Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

le premier régiment vacant serait pour moi. Ceci fut entremêlé de paroles très-bienveillantes, et j'en ai conservé un souvenir d'autant plus reconnaissant qu'il était de notoriété que le maréchal Soult ne prodiguait pas les manifestations de ce genre.

Par goût, ce qui m'aurait le mieux convenu eût certainement été le commandement d'un régiment; mais dans l'état où se trouvait l'esprit de l'armée et avec le retentissement qu'avait eu l'affaire de Saint-Maixent et celle. de ma mise en non-activité, j'aurais éprouvé dans ce commandement de grandes difficultés. Je sentais en moi une telle irritation contre tout ce qui avait profité du mouvement révolutionnaire pour envahir des grades, que je me reconnaissais incapable de cette impartialité qui est le premier devoir d'un chef. Ces réflexions, je les fis franchement au ministre qui comprit leur justesse, et nous nous quittâmes, lui me promettant que dans l'occasion il ne m'oublierait pas, et moi, l'assurant que j'étais fort touché de l'accueil qu'il m'avait fait.

Six semaines plus tard, je reçus ma nomination au commandement du dépôt de remonte d'Alençon. Pendant deux ans j'en dirigeai les opérations, et j'aurais peut-être attendu là le grade de général de brigade, ou ma retraite; mais les remontes ayant été distraites des bureaux de la cavalerie, et le chef qu'on mit à la tête de cette branche importante du service n'y entendant rien, et donnant des ordres qui tendaient à le désorganiser, je pris la mouche, peut-être à tort, et je demandai ma disponibilité en attendant ma retraite.

J'avais aussi à lutter contre le mauvais vouloir des autorités d'Alençon dont j'excepte cependant le général Cavalier, commandant le département, avec lequel mes relations furent toujours très-bonnes. Le préfet m'avait dénoncé, et j'avais eu avec le procureur du roi une querelle épistolaire des plus violentes; il déféra ma lettre

au procureur général dont il reçut un blâme sévère.

Peu de temps après mon arrivée à Alençon, j'avais été également dénoncé à la Chambre des députés par un député des Deux-Sèvres, nommé Le Clerc. Casimir Périer, alors président du conseil des ministres, et le maréchal Soult lui répondirent vertement, et le réduisirent au silence; la Quotidienne, journal légitimiste, s'empara de cet incident pour faire mon éloge, et tout ceci, comme on peut le penser, contribua à exalter les mauvaises dispositions que les radicaux du jour nourrissaient contre moi. Je ne rencontrais à Alençon de regards sympathiques que dans la maison du comte de Chambray, où l'aristocratie se réunissait pour vivre totalement en dehors des autorités.

Je reçus l'autorisation de quitter le commandement. du dépôt d'Alençon et je me retirai à Caen où mon frère était déjà fixé.

Ici se terminent mes Souvenirs militaires; le plaisir que j'ai éprouvé à retrouver parfois les traces de ce qu'ont fait mes ancêtres m'a porté à écrire ceci. Cette impression, vivement sentie, m'a fait penser que, peut-être, le modeste rôle que j'ai joué, au milieu des événements mémorables de la grande époque où j'ai vécu, pourra présenter quelque intérêt à ceux qui me suivront. Et puis, j'ai été engagé par M. de Bacourt, mon beau-frère, à raconter ainsi ce que j'ai vu; en me donnant ce conseil, dicté par l'amitié, il a eu probablement la pensée que ce travail serait une diversion à l'inutilité dans laquelle m'avait fait tomber la retraite. Je dois dire pourtant que le repos ne m'a jamais pesé, et la preuve, c'est que ce récit a été commencé il y a douze ans et que de longs intervalles l'ont interrompu, ce qui expliquera le décousu et les négligences qui s'y trouvent. Quant au style, qui laisse beaucoup à désirer, je ne m'en excuse point, rejetant son incorrection sur ma qualité de soldat

peu lettré, et sur le peu de prétention que j'ai apporté à la rédaction.

J'ai eu pour but aussi, en écrivant ce manuscrit, de peindre une carrière militaire, en joignant à ce qu'elle a d'entraînant pour les jeunes imaginations, le tableau des misères qui en sont inséparables. Si j'ai passé sous silence les distractions que les rares temps de repos dont j'ai pu jouir pendant cette période orageuse ont apporté dans mon existence, c'est qu'en en faisant mention, ainsi que des événements de famille, qui pourtant ont été mon premier intérêt dans le cours de ma vie, j'aurais écrit mon histoire, ce dont je voulais bien me garder, et menti au titre de ces Souvenirs. Si quelques-uns de ceux qui viendront après moi et qui suivront la carrière des armes y trouvent matière à des réflexions utiles, je n'aurai pas tout à fait perdu mon temps, ni mon beau-frère le fruit de son conseil.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES

Portrait militaire du colonel de Gonneville.

I-LXX

Entrée au service.

--

CHAPITRE PREMIER

Le 20 régiment de chasseurs.

[ocr errors]

Marigny. Lodi. Le 6 régiment de cuirassiers.
d'Avenay. Le pont de Vérone et les voltigeurs.
Caldiero et les archiducs. Le maréchal Masséna.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]
[blocks in formation]

Le prince de Rohan.
Traité de Presbourg. Retour en Italie.

-

L'aubergiste de Fontana Freda.
Un soldat...

princesse de Bavière.

-

Eugène de Beauharnais et la

4

-

CHAPITRE II

-

-

-

Marche sur la Prusse. Berlin. Passage de la Vistule. Les châte-
laines de Thorn. -Vingt-cinq Français contre cent cinquante Prus-
siens. Les dragons de Haors. Le comte de Moltke. Blessés et
prisonniers. Détails sur la captivité et le trajet de Culmsée à Pillau.
Une dame polonaise. Le baron de Werther.-Les Hussards de la
La fille du meunier.
- Koënigsberg et les Russes....

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Le fort de Pillau. - Bernadotte et le comte Kuminski. — Échange de

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PreviousContinue »