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Il est facile de sentir la division en deux membres qui se font équilibre et dont le premier se termine après le mot superte; chacun de ces membres se subdivise en deux incises secondaires dont la symétrie est indiquée sans être trop accusée.

Une loi de progression applicable surtout aux périodes, c'est de ne pas finir par une proposition trop courte, mais de conclure et de couronner le développement de la pensée par une phrase longue et sonore.

6. Règles relatives à la phrase et à la période. Le bon sens et l'étude des grands modèles peuvent fournir et justifier les cinq règles suivantes :

I. La phrase étant l'expression du raisonnement doit indiquer le lien entre les propositions.

II. La période destinée à faire sentir les rapports plus multipliés entre les propositions doit être symétrique.

III. Cette symétrie ne doit pas être trop accusée.

IV. La période ne peut pas avoir moins de deux membres; elle ne peut guère dépasser cinq membres.

V. Le dernier membre qui forme la cadence ou chute ne doit pas être plus court que ceux qui précèdent et auxquels il fait équilibre.

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PARTICULIERS. 4. RÈGLES RELATIVES AUX TOURS DE PHRASE.

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1. Des tours de phrase. On nomme ainsi les façons différentes dont une pensée peut être présentée, tout en conservant à peu près les mêmes mots pour la rendre.

Ainsi la pensée que Racine a exprimée dans ce beau début d'Athalie :

Oui je viens dans son temple adorer l'Éternel.
peut se rendre encore sous les formes:
Non je ne veux ici qu'adorer l'Éternel.
Comment ne pas venir adorer l'Éternel?
Laissez-moi dans son temple adorer l'Éternel.

Il va sans dire que de toutes ces formes, la meilleure est celle que le poëte a choisie; mais il est telle disposition du sujet qui pourrait faire préférer une forme différente. Les tours de phrase peuvent être divisés en deux groupes: les tours généraux et les tours particuliers.

Les tours

2. Les tours généraux ou communs. généraux ou communs sont ceux qui, dépendant du mouvement même de la pensée, peuvent s'échanger aisément l'un contre l'autre. Leur principal avantage est d'offrir un excellent moyen de varier le style.

Ces tours généraux peuvent être ramenés à quatre principaux le tour affirmatif, le tour négatif, le tour interrogatif et le tour exclamatif.

Le tour affirmatif est évidemment le plus simple, le plus naturel, celui dont l'emploi se présente le plus souvent à l'esprit; c'est l'expression de la pensée :

Oui, l'homme est né pour le ciel; c'est sa destinée d'y tendre librement; oui, le poëte a bien dit:

La vie est un combat dont la palme est aux cieux.

Le tour négatif est déjà moins direct; il semble supposer une contradiction possible ou passée, l'écrivain répond à une opinion pour la combattre; par suite cette forme est plus vive et plus dramatique :

Rien n'est durable de ce qui n'est pas fondé sur la raison et la justice; ce ne sont pas des succès éphémères qui doivent nous faire illu sion; loin de les admirer, il faut les déplorer bien plutôt.

Nul ne prend pour soi la vérité qui le condamne.

Non, pas une action, pas une parole, pas une pensée n'échappe à Dieu. Le tour interrogatif est plus vif et plus dramatique encore,

puis qu'il prend à partie un interlocuteur réel ou imaginaire et le provoque à répondre. Ainsi Voltaire, dans sa lettre célèbre à milord Harvey:

Eh! quel roi donc en cela a rendu plus de services à l'humanité que Louis XIV? Quel roi a répandu plus de bienfaits et marqué plus de goût, s'est signalé par de plus beaux établissements?

Enfin le tour exclamatif est le plus passionné dont l'imagination humaine puisse se servir. Bossuet l'emploie à propos de la mort foudroyante de la duchesse d'Orléans :

O nuit désastreuse! ô nuit effroyable! où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle, Madame se meurt! Madame est morte!.... Quoi donc! elle devait périr sitôt!.... Le matin elle fleurissait, avec quelles grâces! vous le savez; le soir nous la vîmes séchée!....

Le meilleur moyen de reconnaître toute la puissance littéraire et morale de cette dernière tournure, c'est de transformer ces expressions en un simple tour affirmatif:

Ce fut une nuit désastreuse, une nuit effroyable, celle où retentit tout à coup cette étonnante nouvelle que Madame se mourait, que Madame était morte.

