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LEÇON XII.

DES ÉPITHÈTES.

1. DES ÉPITHÈTES.

2. DES ÉPITHÈTES INDISPENSABLES.

ÉPITHÈTES D'ORNEMENTS.

-- 3. DES

4. DU NOMBRE ET DE LA PLACE DES ÉPITHÉTES. 5. RÈGLES RELATIVES AUX SYNONYMES, AUX ÉQUIVA

LENTS ET AUX ÉPITHÈTES.

1. Des épithètes.

Outre les modifications utiles qui résultent du choix et du changement des mots il faut signaler comme un bon moyen de développement l'emploi des épithètes.

Les épithètes sont des adjectifs qui s'ajoutent au nom pour、 en compléter le sens. Cinna désigne le triumvirat d'une façon plus énergique par l'addition des épithètes qu'il lui applique; il a fait, dit-il, la peinture effroyable

De leur concorde impie, affreuse, inexorable,
Funeste aux gens de bien, aux riches, au sénat.

Il est très importaut de chercher : 1° quel choix il faut faire des épithètes; 2° quelle place elles doivent occuper.

On distingue deux sortes d'épithètes, celles qui sont indispensables et celles qui sont de pur ornement. Par exemple, dans cette proposition: L'homme juste ne craint pas les vaines menaces des méchants, l'adjectif vaines est une épithète d'ornement tandis que l'adjectif juste est un complément indispensable.

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2. Des épithètes indispensables. Quelquefois un substantif n'offrirait à lui seul qu'une idée vague et incomplète, parce qu'il sert à la fois à désigner plusieurs objets; il faut donc pour l'éclaircir y joindre une épithète qui en détermine l'acception et prévienne toute méprise.

Ainsi dans la phrase célèbre de Pascal : l'espace est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle

part; on enlèverait à la pensée toute son énergie en supprimant l'épithète; elle est indispensable.

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3. Des épithètes d'ornement. Mais le plus souvent l'épithète n'est qu'un ornement ajouté pour contribuer à l'effet, pour augmenter ou atténuer l'expression, pour lui ajouter de la noblesse ou du piquant, du pathétique ou de l'harmonie.

Une épithète qui ne remplit pas l'une de ces conditions doit être bannie comme un mot parasite. En fait d'ornement tout ce qui ne sert pas est nuisible. Autant les épithètes bien choisies et placées avec discrétion relèvent l'expression, autant des épithètes banales et prodiguées affaiblissent et énervent le style.

Quintilien comparait le discours surchargé d'épithètes à une armée qui compterait autant de valets que de soldats; le nombre des hommes serait doublé et la force militaire diminuée d'autant. En effet c'est l'indigence d'esprit qui conduit à ce vice; faute d'idées principales on accumule les idées accessoires.

Il faut distinguer en suivant une gradation croissante d'intérêt, trois sortes d'épithètes :

1. Les épithètes de nature sont des adjectifs qui désignent la qualité la plus frappante des objets; presque inséparables du substantif, ces épithètes n'ajoutent presque rien à l'idée qu'il présente de blancs flocons de neige; la sombre nuit; les tendres embrassements.

2° Les épithètes de caractère plus expressives et plus particulières déjà, servent à désigner un homme ou une chose par sa qualité distinctive, par l'attribut qui le distingue dans son espèce.

Ainsi Bossuet appelle Cromwell un de ces esprits remuants et audacieux qui sont nés pour changer le monde. Massillon nomme la Cour qui l'écoute: Cette assemblée la plus auguste du monde.

3o Les épithètes de circonstance expriment la manière d'être du moment; elles se rapportent d'une façon toute

particulière à une situation donnée, par suite elles peuvent être variées à l'infini. C'est l'emploi judicieux de ces épithètes qui donne au style ses meilleures qualités.

Ainsi La Bruyère distingue par des épithètes de circonstance Corneille et Racine: « Ce qu'il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison est manié par le premier, et par l'autre, ce qu'il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion.... Corneille est plus moral, Racine plus naturel.

Si de ces beaux vers de Racine :

Et la rame inutile

Fatigua vainement une mer immobile,

on retranche les deux épithètes de circonstance, l'expression est dépouillée de toute sa grâce et de toute son énergie.

