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LECON VIII.

DE LA CONFIRMATION OU DÉVELOPPEMENT.

1. OBJET DE LA CONFIRMATION.

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3. CHOIX

DES PREUVES. 4. MANIÈRE DE TRAITER LES PREUVES. 5. LIAISON DES PREUVES.- 6. RÈGLES DE LA CONFIRMATION.

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1. De la confirmation. Lorsqu'il s'est agi de la recherche et de la découverte des moyens de convaincre; à l'étude des Mours, a succédé l'étude des Arguments, ou preuves; de même, après les règles de l'exorde ou introduction doivent venir les règles de la confirmation ou développement.

La confirmation est la partie de la composition qui prouve la vérité avancée.

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Ainsi Bossuet, après avoir proposé son sujet en ces termes « Ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière, présente un admirable portrait moral, qui est déjà le début de sa confirmation, puisque toutes les qualités et les vertus de la reine d'Angleterre n'ont pu la préserver de ces coups terribles par lesquels s'accomplissent les décrets de Dieu sur les rois et sur les nations1.

2. De la recherche des preuves. Les preuves sont les manières d'établir la vérité de la proposition avancée. Elles doivent sortir du sujet même la meilleure manière de les trouver est donc la méditation sérieuse du sujet. Quand on a tout examiné, tout vu, tout prévu, les raisons se présentent d'elles-mêmes. Mais il est un art de méditer un sujet, un art de voir et de prévoir; cet art consiste dans l'emploi des lieux communs. En effet, ce sont comme

4. Voir Morceaux choisi, 2e année, page 103.

autant de questions que l'esprit se pose à propos de son sujet, se demandant par exemple quelle définition il pourrait faire, ce que produiraient les circonstances, quel effet il pourrait attendre de la comparaison. En suivant cette voie modeste dans la recherche des sources de développement, on sera sûr de n'avoir omis aucun des aspects sous lesquels un sujet peut être envisagé.

3. Du choix des preuves. Le travail méthodique de la méditation d'un sujet peut produire des fruits trèsabondants; il arrive souvent que les preuves se présentent en foule à l'esprit; il faut alors savoir choisir :

Pour moi, dit Cicéron, quand je choisis mes preuves, je m'occupe moins de les compter que de les peser.... Rassembler un trop grand nombre de raisons frivoles ef vulgaires, c'est donner lieu de penser qu'on n'en a point de fortes et de frappantes.

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Par exemple, quel argument plus accessible à l'imagination d'un peuple exposé à la famine que l'apologue des membres et de l'estomac 1, Evoquer devant Achille le souvenir de son père afin de lui faire prendre en pitié les douleurs paternelles du vieux Priam, quel admirable appel aux sentiments les plus naturels du cœur humain 2.

4. Ordre des preuves. La meilleure manière de ranger les preuves, c'est sans doute celle qui fait pénétrer la lumière et la conviction dans l'âme du lecteur par un progrès et une gradation suivis; il faut, dit Cicéron, que le discours aille en croissant.

La faute la plus grave dans la disposition des preuves, ce serait de les ranger en déclinant, et de finir par de minces et faibles raisons après avoir débuté par les plus fortes. L'attention a besoin d'un aliment continuel; on pourrait la comparer au feu qui s'éteint, s'il ne s'augmente. 5. Manière de traiter les preuves. Plus les arguments sont puissants par eux-mêmes, moins ils ont besoin du secours des images et des ornements du style. La Bruyère

1. Voir Morceaux choisis, 2e année, page 65. 2. Voir Morceaux choisis, 2e année, page 5,

a écrit avec raison : « Amas d'épithètes, mauvaises louanges, et le bon sens de nos pères disait dans un langage tout familier, mais fort expressif: « A bon vin, pas d'enseigne. »

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La seule précaution à prendre est de bien détacher les bonnes preuves les unes des autres, de les montrer séparément, de peur qu'elles ne soient perdues dans la foule. Au contraire les raisons les plus faibles doivent être réunies et entassées afin qu'elles se prêtent un mutuel secours et empruntent la force à leur union et à leur masse.