Mais plus une forme est passionnée; plus elle a besoin d'être ménagée pour ne pas produire l'effet tout opposé à celui qu'on en attend; employer mal à propos l'exclamation, c'est courir le risque de substituer le ridicule et le grotesque au touchant et au pathétique.

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3. Des tours particuliers. Aux formes les plus simples de la proposition se rattachent des tours dont l'étude n'est pas sans importance pour qui veut mettre son langage dans le rapport le plus étroit possible avec sa pensée. Les plus usités de ces tours sont les suivants : Le tour expositif :

Telle est l'ambition dans la plupart des hommes, inquiète, honteuse, injuste.

Tant la mort est prompte à remplir ces places.

Le tour démonstratif :

MASSILLON.

BOSSUET.

La voilà, malgré son grand cœur, cette princesse si admirable et si

chérie.

BOSSUET.

Le voyez-vous comme il vole ou à la victoire ou à la mort.

BOSSUET.

Regardez la jeunesse non comme un âge de plaisir et de relâchement mais comme un temps que la vertu consacre au travail et à l'application; voilà ce qu'ont fait les hommes vraiment grands et illustres. MASSILLON.

Le tour descriptif. Buffon a dit, dans son tableau de la mer: Là sont ces contrées orageuses où les vents en fureur précipitent la tempête....; ici sont des mouvements intestins, des bouillonnements..... plus loin je vois ces gouffres dont on n'ose approcher....; au delà j'aperçois ces vastes plaines toujours calmes et tranquilles.

Le tour optanf, expression très-vive d'une espérance ou d'un souhait :

Ainsi, puisse-t-il toujours vous être un cher entretien! Ainsi puissiez-vous profiter de ses vertus et que sa mort que vous déplorez vous serve à la fois de consolation et d'exemple! BOSSUET.

A Dieu ne plaise qu'un ministre du ciel pense jamais avoir besoin d'excuse auprès de vous!

BRIDAINE.

Que je voudrais bien tenir un de ces puissants d'un jour si légers sur le mal qu'ils ordonnent. BEAUMARCHAIS.

Le tour emphatique est une forme secondaire du tour exclamatif :

Qu'ai-je fait? malheureux! j'ai contristé les pauvres, les meilleurs amis de mon Dieu. BRIDAINE.

On voit tomber derrière soi tout ce qu'on avait laissé passer: fracas effroyable, inévitable ruine!.... toujours entraîné, tu approches du gouffre. BOSSUET.

4. Règles relatives aux tours de phrase.- En résumé toutes les remarques et tous les exemples cités sont le principe de quatre règles élémentaires :

I. Les tours les plus simples sont le tour affirmatif et le tour négatif, qui suffisent à l'expression habituelle des idées et des sentiments.

II. Les tours interrogatif et exclamatif sont beaucoup plus

passionnés, mais aussi doivent être employés avec une

extrême discrétion.·

III. Les tours particuliers ajoutent à la variété et à la vivacité de l'expression.

IV. Plus les tours de phrase s'éloignent de la simplicité logique, plus il est dangereux de les prodiguer.

LEGON XVI.

DES FIGURES.

1. DES FIGURES ET DU STYLE FIGURE. 2. USAGE ET ABUS DES FIGURES. 3. DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE FIGURES.- 4. RÈGLES RELATIVES

AUX FIGURES.

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1. Des figures et du style figuré. Déjà l'énumération et l'analyse des différents tours de phrase donne une idée de la variété qu'on peut introduire dans le style. Il faut y ajouter les figures, c'est-à-dire les physionomies différentes de la pensée et du sentiment.

pour

Les figures sont des formes de style qui ajoutent au discours plus de vivacité, d'énergie ou de grâce; elles sont au langage ce que sont les gestes et les mouvements de la phy.sionomie le visage de l'homme. Au propre, nous disons dans la jeunesse; au figuré, à la fleur de l'age. Tout mot peut-être pris dans un sens propre et dans un sens figuré Socrate but le poison. Voilà le sens propre. Les courtisans versent le poison de la louange. Voilà le sens figuré.

Le style figuré n'est pas une forme extraordinaire du style, c'est au contraire une des manifestations les plus spontanées de l'imagination et de la passion :

La nature rend les hommes éloquents dans les grands intérêts et dans les grandes passions. Quiconque est vivement ému, voit les choses d'un autre œil que les autres hommes; tout est pour lui objet de

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