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sion grossière. Enfin, les vers de Malherbe sont bien plus harmonieux que ceux de son rival.

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9. Règles relatives au style tempéré. Les remarques auxquelles le style tempéré fournit occasion peuvent être résumées dans les trois règles suivantes :

I. Pour donner au style de la richesse, employez les épithètes, les synonymes, les équivalents, le redoublement d'idées et même l'amplification.

II. La sobriété dcit toujours s'allier à la richesse.

III. L'élégance résulte d'un choix d'expressions nobles et harmonieuses.

10. Du style élevé. L'homme exalté par la passion sort de lui-même, dépasse la sphère habituelle de ses idées. et de ses sentiments. Ce n'est plus le simple et le tempéré qu'il réclame, c'est le style élevé, c'est le sublime.

La poésie, la philosophie et la religion fournissent les sujets principaux que le style élevé doit revêtir de ses nobles ornements; car il ne convient qu'à ce qui est d'une grandeur vraie et non d'emprunt.

Les qualités distinctives du style élevé sont l'énergie et la véhémence, la magnificence et le sublime.

11. De l'énergie et de la véhémence. L'énergie est la force donnée à l'expression de la pensée ou du sentiment; elle résulte de la précision même et de la rapidité de l'expression. Ainsi Corneille parlant des affranchis qui entourent Galba:

-

Et tous trois à l'envi s'empressent ardemment

A qui dévorerait ce règne d'un moment.

Rien de plus énergique et de plus descriptif que cette exression dévorer; c'est là ce que Boileau appelait un mot rouvé. Qu'on le remplace par le synonyme mettrait à profit, tout l'effet passionné est perdu.

12. De la magnificence.-Le style élevé réclame encore la richesse unie à la grandeur, c'est-à-dire la magnificence. Il est naturel que ce soit l'idée même de Dieu qui ait

fourni aux poëtes et aux orateurs la matière la plus féconde pour un style magnifique. David leur en a donné le premier modèle quand il a dit :

• L'Éternel a abaissé les cieux et il est descendu : les nuages étaient sous ses pieds. Assis sur les chérubins, il a pris son vol, et son vol a devancé les ailes des vents.

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13. Du sublime. Le sublime est le caractère propre du sentiment ou de l'idée qui élève l'âme au plus haut degré. Un acte, un sentiment, un trait, un mot est sublime, quand il s'empare de l'âme pour la transporter et la ravir hors d'elle-même, pour l'identifier un moment avec l'infini et lui donner le plus vif sentiment de la perfection.

On distingue deux sortes de sublime : le sublime de pensée, et le sublime de sentiment.

Le sublime de pensée consiste dans la grandeur d'une idée exprimée simplement ou revêtue d'images. - Moïse peint en ces termes la création: Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. La simplicité même de l'expression rend plus frappant le sublime de la pensée et du fait.

Le sublime de sentiment consiste dans une émotion vive et noble qui exalte l'âme et l'élève au-dessus des émotions vulgaires. Corneille donne un exemple du sublime du patriotisme dans cette réponse du vieil Horace :

Que vouliez-vous qu'il fît contre trois?

HORACE.

Qu'il mourût!

Le sublime de la confiance en Dieu, c'est le vers de Joad menacé de la fureur d'Athalie :

Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.

RACINE.

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Les réflexions

14. Règles relatives au style élevé. et les exemples qui se rapportent au style élevé peuvent donner lieu aux quatre règles suivantes :

I. Prendre garde à l'exagération qui est tout près de l'énergie et de la véhémence.

II. La magnificence peut résulter de l'énergique simplicité du langage ou de la richesse des développements.

III. Le sublime résulte de l'élévation de la pensée ou du

sentiment.

IV. Se garder de l'enflure et de l'emphase qu'on rencontre souvent lorsqu'on cherche le sublime.

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1. Exercice préliminaire de style. Pour les jeunes gens qui veulent écrire, la plus grande difficulté naît précisément de l'embarras qu'ils éprouvent à trouver les mots propres à rendre leur pensée. Lorsqu'une fois une idée a revêtu pour eux une forme, elle leur apparaît comme définitive et immuable. Il leur est presque impossible de trouver une ou deux autres formes entre lesquelles ils choisissent ensuite, ou grâce auxquelles ils donnent à leur diction une variété, une abondance, une richesse qui lui ajoutent du charme et de l'agrément. Un exercice trèssimple, très-facile, mais qui a besoin d'être longtemps répété, peut leur procurer à coup sûr cette facilité d'élocution.

