Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

6. Règles de la péroraison.- Autant que le comporte un sujet aussi difficile que l'appel aux passions, les remar ques relatives à la péroraison ou conclusion peuvent être résumées dans les quatre règles qui suivent:

I. La péroraison doit comprendre le résumé des développements de la confirmation, et de plus, des mouvements capables d'exciter l'émotion.

II. L'appel aux passions doit être subordonné à la nature du sujet.

III. Il faut éviter avec soin le ridicule que provoque l'emploi déplacé des émotions.

IV. Le style de la péroraison doit être vif, il comporte les expressions et les figures les plus passionnées.

DU STYLE.
MOTS.

LEÇON XI.

TROISIÈME PARTIE.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES DES SYNONYMES ET DES ÉQUIVALENTS.

1. DU STYLE. 2. DIVISION DU SUJET. 3. OBJET ET UTILITÉ DES OBSERVATIONS GÉNÉRALES. 4. DES SYNONYMES. 5. DES ÉQUIVA

LENTS.

-

[ocr errors]

1. Du style. Le style est la manière d'écrire, c'est-àdire le ton et la tournure que l'on donne aux choses que l'on dit.

Les idées trouvées par l'esprit, mises en ordre d'après les règles de la disposition, ont besoin d'être exprimées de la façon qui convient le mieux au but que l'on pour

suit.

Les règles à suivre pour le style, c'est-à-dire dans

l'expression des idées et des sentiments, sont d'une importance capitale, car les choses qu'on dit frappent moins que la manière dont on les dit.

Il ne faut pas s'imaginer qu'on ait souvent des choses. nouvelles à mettre en lumière; c'est une illusion des ignorants et des sots de croire que ce qu'ils ont à dire n'a été ni dit, ni pensé par personne avant eux. Les hommes ont tous à peu près les mêmes idées sur les choses qui sont à la portée de tout le monde, et qui par suite font l'objet habituel de nos écrits et de nos discours; toute la différence est dans l'expression ou dans le style. Le style approprie les choses les plus communes, fortifie les plus faibles, donne de la grandeur aux plus simples.

2. Division du sujet. - L'étude du style est longue et délicate; elle doit être partagée en trois parties qui contiennent: 1o des observations générales sur les mots;

2o des observations sur les qualités générales du style et sur les qualités particulières que réclament les diverses espèces de style;

3o une classification des formes de style.

3. Objet et utilité de ces observations. Le choix des mots par lesquels la pensée ou l'émotion est exprimée est d'une grande conséquence, car la première condition, pour bien écrire, est d'employer les termes qui conviennent le mieux au sujet.

Avant tout, il faut posséder un catalogue complet des mots de la langue qu'on emploie. Puis on doit varier ses expressions et mettre toutes les nuances du style en rapport avec les nuances infinies de la pensée et du sentiment:

Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin

Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain.

L'exercice le plus important pour la connaissance de la langue et des nuances qu'elle admet, c'est l'étude attentive. des synonymes, des équivalents et des épithètes.

4. Des Synonymes.

[ocr errors]

Les synonymes sont les mots qui sous une forme différente représentent une même idée.

Ainsi l'on dit les hommes, les humains ou les mortels la mort ou le trépas juste ou équitable aimer ou chérir-vite ou promptement comme ou de même que bien! ou bravo! Voilà ce qu'on appelle des synonymes.

A parler à la grande rigueur, et quand on examine de près la signification des termes, on reconnaît qu'il n'y a pas de véritables synonymes; les mots de la langue qui semblent désigner une même idée, la présentent en réalité avec autant de nuances distinctes qu'il y a de mots.

Ainsi le mot mortel est plus poétique que le mot homme: en éveillant l'image de la mort, il provoque un retour de l'esprit sur la fragilité de notre existence; de même pour trépas comparé à mort; équitable comporte une nuance de charité et de bienveillance que ne contient pas le mot juste; chérir est plus expressif qu'aimer; bravo! dit plus que bien! etc.

