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1. DES PREMIERS SUJETS DE COMPOSITION. 2. IMITATION DES MODÈLES DE PROSE. - 3. EXEMPLE D'UN SUJET DE NARRATION. 4. UNITÉ ET INTÉRÊT DU SUJET. 5. MOYENS DE DÉVELOPPEMENT. 6. ORDRE DES IDÉES. 8. DIVISION GÉNÉRALE DU COURS.

7. DU STYLE.

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1. Des premiers sujets de composition. A peine les enfants ont-ils un vocabulaire assez riche, à peine savent-ils tenir une plume qu'on essaie leur imagination sur de petits sujets. Et c'est avec raison, car jamais il n'est trop tôt pour commencer un exercice qui doit se continuer pendant toute la vie. Une de nos affaires les plus importantes dans la société humaine, c'est et ce sera toujours de communiquer et de faire partager aux autres hommes nos pensées et nos sentiments. Le travail de la composition littéraire, sous toutes ses formes, est donc une partie essentielle de l'éducation même la plus élémentaire.

2. Imitation des modèles de prose. - Un premier

PRINC. DE STYLE. 2o ANNÉE.

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UNIVERSITY

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NTRODUCTION.

exercice que recommande l'expérience, c'est celui qui consiste à proposer aux jeunes enfants l'imitation d'un morceau de prose.

Par exemple, à l'instar du carrosse versé de Mme de Sévigné, l'on peut demander aux élèves de développer dans un petit récit l'anecdote suivante :

LE TILBURY DE M. MILLION.

M. Million est riche, aussi se croit-il un grand seigneur. Hier il passait en tilbury sur le boulevard des Italiens; il rencontre, heurte et renverse un porteur d'eau et son tonneau et, dans son indignation, conduit le pauvre homme devant le commissaire de police, qui fait à M. Million la leçon qu'il méritait.

Dans le développement d'une matière de ce genre, on ne saurait croire, combien le secours d'un bon modèle aide et encourage les enfants, combien cette émulation avec un grand écrivain, développe, même chez les plus jeunes, d'imagination, de fécondité, de goût.

De même, à l'imitation du morceau de Voltaire sur le Dévouement du chevalier d'Assas, on peut proposer le sujet

suivant :

LE JEUNE ZOUAVE.

L'amour de la patrie et le sentiment du devoir se révèlent parfois chez les jeunes gens avec un éclat digne d'admiration.

Emile faisait ses premières armes en Algérie sous le maréchal Bugeaud. Craignant une surprise le général avait fait veiller ses troupes. Emile envoyé pendant la nuit en reconnaissance, rencontre les Arabes qui le menacent de la mort s'il fait du bruit; il s'écrie: A moi, voilà les Arabes, et il tombe en disant: Vive la France!

Qu'un souvenir du moins soit le prix de son héroïsme.

Après l'exercice de la traduction des vers en prose, il n'en est pas de plus profitable que ce travail d'imitation.

C'est encore un excellent usage de proposer aux jeunes enfants des sujets ou matières de compositions faciles, telles que narrations, descriptions, tableaux, lettres, fables, lieux communs moraux, etc.

1. Voir Morceaux choisis des Classiques français, par A. Pellissier, 2 année, page 1.

2. Voir Morceaux choisis, 2o année, page 2.

3. Exemple d'un sujet de narration. Pour les guider dans ce premier travail où leur jeune imagination peut se troubler et se perdre, le moyen le plus simple est de se mettre à leur place, de les suivre pas à pas, en leur indiquant tout ce qu'ils ont à faire : c'est ce qu'il faut essayer dès le début de ces leçons.

Soit par exemple un sujet de narration présenté à leur étude sous la forme que voici :

Sujet.

LE FER A CHEVAL.

Jésus se rendait avec Pierre à une petite ville. Il vit sur la route un fer à cheval et dit à Pierre de le ramasser; mais Pierre fit semblant de ne pas entendre. Jésus le ramassa lui-même, le vendit trois deniers et acheta des cerises.

La route étant longue et la chaleur accablante, Pierre mourait de soif; Jésus laisse plusieurs fois tomber une cerise, et à chaque fois Pierre se baisse pour la ramasser.

A la fin, Jésus lui dit qu'il aurait pu ne se baisser qu'une seule fois et manger des cerises à son aise. Morale.

4. Unité et intérêt du sujet. En face d'un pareil sujet, la première préoccupation de l'écolier sera de chercher ce qui en fait l'intérêt, c'est-à-dire quelle en doit être la morale. Il trouvera sans peine que la morale de ce récit se ramène à peu près à cette formule : Pour avoir voulu s'épargner une petite peine, on s'expose souvent à debien plus grands ennuis; ou encore : Il n'y a pas de si petite chose qui n'ait son utilité.

Cette idée bien comprise devra être ensuite comme l'âme de toute la composition.

Ce qui reste à

5. Des moyens de développement. faire, c'est de développer ce sujet, de manière à donner au récit plus d'intérêt et de mouvement que n'en peut offrir la matière. Dans ce but l'esprit cherche des moyens de développement et d'amplification.

Le commencement de la matière ne comporte guère que des additions sans importance; le narrateur comme le lecteur doit avoir hâte d'arriver au point le plus intéressant. Voici quel pourrait être le développement de ce début :

Jésus voyageait avec Pierre et se dirigeait vers Nazareth. Il vit sur la route un objet brillant : c'était un fer à cheval usé. Le maître diť à son disciple de le ramasser; mais celui-ci sans doute se sentait trop fatigué, la trouvaille lui semblait d'un prix médiocre et bien audessous de lui; peut-être même rêvait-il déjà l'empire du monde; bref, il fit comme s'il n'avait pas entendu et passa outre. Jésus, toujours bon et patient, ramassa lui-même le fer, le vendit trois deniers à un forgeron, et du prix qu'il en reçut acheta quelques cerises.

On voit que dans ce fragment les moyens d'amplification sont quelques épithètes, comme Jésus bon et patient, ou la peinture des causes morales des faits ou des sentiments des personnages: Pierre se sentait trop fatigué; peut-être même rêvait-il déjà l'empire du monde, etc.

6. Ordre des idées. Une fois maître des idées, des images et des raisonnements qui peuvent servir au développement du sujet, il faut déterminer l'ordre qui convient le mieux à l'intérêt du récit.

Par exemple, je suppose que l'élève comprenne qu'un petit discours de Jésus à son disciple ajouterait plus d'intérêt dramatique au récit; mais où faut-il placer ce discours? Est-ce à la rencontre faite par hasard ou bien après que Pierre a été forcé de se baisser pour ramasser des cerises? Il est facile de comprendre que c'est pour ce dernier moment qu'il sera bon de conserver ce moyen d'effet. Le récit continuera donc ainsi :

Bientôt la route devint mauvaise il fallait traverser des plaines arides, brûlées par le soleil et privées de tout ombrage. Pierre eût beaucoup donné pour un peu d'eau. Jésus, qui marchait en avant, laissa comme par mégarde tomber une cerise, puis deux, puis trois. Pierre, mourant de soif, se baissa une fois, deux fois, trois fois.

Les détails descriptifs de la campagne traversée par les voyageurs sont indispensables pour faire comprendre la soif dont Pierre est dévoré. Comme la leçon doit consister à forcer Pierre à faire plusieurs fois le mouvement qu'il a dédaigné de faire une première fois, l'insistance et la répétition des mots sont ici du meilleur effet et ont une valeur toute particulière d'expression.

La conclusion doit être courte, la leçon vive et frappante:

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