Cet exercice consiste à lire avec soin un morceau d'un grand classique, à bien s'en pénétrer en notant même quelques expressions principales, puis à essayer de reproduire les idées et le style de mémoire. Ce premier travail achevé, il faudra comparer le résultat obtenu avec le modèle choisi, c'est un excellent moyen de s'éclairer sur les

DU TRAVAIL DE LA COMPOSITION. 93 difficultés de l'art d'écrire et sur les ressources qu'il présente.

Si l'écolier renouvelle cet exercice en variant le caractère des auteurs et des morceaux, et surtout s'il le répète fréquemment en passant de Mme de Sévigné à Pascal, de Bossuet à Molière, il acquerra sans beaucoup de peine une flexibilité remarquable de langage.

2. Observation générale sur les compositions littėraires. Quel que soit le genre de travail littéraire auquel l'esprit s'applique, il faut observer quelques règles générales de bon sens qui doivent dominer toutes les prescriptions de détail.

Malgré le développement, malgré les détails qu'il peut comporter, tout sujet est un; il est l'exposition d'une pensée qu'on peut résumer en un mot, de même qu'on peut l'amplifier en un ou plusieurs volumes. Ainsi toute l'Histoire universelle de Bossuet n'est que le développement de cette simple proposition: La suite des faits a pour but l'avėnement et la diffusion du christianisme; tout le Discours sur le style de Buffon peut se résumer dans ce mot: Le génie n'est qu'une longue patience.

La qualité première d'une composition est donc l'unité, c'est-à-dire la conception bien claire d'un point fixe auquel tous les détails se rapportent et se rattachent.

Cette base une fois posée, le travail qui reste à faire correspond à la division même de l'art d'écrire et se rapporte à l'invention, la disposition, l'élocution.

3. Travail d'invention. - La matière donnée aux écoliers contient, outre l'idée principale, toutes les idées accessoires qu'on peut et qu'on doit y ajouter comme auxiliaires. Le travail de l'esprit consiste donc à reconnaître ces éléments, à bien distinguer l'idée principale des idées secondaires, à se rendre compte de leur valeur respective.

4. Travail de disposition. Les moyens de développement que le sujet comporte, doivent être disposés dans un ordre de gradation croissante, commençant par les

choses les plus simples et les plus faciles à admettre pour s'élever par degrés aux plus difficiles.

Le développement des moyens de persuasion constitue le le corps même, la partie la plus importante de la composition; il faut y ajouter deux parties accessoires, une introduction et une conclusion.

5. Travail de style. Une fois maître de son sujet et sachant l'ordre régulier dans lequel les idées doivent être présentées, l'écrivain doit songer à la forme de style qui convient au sujet.

Le style doit avoir un caractère général en harmonie avec le caractère même du sujet, et c'est une chose qu'il faut avoir arrêtée avant tout autre travail. L'esprit bien fixé sur le genre de style qui est le mieux en rapport avec les idées qu'il s'agit de rendre, on doit écrire. Ici l'on réunira les avantages de l'improvisation à ceux de la réflexion en suivant cette marche raisonnable recommandée par le bon sens et l'expérience :

1 Écrire rapidement et au courant de la plume sans se préoccuper d'aucun détail; ce travail a l'avantage de tirer parti. de l'intérêt qu'éveille le sujet et d'employer toutes les inspirations et tous les mouvements que produit la fécondité spontanée de l'esprit.

2o Laisser de côté cette première rédaction 'pour donner à l'esprit un peu de relâche et lui permettre de se rafraîchir.

3° Keprendre pour le corriger, le travail un moment oublié. Le revoir avec un soin très-scrupuleux, en pesant tous les mots et en se préoccupant des qualités essentielles du style: correction, clarté, précision, naturel, harmonie, et des qualités particulières au style du sujet.

6. Règles générales de composition. Si générales que soient ces observations sur les compositions littéraires, elles peuvent être résumées en cinq règles assez précises :

I. Enrichir et assouplir son style par des imitations raisonnées des grands écrivains.

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