était là que le principe avait été démontré par les Jussieu, et que la langue française, essentiellement logique, en favorisait l'application plus qu'au

cune autre.

Nous avons vu comment Pinel, préparé par des études mathématiques et philosophiques, s'est essayé d'abord sur la mécanique animale; il en est résulté quelques bons mémoires extraits d'un plus grand ouvrage qui n'a point été terminé; ce n'était pas là sa vocation. Il arrive à Paris, et ce n'est qu'à cinquante ans presque qu'il est placé dans les circonstances favorables. Il fut forcé d'étudier philosophiquement les maladies, et de poser ainsi la clef qui va servir à Bichat.

V. Énumération et analyse de ses ouvrages.

Mathématicien, Pinel a commencé par l'application des mathématiques à la mécanique animale; philosophe, il a continué par l'étude approfondie des maladies mentales; naturaliste et observateur, il s'est avancé dans la méthode naturelle appliquée à la médecine, et sur la fin, il est retombé dans ses premiers goûts en embrassant cette thèse chimérique de l'application du calcul des probabilités à la médecine, ou la statique médicale; comme si le nombre des malades pouvait faire quelque chose aux variantes infinies de tempéraments, de nourriture, de localité, etc., qui influent sur leurs affections, et les rend si diverses d'un individu à un autre individu.

T. III.

ΙΟ

Ses travaux, comme ceux de la plupart des hommes véritablement savants, se divisent en travaux préparatoires ou préliminaires, en travaux d'ensemble ou d'exécution, et en travaux d'amélioration ou de perfection

nement.

Nous ne connaissons de ses travaux préliminaires préparatoires que les mémoires qu'il a publiés : 1o sur l'articulation maxillo-temporale; 2° sur le crâne de l'éléphant; 3° sur la disposition des griffes des carnassiers; 4o observations anatomiques sur l'huître. Ces travaux préparatoires avaient rapport au grand ouvrage qu'il avait élaboré sur la mécanique animale, et qu'il n'a pas terminé, quoiqu'il en ait communiqué plusieurs parties aux sociétés savantes. Il l'abandonna pour suivre sa direction naturelle.

Nous connaissons encore moins ses travaux sur l'hygiène, partie de la science qu'il avait, à ce qu'il paraît, étudiée de prédilection, et sur laquelle ses biographes nous apprennent qu'il a écrit plusieurs thèses à Montpellier. Cependant, il a publié dans le second volume. du journal de Fourcroy, la Médecine éclairée par les sciences physiques, un excellent mémoire d'hygiène, intitulé Réflexions sur la buanderie comme objet d'économie domestique, de salubrité, et applications de ces principes à un établissement à l'ile du pont de Sèvres, p. 112, 1791.

Nous insisterons donc presque exclusivement sur ses trois grands ouvrages : l'un, sa Nosographie philosophique, considérée dans son ensemble et dans les principes qui en ont dirigé l'exécution;

L'autre, son Traité philosophique sur la manie, que l'on peut donner comme un exemple de la manière élevée dont Pinel envisageait chaque partie de la méde

cine, en y comprenant aussi bien l'étiologie que le diagnostic, le prognostic et la thérapeutique. Ses travaux préparatoires sur ce beau sujet sont ceux qui datent de plus loin;

Et enfin, le troisième, intitulé : la Médecine clinique rendue plus précise et plus exacte par l'application de l'analyse. Cet ouvrage peut être considéré comme la base, le sujet des deux autres, et principalement du premier, et par conséquent antérieur en logique; car si Pinel n'avait pas eu des observations qui lui fussent propres, il n'aurait pu rien faire, et ce livre, en effet, renferme les éléments qui lui ont servi à composer les deux autres, en sorte que, quoiqu'il soit le dernier en date, l'ordre rationnel demande que nous commencions l'examen de ces trois ouvrages si importants par celui-ci, et alors nous avons : 1o médecine clinique, base; 2° nosographie philosophique, édifice; 3o aliénation mentale, exemple d'application. Par là nous pourrons mesurer toute la valeur de Pinel.

