Page images
PDF
EPUB

refuse de céder à leurs prières, parce qu'il croit entendre les lois d'Athènes qui lui disent:

Ignores-tu donc, toi qu'on appelle sage, que la patrie est plus venérable encore qu'une mère, un père et tous les aïeux; plus auguste, plus sacrée, et dans un rang plus sublime aux yeux des immortels et des sages; qu'il faut être encore plus respectueux, plus soumis, plus humble devant la patrie irritée que devant un père en courroux ; qu'il faut ou la fléchir ou souffrir en silence les peines qu'elle inflige, les verges, la prison; que lorsqu'elle t'envoie au combat recevoir des blessures et la mort, ton devoir est d'obéir; que c'est un crime de fuir, de céder, de quitter le poste qu'elle t'assigne; que tu dois, et sur les champs de bataille, et dans les tribunaux et partout, te soumettre aux ordres de ton gouvernement, de ton pays, ou employer les voies de persuasion que te laisse la justice; enfin que, si la révolte est sacrilége envers un père ou une mère, elle l'est encore plus envers la patrie? Que répondrons-nous aux lois, Criton? Est-ce la vérité qu'elles disent? La vérité.

Les poetes offrent à profusion de beaux exemples de prosopopée. Ainsi Louis Racine dans son poëme de la Religion:

La voix de l'univers à ce Dieu me rappelle;
La terre le publie: Est-ce-moi, me dit-elle,
Est-ce moi qui produis mes riches ornements?
C'est celui dont la main posa mes fondements.

Mais les situations qui comportent l'emploi de cette figure sont rares dans les circonstances ordinaires, et trop souvent en prose la prosopopée semblerait emphatique et ridicule.

6. Règles relatives à ces figures. Les observations critiques sur ces figures de pensée peuvent être résumées en cinq règles :

I. L'hyperbole est une exagération dangereuse et dont l'abus conduit vite au ridicule.

II. L'interrogation donne un mouvement passionné au style et provoque l'attention.

III. La prétérition permet d'introduire dans le sujet des détails accessoires et de renouveler l'intérêt d'un récit.

IV. L'apostrophe donne une vivacité toute dramatique à l'exposition et à la narration.

PRINC. DE STYLE 2o ANNÉE.

5

V. La prosopopée ne convient qu'à l'expression d'une passion très-violente et qui va presque jusqu'au délire.

LEÇON XIX.

DES TROPES.

1. DES TROPES. - 2. DE LA MÉTAPHORE.

[merged small][ocr errors]
[ocr errors]

3. ORIGINE DE LA MÉTA4. USAGE ET ABUS DE LA MÉTAPHORE. 5. RÈGLES.

[ocr errors]

1. Des tropes. Les figures de mots ont pour caractère distinctif que, le mot supprimé, la figure disparaît, tandis que, même après le changement des mots, les figures de pensée persistent encore.

Les plus frappantes et les plus communes de ces figures sont les tropes. Ce mot, qui signifie en grec tourner, désigne une figure qui détourne un mot de son acception usuelle.

Ainsi le mot brillant, qui convient à la lumière, s'applique par un trope à l'esprit, à la parole, etc.

Le trope change la signification des mots comme on le fait quand on dit d'un homme courageux qu'il est un lion; quand on dit cent voiles au lieu de cent vaisseaux; on change alors le sens et l'application des mots lion et voiles.

Le principal trope a été désigné par les rhéteurs anciens sous le nom de métaphore.

[ocr errors]

2. De la métaphore. La métaphore, d'un mot grec qui signifie transporter, transporte en effet un mot à une signification nouvelle, en vertu d'une comparaison sous-entendue.

Par exemple, quand David dit : Dieu est mon soleil et mon bouclier, il pense: Dieu m'éclaire comme le soleil et me protége comme un bouclier.

Une métaphore, dit Quintilien, est une comparaison abrégée. Ainsi le moraliste pourrait dire que la mort du

sage est calme comme le soir d'un beau jour; le poëte dit recourant à la métaphore :

Rien ne trouble sa fin, c'est le soir d'un beau jour.
LA FONTAINE

Fénelon emploie une comparaison quand il dit :

Le fils d'Idoménée, comme une jeune et tendre fleur, est cruellement moissonné dès son premier âge.

Bossuet a remplacé cette comparaison par une métaphore quand il dit:

Représentons-nous le jeune prince que les grâces elles-mêmes semblaient avoir formé de leurs mains; pardonnez-moi ces expressions, il me semble que je vois encore tomber cette fleur.

