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courage des alliés, il ménage la foi suspecte et chancelante des voisins; il ôte aux uns la volonté, aux autres les moyens de nuire.

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9. Du discours direct. Le discours direct est un emploi particulier de la prosopopée; il consiste à ne pas se contenter, dans un récit, de rapporter les paroles d'un personnage, mais à le présenter comme parlant lui-même, et à citer ses paroles comme s'il les prononçait au moment même.

Ainsi Guiraud, joignant l'apostrophe et le discours direct, fait dire au petit Savoyard exilé à Paris; non pas: Ma mère m'avait dit de réussir et de revenir bientôt; ce discours indirect serait d'une extrême froideur; au contraire, quelle vivacité dramatique dans ces vers:

Ma mère, tu m'as dit, quand loin de ta demeure

Je partis Sois heureux et reviens près de moi'.

10. Règles relatives aux qualités générales du style

I. L'harmonie doit être dans les mots, dans la chute des phrases, dans le choix même des sons en rapport avec les choses exprimées.

II. La convenance est une qualité générale, très-délicate, et qui est la conséquence d'une connaissance réfléchie du sujet.

III. L'unité est le reflet du caractère général d'un écrit ou d'un discours, la variété en fait le charme et la vie.

IV. Les transitions doivent être courtes et tirées du sujet.

V. La vivacité du style résulte surtout de l'emploi du style coupé et du discours direct.

1. Voir Morceaux choisis, 2° année, page 14.

LEÇON XXIII.

DES QUALITÉS PARTICULIÈRES DU STYLE.

1. DES QUALITÉS PARTICULIÈRES DU STYLE. 2. DES TROIS GENRES DE 3. DU STYLE SIMPLE.

STYLE.

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4. USAGE DU STYLE SIMPLE.

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ET DE LA VÉHÉMENCE. 12. DE LA MAGNIFICENCE.-13. DU SUBLIME.

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1. Des qualités particulières du style. Les qualités générales du style sont partout indispensables; partout le langage doit être correct, clair, précis, naturel, noble et harmonieux; rien ne dispense l'orateur ou l'écrivain de ce premier devoir. Mais il est d'autres qualités qui tiennent à la nature même des idées et des sentiments qu'il s'agit d'exprimer, ce sont les qualités particulières qui mettent chaque genre de style en harmonie avec le sujet.

2. Des trois genres de style. - Les anciens rhéteurs distinguaient trois genres de sujets et par suite trois genres de styles le simple, le tempéré, le sublime. Chacun de ces trois tons ou de ces trois styles a des qualités distinctives qui méritent d'être analysées.

Le genre simple, qui convient surtout à la narration, a pour caractères principaux une naïveté de pensée et je ne sais quelle élégance qui se fait plus sentir qu'elle ne paraît.

Il y a un autre genre d'écrire tout différent du premier; il est noble, riche, abondant; il met en usage tout ce que l'éloquence a de plus relevé, de plus fort, de plus capable de frapper les esprits; ses qualités essentielles sont l'énergie, la magnificence, le sublime. C'est cette éloquence qui enlève et qui ravit l'admiration et les applaudissements.

Enfin, l'on doit reconnaître un troisième genre qui tient le milieu entre les deux autres, qui n'a ni la naïveté du pre

mier, ni l'élévation puissante du second; il a plus de force que l'un et moins de puissance que l'autre ; il a, pour qualités propres, l'élégance, la richesse, la finesse; il admet tous les ornements de l'art, la beauté des figures, l'éclat des métaphores, le brillant des pensées, l'agrément des digressions, l'harmonie du nombre et de la cadence. C'est le style tempéré.

3. Du style simple. Le style simple est, comme son nom l'indique, une manière unie d'exprimer et de dire les choses. C'est la forme qui se présente à l'esprit par son mouvement le plus naturel et le plus spontané. Les défauts les moins compatibles avec cette simplicité essentielle du style sont la recherche, l'affectation et l'artifice en quoi que ce soit. Le naturel est la qualité capitale du style simple.

La simplicité n'exclut ni la grâce ni l'élégance au besoin; il faut bien se garder de la confondre avec la platitude qui laisse l'expression au-dessous de l'émotion ou de la. pensée qu'elle devrait rendre.