4. Du nombre et de la place des épithètes. - Pour ne pas multiplier les épithètes, il est bon de poser en règle qu'une seule épithète suffit à un substantif; quand on est forcé de les multiplier, les épithètes seront unies entre elles par des conjonctions, sauf dans le cas où l'écrivain essayera de produire un effet d'accumulation, comme madame de Sévigné dans la lettre célèbre où elle annonce le singulier mariage de mademoiselle de Montpensier:

Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante1, etc.

La place qui convient à l'épithète c'est le plus près possible du substantif, afin d'éviter toute obscurité dans l'expression.

En général le génie de la langue française réclame l'épithète après le substantif; sauf certaines constructions qui résultent de la tradition ou de l'euphonie et qu'il est impossible d'apprendre autrement que par l'usage.

5. Règles relatives aux synonymes, aux équivalents et aux épithètes. - Autant que la chose est pos

1. Voir Morceaux choisis, 3 année, page 23.

sible, dans un sujet aussi délicat, aussi étendu, voici les sept règles qu'on pourrait fixer:

I. L'emploi des synonymes, des équivalents et des épithètes donne au style de la variėtė.

II. Dans les idiotismes, la synonymie est très-difficile à établir.

III. Les épithètes indispensables ne doivent pas être négligées.

IV. Pour les épithètes d'ornement tout ce qui ne sert pas est nuisible.

V. Eviter les épithètes sans conjonctions sauf pour un effet d'accumulation.

VI. Les épithètes doivent en général suivre le substantif.

VII. La place en peut être changée pour des effets d'harmonie ou mieux d'expression.

LEÇON XIII.

DE LA CONSTRUCTION DES MOTS

ET DES PROPOSITIONS.

1. DE LA CONSTRUCTION GRAMMATICALE.

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3. DE L'INVERSION. 4. CONSTRUCTION DES PROPO5. CONSTRUCTION DES PROPOSITIONS SUBOR

SITIONS PRINCIPALES.

DONNÉES.

6. CONSTRUCTION DES PROPOSITIONS INCIDENTES.

7. RÈGLES DE LA CONSTRUCTION.

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1. De la construction grammaticale. La construction est l'ordre dans lequel les mots sont arrangés pour former une proposition; les propositions pour former une phrase; les phrases, une période.

Cet arrangement est fixé d'abord par la grammaire, et le premier devoir de tout écrivain est de respecter la

grammaire; le précepte de Boileau n'admet pas d'excep

tion :

Surtout qu'en vos écrits la langue révérée

Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.

En français l'ordre de construction des mots est l'ordre logique, qui consiste à énoncer d'abord le sujet, puis le verbe, ensuite l'attribut, enfin les divers compléments. EXEMPLE: Dieu donne la pâture aux petits des oiseaux.

2. De la construction littéraire. La construction littéraire distincte de l'ordre logique, aurait pour règle générale de disposer les mots dans l'ordre le plus propre à produire le meilleur et le plus grand effet sur l'imagination, le cœur et l'oreille. Alors, ce serait 1° au commencement ou à la fin des phrases; 2o aux divers repos indiqués par la coupe des propositions, qu'il faudrait placer les mots exprimant les idées ou les sentiments les plus importants et dignes d'appeler l'attention.

3. De l'inversion.

C'est un résultat qu'on obtient en français par le secours de l'inversion, c'est-à-dire en changeant l'ordre logique.

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Les règles de l'inversion sont fixées par le goût et l'exemple des grands écrivains, plutôt que par la grammaire. Par exemple à cette phrase plate: Cette redou table infanterie de l'armée d'Espagne restait encore, Bossuet a substitué par une heureuse inversion: Restait cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne, et cette inversion plaçant bien en vue le verbe restait donne l'idée de l'héroïque immobilité des soldats espagnols1.

De même, comme cette inversion de Buffon fait heureusement ressortir la grâce séduisante et naturelle du cygne:

A la noble aisance, à la facilité, à la liberté de ses mouvements sur l'eau, on doit reconnaître le cygne.... comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l'art de la navigation.

La construction logique de ces mêmes mots donne une phrase qui n'a plus ni charme ni expression:

On doit reconnaître le cygne à la noble aisance, à la facilité, etc.

4. Voir Morceaux choisis, 3° année, page 17.

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