C'est une étude intéressante et propre à développer la délicatesse du goût que de s'exercer à des analyses dont celles-ci pourraient être le modèle :

Demander, interroger, questionner, ont chacun leur destination particulière. En effet, quoique l'on questionne, que l'on interroge et que l'on demande pour savoir, il semble que questionner fasse sentir un esprit de curiosité, qu'interroger suppose de l'autorité, et que demander ait quelque chose de plus honnête et de plus respectueux : l'espion questionne les gens; le juge interroge les criminels; le soldat demande l'ordre du général.

Un homme est indolent par indifférence, nonchalant faute d'activité, négligent par manque de soin, paresseux par défaut d'action, fainéant par crainte de fatigue.

A un mauvais poëte qui avait confondu les mots constance et patience, un autre poëte écrivit :

Or, apprenez comme l'on parle en France:
Votre longue persévérance,

A donner au public vos vers,
Est ce qu'on appelle constance;
Et tous ceux qui les ont soufferts
Ont dû s'armer de patience.

5. Des équivalents.

On nomme équivalents soit les

formes différentes que peuvent prendre certains mots, soit des expressions qui se substituent sans peine à d'autres expressions.

Ainsi le substantif peut être, dans certains cas, employé au singulier ou au pluriel : Les sentiments de la religion sont la dernière chose qui s'efface en l'homme, et la dernière que l'homme consulte.

Bossuet aurait pu également dire dans les hommes.

Le substantif pluriel peut être remplacé par un collectif au singulier :

La Grèce a triomphé de Rome triomphante,

au lieu des Grecs et des Romains.

Un adjectif est l'équivalent d'un substantif employé comme complément d'un autre substantif. Phèdre dit, à propos d'Hippolyte :

Et mes cris éternels

L'arrachèrent du sein et des bras paternels.

pour de son père.

On dit encore ardeur guerrière au lieu d'ardeur pour la guerre; la bonté divine pour la bonté de Dieu.

[ocr errors]

De même on peut donner pour complément à un nom soit un autre nom, soit un infinitif : Je rougis de pleurer ou je rougis de mes larmes; il demande la mort ou il demande à mourir; dites-moi vos souffrances ou ditesmoi ce que vous souffrez.

Dans les verbes, les temps et les modes peuvent souvent permuter. Par exemple dans la vivacité d'un récit, le présent remplace avec avantage le passé.-Bossuet raconte la bataille de Rocroy: «Mais il fallut enfin céder; c'est en vain qu'à travers les bois Beck précipite sa marche pour tomber sur nos soldats épuisés; le prince l'a prévenu; les bataillons enfoncés demandent quartier. »

L'infinitif est un heureux équivalent des modes personnels dans les imprécations. Ainsi Junon peut dire également: Et je renoncerais à mes projets; ou Moi! renoncer à mes projets.

Le mode infinitif étant le plus court et le plus clair, on

peut en multiplier l'emploi à l'aide de certains auxiliaires. tels que aller, savoir, voir, pouvoir, etc. Boileau offre de fréquents exemples de ces tournures :

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Je vais faire la guerre aux habitants de l'air.

Le pluriel dans les verbes peut se substituer au singulier; Thésée rendant justice au malheureux Hippolyte se dit à lui-même :

Allons de ce cher fils embrasser ce qui reste, Rendons-lui les honneurs qu'il a trop mérités. L'actif et le passif peuvent égalemeut s'employer. — Au lieu de l'ardeur dont il était animé, Bossuet aurait pu dire qui l'animait. A la place de : le sang enivre le soldat, le soldat est enivré par le sang.

Le participe présent est remplacé avec avantage par une proposition incidente explicative: Au lieu de: Ce grand prince ne pouvant voir.... Bossuet a dit: Ce grand prince, qui ne put voir égorger ces lions comme de timides brebis, calma les courages émus.

Il est souvent utile de substituer à nos adverbes en ment une préposition suivie d'un substantif: avec franchise vaut mieux que franchement, ou un substantif accompagné d'un adjectif à pas lents est préférable à lentement.

« PreviousContinue »