anime l'Auteur du Pf. 82. contre les ennemis de Dieu! Deus meus pone illos ut rotam, & ficut ftipu lam ante faciem venti. Fai que moins ftable qu'une roue, Il veut que Dieu les confonde. Imple facies eo rum ignominið... erubefcant, & conturbentur, &c. Couvre leurs fronts d'ignominie: La trifteffe a fouvent infpiré aux Prophétes des Cantiques de deuil. C'eft dans l'accablement de la plus vive douleur que Jérémie, dans fes Lamentations, dépeint férufalem, affife & baignée dans les larmes, & les chemins de Sion gémiffans, parce qu'on ne vient plus aux folemnités de la Cité fainte. Quelle trifteffe regne dans la premiere partie du Pfeaume 21, dont les premiers mots ont été prononcés par Jéfus-Chrift expirant fur la Croix! Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez vous oublié ? Le feu de l'amour divin brule dans tous les Pleaumes. Ces faintes chaleurs confiées à la Lyre de David, y vivent fans jamais s'affoiblir, vivunt commiffi calores. Quelle ardeur regne dans le Pleaume 83! quels tranfports! C 2 Oui, tout plein de l'objet que j'aime, Quelles grandes images l'admiration n'a-t-elle pas infpirées aux Auteurs des Pfeaumes! La traduction de la Vulgate, quelque imparfaite qu'elle foit, n'en a pas éteint toute la chaleur poëtique: tantôt le Seigneur eft porté dans les nuées; il marche fur les ailes des vents; les montagnes fe fondent devant lui; il tient une coupe inépuisable dont il abreuve tous les pécheurs de la Terre; tantôt le Soleil à fon lever paroît un géant qui entre dans une longue carriere, ce que Rousseau a fi heureusement imité. L'Univers à fa présence Semble fortir du néant; Il prend fa courfe, il s'avance Que ceux qui n'eftiment pas les Vers de piété reconnoiffent la beauté de ceux-ci, celle des chœurs d'Athalie & d'Efther; & que trouverontils de plus fublime dans Pindare, que cette Stro phe de l'Auteur de ces deux Tragédies! O fageffe, ta parole Je Je puis de tant d'exemples différens conclure que le ftile poëtique eft le ftile des paffions. Lorfqu'un difcours où regne ce itile eft encore embelli par l'harmonie des Vers, alors il s'appelle Poëme, c'eft-à-dire, l'Ouvrage par excellence; & celui qui l'a compofé eft appellé Poëte, nom qui ne fignifie pas créateur ou inventeur, comme le penfent quelques perfonnes, mais feulement of vrier, comme fi l'on vouloit dire l'ouvrier parfait. Mais comment, dira-t-on, la Poëfie peut-elle être le langage des paffions, puifqu'elle est tou jours contrainte par la gêne des Vers? Un homme agité par un transport violent ne s'amuse point à mesurer fes paroles, ni à captiver fes mots. Il faut diftinguer dans la Poëfie ce qui vient de la nature, & ce qui eft ajouté par l'art. La nature infpire d'abord la rapidité du ftile, & la har dieffe des figures: l'art vient enfuite, & pour rendre le ftile poëtique encore plus rapide, & en même tems plus harmonieux, le refferre dans les bornes de la verfification, & la verfification ne fait que perfectionner l'ouvrage de la nature, comme je le ferai voir bientôt. La Poëfie naiffante n'a point du connoître d'efclavage, puifque les loix de l'art n'ont été établies qu'avec le tems & les réflexions. Quintilien nous le dit (1): & en effet, quoique quelques Sçavans ayent prétendu trouver des régles exactement fuivies dans la Poëfie des Hébreux, on convient affez généralement aujourd'hui que fa beauté ne confifte que dans la magnificence des pen (1) Poëma nemo dubitaverit, imperito quodam initia fufum, & aurium menfurâ, & fimiliter decurrentium spatiorum obfervatione effe generatum, mox in eo repertos pedes. penfées: on remarque feulement dans le ftile plufieurs rimes, & quelques cadences obfervées à deffein; mais on n'y remarque pas de régles conftantes. Nous l'admirons cependant, parce que l'effence de la Poëfie n'eft pas la verfification, mais la hardieffe & la vivacité du ftile. Qu'on ne me foupçonne pas ici de ne regarder la verfification que comme un ornement étranger. Je fuis bien éloigné de croire qu'il y ait de la Poëfie en Profe, & je regarde la verfification comme un ornement que l'art doit néceffairement prêter à la nature; mais il eft fi évident que la Poëfie ne confifte pas dans la verfification, que de quelque maniere qu'on défigure les ouvrages d'un grand Poëte, quoiqu'on le mette en piéces dans une mauvaise traduction, cependant on y retrouve toujours ce qu'Horace appelle les mem. bres épars d'un Poëte déchiré, disjeƐti membra Poëta. C'eft ce qu'on trouvera encore dans la traduction que j'ai ofé tenter d'un Cantique d'Ifaïe, quelque foible que foit cette traduction. J'ai dit en traduifant un endroit d'Homere, que je fentois combien je restois au-deffous de mon ori. ginal; c'eft ce que je fens encore mieux, quand je veux imiter quelque endroit de la Poë fie de l'Ecriture fainte. Mais je rapporte ce morceau pour donner une idée de l'enthoufiaf me poëtique. Le Prophéte, après avoir prédit aux Juifs leur retour de Babylone, & la punition du vainqueur qui les a tenus en captivité, tout à coup les fait parler eux-mêmes, & leur met dans la bouche ces paroles, que dans un tranfport de joie & d'admiration ils chanteront contre le Roi de Babylone, dont ils auront vù la chûte. faie G. 14. Com Comment eft difparu ce maître impitoyable, Le Seigneur a brifé le fceptre redoutable Nos cris font appaifés: la Terre eft en filence, Les cédres même du Liban Il est mort, difent-ils, & l'on ne verra plus Des reftes de nos troncs par le fer abattus. * Roi cruel,ton aspect fit trembler les lieux fombres; Tout l'enfer fe troubla: les plus fuperbes ombres Coururent pour te voir. Les Rois des nations defcendans de leur trône Toi-même, dirent-ils, Roi de Babylone, Des vers tu deviens la pâture, Comment es-tu tombé des Cieux, |