La conception générale de la médecine, pour Pinel, n'était peut-être pas assez pratique; il ne l'envisageait que comme science, et dès lors il a pu dire : « La vraie médecine est celle qui est fondée sur des principes, et qui consiste bien moins dans l'administration des médicaments que dans la connaissance approfondie des maladies, par la méthode hippocratique et la marche rigoureuse de l'observation.... d'où le problème à résoudre est une maladie étant donnée, déterminer son vrai caractère et le rang qu'elle doit occuper dans un tableau nosologique.» (Nosog., introd.) Il nous semble qu'il se trompe, car la chose la plus importante, à notre avis, c'est la guérison de la maladie; et il faudrait, par conséquent, remplacer son problème par celui-ci, qu'il a re

jeté en partie : une maladie étant donnée, la connaître, et, par cette connaissance, trouver le remède.

On l'a dit humoriste, on l'a dit solidiste; mais dans la réalité, il n'était ni l'un ni l'autre : il était médecin naturaliste et observateur; et dans ses remarques sur la troisième édition, il déclare qu'il n'adopte aucune bypothèse, ni le solidisme, ni l'humorisme.

Il admet dans la science des gradations lumineuses qu'on doit distinguer avec lui. 1o Les connaissances qui dérivent d'un nombre très-répété d'observations faites ou recueillies.

2o Les connaissances relatives au traitement des maladies qui lui paraissent, comme, par exemple, les maladies aiguës, être arrivées à une assez bonne description et à des principes fixes, pour qu'on puisse y appliquer un traitement rationnel, ce qui devenait ici un moyen d'établir des familles naturelles.

3o La méthode de disposer les maladies suivant un ordre de classification fondée sur leurs affinités, c'est-àdire, sur l'étude judicieuse des symptômes et sur la structure et les fonctions organiques des parties.

Voilà donc trois grands degrés de la science médicale: d'abord les faits, qui sont ici les maladies; 2o le mode de traitement; 3o la méthode. Ensuite, il a vu que pour les progrès réels de la science, il fallait faire une classe d'incertæ sedis, un magasin pour le perfectionnement. C'est un des procédés les plus importants, et il est encore d'Aristote. Quant aux raisonnements arbitraires, il n'en fait nul cas, il les met au dernier degré.

Énumération de ses ouvrages. Ses travaux sont assez nombreux, mais tous dans sa direction de médecin naturaliste.

1o Mémoire sur la manie périodique ou intermittente,

par Philippe Pinel, professeur à l'École de médecine de Paris, dans les Mémoires de la Société médicale d'émulation, re année, pag. 28-53, 1797, an v de la république.

Il y dit que la médecine des maladies mentales est peu avancée; il reste à reprendre l'histoire entière des accès de manie, à faire connaître la saison ordinaire de leur retour, leurs causes, leurs signes précurseurs, leurs symptômes, leurs périodes successifs, leurs formes variées, leur durée, leur terminaison, les indices qui doivent faire espérer ou craindre.

On l'a traitée empiriquement, comme si le traitement de toute maladie, sans la connaissance exacte de ses symptômes et de sa marche, n'était pas aussi dangereux qu'illusoire.

Il essaye de satisfaire successivement, dans ce mémoire, à la plupart de ces desiderata, qu'il signale.

Il considère ensuite la manie dans ses rapports avec les diverses fonctions de l'entendement humain, et leur abolition partielle ou totale suivant les sujets, et il conclut « Tout cet ensemble de faits peut-il se concilier avec l'opinion d'un siége ou principe unique et indivisible de l'entendement? Que deviennent alors des milliers de volumes sur la métaphysique?» Voilà l'idée première qui a servi de matrice au système de Gall : la divisibilité des facultés de l'entendement. Nous en aurons besoin plus tard pour l'examiner plus à fond.

Pinel décrit ensuite l'état et les phénomènes de la manie développée, et puis les symptômes de sa terminaison.

Il examine les moyens curatifs, et il y admet pour une grande part le traitement moral'.

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