Ainsi Racine a été d'une ravissante simplicité quand il fait dire au jeune Hippolyte surpris lui-même de ne plus se reconnaître :

Mon arc, mes javelots, mon char, tout m'importune
Je ne me souviens plus des leçons de Neptune,

Mes seuls gémissements font retentir les bois,

Et mes coursiers oisifs ont oublié ma voix.

Pradon a donné un modèle de platitude dans les vers où il a exprimé les mêmes idées :

Depuis que je vous vois, j'abandonne la chasse,

Et quand j'y vais, ce n'est que pour penser à vous.

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4. Usage du style simple. C'est surtout à la narration que le style simple paraît convenir. Il est encore habile de l'employer au début d'une composition. C'est un grand danger et une grande témérité que de débuter aussitôt sur un ton très-élevé; on court presque toujours le risque d'être obligé de s'arrêter et de déchoir. Il n'y a que Bossuet qui puisse commencer comme il fait dans l'oraison funèbre de

la réine d'Angleterre et qui soit en état de se maintenir à cette hauteur.

Rollin a dit avec sagesse :

Comme le style simple s'écarte peu de la manière commune de parler, on s'imagine qu'il ne faut pas beaucoup d'habileté pour y réussir; mais ceux qui ont quelque goût de la vraie éloquence, reconnaissent qu'il n'y a rien de si difficile que de parler avec justesse et solidité, et cependant d'une manière si simple et si naturelle que chacun se flatte d'en pouvoir faire autant.

5. Règles relatives au style simple. - Toutes ces observations se ramènent à cinq règles de bon sens :

I. Le style simple a pour caractère essentiel le naturel : il exclut toute affectation.

II. Il ne faut pas confondre la simplicité avec la platitude. III. La concision consiste à supprimer tout ornement superflu; mais elle est près de la sécheresse.

IV. La naïveté est une qualité qu'il ne faut pas chercher; elle se rencontre et elle s'ignore elle-même.

V. Le style simple exclut les métaphores, les figures trop vives et la préoccupation du nombre oratoire.

6. Du style tempéré. Le style tempéré, comme l'indique son nom, tient le milieu entre le style simple et le style. élevé; il est, dit Cicéron, une sorte de mélange, de fusion des deux autres. Plus orné que le style simple, moins fort et moins éclatant que le style sublime il sait plaire, et c'est là ce qui fait son mérite et sa force.

Les qualités qui conviennent au genre tempéré sont la richesse et l'élégance.

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7. De la richesse. La richesse du style consiste dans l'abondance des idées, des images et des mots. Elle se manifeste par l'emploi des épithètes, des synonymes, des équivalents et des périphrases; elle procède volontiers par le redoublement des idées, et même par l'amplification.

Fléchier présente un heureux exemple de richesse dans cette belle définition du courage :

La valeur n'est qu'une force aveugle et impétueuse qui se trouble

et se précipite, si elle n'est éclairée et conduite par la probité et par la prudence.

Les épithètes aveugle et impétueuse, les redoublements se trouble et se précipite, éclairée et conduite sont les moyens qui procurent à cette période sa richesse.

8. De l'élégance.

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L'élégance est une qualité difficile à définir, son nom veut dire choix; elle consiste donc dans un choix d'expressions distinguées; elle résulte de l'union de la justesse avec la noblesse des mots et des tournures.

Une comparaison sera le meilleur moyen de faire sentir les nuances délicates d'un style élégant.

Malherbe et Racan ont tous deux paraphrasé cette pensée d'Horace :

La Mort frappe des mêmes coups la chaumière du pauvre et le palais du roi.

Voici la traduction de Racan:

Les lois de la Mort sont fatales

Aussi bien aux maisons royales
Qu'aux taudis couverts de roseaux.

Tous nos jours sont sujets aux Parques:
Ceux des bergers et des monarques

Sont coupés des mêmes ciseaux.

Celle de Malherbe est bien connue :

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre]

N'en défend pas nos rois.

Il est aisé de voir pourquoi il y a plus d'élégance dans ces derniers vers. 1° Malherbe commence par une image frappante :

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre.

Racan, par des mots communs qui ne font point image et ne peignent rien: Les lois de la Mort sont fatales; tous nos jours sont sujets aux Parques: voilà des termes vagues, une diction impropre, des vers faibles.

2o Les expressions de Malherbe sont choisies sans affectation cabane est agréable et vrai, taudis est une expres

:

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