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l'avant-dernier. Le dernier était M. de Brias, d'une des premières familles de Belgique. Son oncle, sénateur, obtint qu'il resterait au régiment, faveur qu'il eût été incapable de solliciter lui-même, car il avait de la délicatesse et de l'esprit de justice.

CHAPITRE VII

Le

Entrée en Espagne. Défense héroïque de quarante gendarmes. commandant de place de Tolosa. Mina. Pampelune. Tudella. - Le chef d'état-major du général Reille et sa maîtresse.

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Saragosse.

Siége de Tortose.
Scarampi. Ul-

Le 13e de cuirassiers. Le maréchal Suchet. Lerida. Mora. - Le colonel d'Aigremont. decona. - Prise de Tortose. Dacora et la Mort de César. - Le commandant Robichon. Siége de Tarragone. - Hurlaux. Prise de Tarragone. La fontaine de Cello et la comète de 1811. - Le royaume de Valence. Le siege de Sagonte. Ineptie du général Boussard. L'assaut. Saint-Hilaire, ses amours, et son enfant. Reconnaissance sur la Guadalaviar.

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Le général Block.

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lieutenant-colonel espagnol. Un grand coup de sabre.

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- Capitula

tion de Sagonte. La vieille tour des Maures et la maréchale

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Je me mis en route pour l'Espagne dans les derniers jours de septembre 1810. La désolation de ma famille fut déchirante au moment des adieux qu'elle croyait être suprêmes, et j'avoue que, malgré la contenance que j'affectai, j'étais persuadé qu'il y avait de nombreuses chances pour que ces adieux fussent réellement les derniers.

J'emmenai trois chevaux sur lesquels je comptais et mon domestique Goldfrid, Silésien, que le comte Hochberg avait donné au général d'Avenay. Il nous avait suivis en Espagne, en Italie, en Autriche; je l'avais amené en France pour lui faire payer un legs de quinze cents francs

que le général lui avait fait comme à ses autres serviteurs, et il demanda à me suivre de nouveau en Espagne. C'était un garçon robuste et intelligent; je voyageais à petites journées, seul, et faisant de tristes réflexions. Il me semblait que chaque pas que je faisais ajoutait une distance énorme à celle qui me séparait déjà de la Normandie. Dire tout ce que j'éprouvai de pénible pendant ce long trajet serait impossible! Une circonstance venait encore augmenter mes regrets d'avoir quitté mon beau 6o de cuirassiers, c'est que j'avais la plus mauvaise opinion du régiment dans lequel on m'envoyait. Je savais qu'il avait été composé de détachements pris dans tous les autres régiments de même arme, et je connaissais assez l'esprit qui présidait à la formation de ces détachements pour ne pas être convaincu qu'ils avaient été composés de tout ce que les colonels avaient pu trouver de plus mauvais en hommes et en chevaux. Or, habitué à n'avoir de contact qu'avec des troupes parfaitement tenues, disciplinées et instruites, la pensée de ne plus trouver tout cela, et d'avoir, en outre, pour camarades, des officiers avec lesquels je ne pourrais sympathiser, m'était odieuse. On ne peut se faire une juste idée du charme de la camaraderie, si on n'a pas connu celle qui naît de la communauté des dangers, des fatigues et des privations de tous genres inséparables de toute guerre sérieuse. Celle que l'on faisait en Espagne avait un caractère qui rendait encore plus nécessaire cet appui mutuel qu'on trouve dans ce qui s'appelle l'esprit de corps, esprit que les calculs de mon imagination me portaient à croire absent de mon nouveau régiment. Je me rappelais ce qu'était le 6e de cuirassiers avant le commandement du colonel d'Avenay, et il me paraissait naturel de croire que si l'union avait été difficile à établir entre les deux parties qui formaient le total de ce corps, bien. d'autres obstacles devaient s'opposer à ce qu'elle existât

au 13e de cuirassiers, formé de détachements des quatorze régiments de grosse cavalerie existant alors. Enfin il fallait se soumettre, et je marchais!

A Tours, je trouvai un bataillon de marche du 45o rẻgiment d'infanterie qui se dirigeait vers l'Espagne pour y rejoindre ce régiment. On appelait bataillons de marche ceux qui, partant du dépôt, devaient être disloqués à leur arrivée à destination pour reporter leurs hommes dans toutes les compagnies en raison de l'effectif de chacune d'elles. Comme je marchais du même côté et que je logeais aux mêmes lieux, je fis promptement connaissance avec les officiers de ce bataillon qui était commandé par un capitaine, homme de bonne compagnie, dont la conversation me fut agréable. Il me fit faire mes logements par son adjudant-major qui nous précédait, et je mangeais avec les officiers; cet arrangement, en rompant provisoirement mon isolement, apporta quelque diversion à la tristesse de mes pensées, et me fit paraître la route moins longue.

A Bordeaux, je trouvai d'Infreville, un de mes camarades de jeunesse; il avait entièrement dissipé sa fortune et attendait un vent favorable pour s'embarquer sur un bâtiment, où son passage pour les grandes Indes était payé par sa famille. Il est mort millionnaire !

Dix jours après mon départ de Bordeaux, j'entrais en Espagne toujours avec mon bataillon d'infanterie, dont la compagnie me devenait d'autant plus utile que voyager seul était impossible, même à un kilomètre de la frontière. Je passai ce pont de la Bidassoa que, dixhuit mois avant, j'avais passé dans un sens contraire, le cœur content et plein d'espérances, entouré d'amis et attaché au sort du général d'Avenay, dont la mort m'avait révélé d'une manière plus certaine encore l'affection qu'il me portait. Les souvenirs qui me revenaient de cette époque, comparée au temps présent, me fai

saient douloureusement sentir la perte de mon cher général, l'absence de tous ceux que j'aimais, et jetaient une lugubre obscurité sur l'avenir vers lequel je m'avan çais seul dans cette Espagne, théâtre d'une guerre sauvage où aucun droit n'était respecté, et où chaque pas que l'on faisait mettait en lumière quelque nouvelle atrocité. Là, tout ce qui ne portait pas les couleurs de France, ou de nos alliés, était un ennemi dont il fallait se méfier. On ne rencontrait que des regards haineux, et les précautions de sûreté les plus minutieuses étaient chose passée à l'état de règle dans tous les instants de la vie. A l'heure qu'il est, et à l'abri de tout danger, je me ressens encore de l'habitude prise alors, tant cette habitude était devenue forte en raison des catastrophes qui en résultaient pour ceux qui la négligeaient, et dont les exemples venaient à chaque instant nous servir d'enseignement1.

Nous passâmes près d'une grange située sur le point culminant des hauteurs qui se trouvent entre Irun et Ernani. Cette grange, occupée par quarante gendarmes comme poste intermédiaire, avait été attaquée deux mois avant par la bande de Mina, forte de trois mille hommes; elle était simplement crénelée, et n'avait que ce que l'on nomme un tambour pour en défendre la porte. La défense fut telle, que les Espagnols, après avoir eu plus de deux cents hommes hors de combat pendant les deux jours que dura l'attaque, furent forcés de se retirer par suite des secours envoyés d'Irun et d'Ernani aux braves gendarmes. La toiture entière avait brûlé; mais le feu ayant commencé par un bout, elle s'était effondrée avant que l'autre extrémité s'enflammât. Ce fut donc sur des charbons et sur des cendres brûlantes que les défen

1. M. de Gonneville en voyage, et même quand il faisait de longues promenades à cheval, avait conservé l'habitude d'être armé.

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