6. Liaison des preuves. Quelle que soit la nature et la valeur des preuves, elles doivent être unies entre elles de telle sorte qu'elles ne forment qu'un corps. Si elles naissent les unes des autres; elles conduiront l'esprit par degrés jusqu'au but: c'est par l'habileté des transitions que se réalise cette unité de la composition qui est une qualité indispensable pour tenir en éveil l'attention et l'intérêt du lecteur.

7. Règles de la confirmation. Toutes les observations relatives à l'emploi des preuves se résument dans les trois règles qui suivent :

I. Pour chercher les preuves, passer en revue les différents lieux communs et en essayer l'application.

II. Dans le choix des arguments, songer moins à leur nombre qu'à leur valeur.

III. L'ordre le meilleur pour les preuves est l'ordre de gradation croissante.

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1. Objet de l'amplification. —La confirmation par l'exposé clair et précis des preuves ne suffit pas toujours dans tous les sujets et pour tous les esprits. Il est souvent nécessaire d'appuyer sur les arguments et de les développer afin d'en faire mieux sentir le poids et d'en tirer tout l'avantage; c'est l'objet de l'amplification.

Par exemple dans Polyeucte, Sévère fait cet éloge des chrétiens:

lls font des vœux pour nous qui les persécutons.

CORNEILLE.

Esther qui veut attendrir Assuérus développe cette idée dans une admirable amplification:

Adorant dans leurs fers le Dieu qui les châtie,
Tandis que votre main, sur eux appesantie,
A leurs persécuteurs les livrait sans secours,
Ils conjuraient ce Dieu de veiller sur vos jours,
De rompre des méchants les trames criminelles,
De mettre votre trône à l'ombre de ses ailes.

RACINE.

Cet exemple marque bien la différence entre la simple confirmation et l'amplification.

2. Usage de l'amplification. C'est une grave erreur de croire que l'amplification tire sa force de la multitude des paroles; elle la doit au choix et à la gradation des moyens et des détails.

Si l'amplification étend le sujet, ce n'est pas dans un autre but que de faire une impression plus vive, en augmentant l'idée de la chose qui est en question. Dire tout ce

qu'on doit, tout ce qu'on peut dire, en vue de la persuasion, c'est amplifier, dans le bon sens du mot.

Aussi les poëtes dramatiques ont-ils souvent recours à ce moyen d'agir sur le spectateur qu'ils cherchent à convaincre et à toucher. Corneille veut prouver l'énormité du crime de Cinna, en faisant le tableau de l'ingratitude qui égare son protégé. Auguste développe dans une amplification cet argument, qu'il a été le bienfaiteur de Cinna:

Je te fis prisonnier pour te combler de biens,
Ma cour fut ta prison, mes faveurs tes liens :
Je te restituai d'abord ton patrimoine,
Je t'enrichis après des dépouilles d'Antoine,
Et tu sais que depuis, à chaque occasion,
Je suis tombé pour toi dans la profusion :
Toutes les dignités que tu m'as demandées
Je te les ai sur l'heure et sans peine accordées;
Je t'ai préféré même à ceux dont les parents
Ont jadis dans mon camp tenu les premiers rangs,
A ceux qui de leur sang m'ont acheté l'empire
Et qui m'ont conservé le jour que je respire;
De la façon enfin qu'avec toi j'ai vécu

Les vainqueurs sont jaloux du bonheur du vaincu.

Le même moyen d'appeler l'attention et de provoquer l'intérêt a été employé par Bossuet dans l'oraison funèbre d'Henriette de France, reine d'Angleterre:

Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines la félicité sans bornes aussi bien que les misères; une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulé sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et depuis, des retours soudains, des changements inouïs, la rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté.

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3. Sources de développements. Les plification sont très-nombreux et très-divers. Les plus simples sont presque toujours les meilleurs; on peut les ramener à sept principaux :

1o Les épithètes, c'est-à-dire les adjectifs indiquant la qualité appropriée à la circonstance ou à l'action.

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