La Fontaine a réuni la comparaison et la métaphore dans ces vers sur la vieillesse et la mort :

Je voudrais qu'à cet âge

On sortit de la vie ainsi que d'un banquet,
Remerciant son hôte, et qu'on fît son paquet.

3. Origine de la métaphore. — Cette figure est si bien dans les habitudes naturelles de l'esprit que le langage même de la conversation est plein de métaphores. C'est ainsi que nous disons :

La pénétration de l'esprit, la rapidité de la pensée, la chaleur du sentiment, la dureté de l'àme, l'aveuglement du cœur, le torrent des passions, le poids de la volonté.

Le feu de la jeunesse, le printemps de la vie, la fleur de l'âge, les glaces de la vieillesse, l'hiver de la vie, le fardeau des années.

Étre bouillant de colère, enivré de gloire, glacé d'effroi, bercé d'espoir, ballotté par la crainte, etc.

La métaphore a pour effet ordinaire d'attribuer la vie et le mouvement du monde physique même aux choses et aux faits du monde moral. Grâce à elle tout prend un corps et un visage l'homme brûle de colère, sèche d'envie et s'endurcit contre la douleur, etc.

Cependant elle transporte aussi parfois des qualités et des actes de la vie morale aux objets physiques. Ainsi l'on dit la terre prodigue ou refuse ses trésors. - L'Océan s'emporte ou se calme.

4. Usage et abus des métaphores. Cette figure est le plus beau, le plus riche, le plus fréquent de tous les tropes. C'est par elle que le style s'embellit et se colore; c'est par elle que tout vit dans la poésie et dans l'éloquence.

1o La première qualité d'une bonne métaphore est d'être naturelle, c'est-à-dire de rapprocher deux idées ou deux images qui ne sont pas incompatibles. Telle est cette charmante métaphore de La Bruyère :

La véritable grandeur se courbe par bonté vers ses inférieurs, et revient sans effort dans son naturel.

2o La métaphore doit éviter l'incohérence qui naît du rapprochement d'idées et d'images très-différentes. Par exemple c'est une métaphore incohérente que contient ce

vers:

Malgré des feux si beaux qui rompent ma colère;

Des feux ne rompent pas, ils allument et brûlent.
Je remonterai à la base de vos réputations.

On ne remonte pas à une base, mais à une source.

3o Aristote recommande encore de rendre les métaphores par des termes agréables à l'oreille, éveillant des impressions douces et analogues à celles de l'objet. Il signale à ce propos la différence entre ces trois métaphores : L'aurore aux doigts de rose, aux doigts de pourpre, aux doigts rouges.

De toutes les figures, la métaphore est celle dont l'abus atteste le mieux le déclin et la décadence d'une littérature.

5. Règles. Les observations auxquelles donne lieu la métaphore peuvent être ramenées à trois règles élémentaires :

I. La métaphore parle à l'imagination en donnant la forme et le mouvement aux choses spirituelles.

II. Elle doit être naturelle, simple et suivie.

III. Il faut éviter les métaphores qui rabaissent et matérialisent trop les choses.

LEÇON XX.

DES FIGURES DE MOTS.

-

3. DU PLÉONASME.

[ocr errors]

5. DES FIGURES

1. DES FIGURES DE MOTS. 2. DES FIGURES DE GRAMMAIRE DE L'ELLIPSE. 4. DE L'INVERSION. ORATOIRES : DE LA RÉPÉTITION. 6. DE L'APPOSITION. GLES.

[ocr errors]
[ocr errors]

7. RE

1. Des figures de mots. Les figures de mots qui ne sont pas des tropes résultent de l'emploi et de la disposition. des mots eux-mêmes; alors changer les mots ou la construction, c'est détruire la figure.

Ainsi, à la place de la répétition :

Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu,

Ce qu'on appelle vu....

Mettez simplement : je l'ai vu ; il n'y a plus de répétition, il n'y a plus de figure.

De même, au lieu de ce vers de Corneille :

Tombe sur moi le ciel pourvu que je me venge!

Écrivez Que le ciel tombe sur moi, et vous détruisez cette figure de mots qu'on appelle inversion.

2. Des figures de grammaire. -On distingue parmi les figures de mots: 1° celles qui résultent d'un changement dans l'ordre grammatical; ce sont les figures de grammaire ; 2o les figures oratoires qui ne changent rien à la régularité du langage.

Il y a trois figures de grammaire principales qui sont l'ellipse, le pleonasme, l'inversion.

L'ellipse supprime des mots que la construction grammaticale exigerait.

Toutes les fois que le vide est facile à combler, l'ellipse a l'avantage d'alléger la phrase et de rendre l'expression plus

« PreviousContinue »