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dent, cette année, ne fût pas trop souvent réduit à cette transformation de son caractère officiel. Il souhaite vous voir arriver toujours ici avec des dispositions très militantes, pour que se renouvellent souvent ces batailles courtoises qui nous donnent l'occasion d'admirer les remarquables talents de parole de plusieurs de nos collègues. Pour que ces discussions puissent s'engager à armes égales autant que possible, il est très utile qu'aucun travail ne soit lu sans avoir été annoncé à la séance précédente. Un orateur averti en vaut deux. Votre Bureau vous prie donc très instamment de le vouloir bien prévenir avec régularité des lectures que vous aurez l'intention de faire; cette précaution bien facile est un des meilleurs moyens d'augmenter l'intérêt et la vivacité de nos réunions. Il faut en convenir franchement, pour éviter qu'on ne le dise avant nous et sans nous, cette vivacité a faibli de temps en temps; il serait à désirer que nous n'eussions pas un certain point de commun, quelque peu fàcheux, avec le bon Homère. Le moment d'ailleurs serait bien mal choisi, car depuis bien longtemps les esprits n'ont été aussi généralement préoccupés des idées qui inspirèrent autrefois les créateurs de votre Société. Aussi, pour reprendre toute notre énergie, nous n'avons qu'à nous retremper à nos origines, à nous pénétrer des intentions et des projets conçus en 1834 par le groupe d'hommes d'initiative dont nous avons encore le bonheur de posséder parmi nous quelques-uns des membres les plus éclairés. Que voulaient-ils ? Ils voulaient ce qui s'est réalisé depuis ils pressentaient ce mouvement de propagande intellectuelle qui a pris de nos jours tant d'importance, et auquel tout bon citoyen considère comme un devoir de s'associer. Ils affirmaient, et des premiers, la nécessité impérieuse, absolue, de ré

pandre sans cesse et le plus loin possible les saines notions de morale et de littérature; et pour atteindre ce but, ils voulaient organiser ce que dans leurs statuts ils appelaient des cours, ce qu'on a plus tard appelé des conférences. Vrais hommes de progrès, ils jetaient dans le sol versaillais des semences qui plus tard devaient lever, non pas ici seulement, mais par toute la France. Ils étaient un peu en avant sur leur génération; c'est la place qui convient aux hommes cultivés ce sont eux qui guident leur temps, ils doivent donc le précéder. Les plus grands malheurs et les plus grandes tristesses menacent une société, quand un grand nombre d'intelligences d'élite se tournent avec obstination vers le passé. Il n'en était pas ainsi de nos fondateurs animés de l'esprit le plus libéral, ils allaient courageusement en avant; c'est quelque temps après la promulgation de la grande loi de M. Guizot sur l'instruction primaire, qu'ils se réunissaient afin de se faire pour ainsi dire les auxiliaires volontaires de la pensée vraiment démocratique qui avait inspiré cette loi; 1867 a vu promulguer une loi qui est, de l'aveu général, le complément le plus désiré de la loi de 1833; c'est dire que nous sommes aujourd'hui dans une période de réveil absolument analogue à celle au milieu de laquelle se trouvaient nos fondateurs. Ayons donc un peu de leur activité et de leur ardeur; reprenons avec un soin filial toutes leurs pensées; nous le pouvons faire avec fierté, puisque ces pensées, qui autrefois n'existaient que dans quelques esprits, ont aujourd'hui fait fortune et courent le monde pour répandre d'inestimables bienfaits. Reprenant une idée bien souvent émise, votre Bureau exprime le vœu que cet hiver il soit possible d'organiser de temps en temps une conférence où nous inviterions autant d'auditeurs que

nous le pourrions; nous accomplirions ainsi, je le crois, une partie importante du programme tracé en 1834. Je fais appel, au nom de ces fondateurs, à tous les membres qui ont en eux-mêmes des richesses, gardées par eux avec un soin trop avare. Peut-être aussi trouverions-nous l'occasion de faire appel à quelques-uns de nos illustres associés qui habitent Paris, ou même à des orateurs étrangers : nos statuts nous y autorisent, et par conséquent nous y engagent. Plus nous saurons attirer d'orateurs et d'auditeurs parmi nous, plus nous serons fidèles aux intentions qui ont présidé à la naissance de notre Société, destinée, disent ses fondateurs, « à propager le goût des études qui intéressent le philosophe, le littérateur et l'artiste. » Pour son humble part, et dans la limite de ses attributions, votre Président cherchera à réaliser dans toute leur étendue les intentions premières des rédacteurs de nos statuts. Maintenir de mon mieux les traditions, mais sans rien laisser tomber en désuétude de bon et d'utile, tel est mon plus grand désir; c'est-à-dire que je tàcherai de ressembler. le plus possible à celui qui m'a transmis immédiatement ces traditions; pendant une année il m'a donné des leçons et des exemples que je recevais sans savoir que j'aurais à les appliquer, mais ma mémoire néanmoins en a gardé le souvenir, et je mettrai mes efforts à en profiter. Tous d'ailleurs nous avons recueilli de nombreux avantages de cette présidence regrettée; aussi je suis sûr d'être votre interprète et d'aller au devant de vos vœux en vous proposant, comme inauguration de vos actes, voter des remerciements à notre ancien et excellent Président, M. Digard.

de

SOCIÉTÉ DES SCIENCES MORALES, DES LETTRES ET DES ARTS

DE SEINE-ET-OISE

SÉANCE SOLENNELLE

DU VENDREDI 26 NOVEMBRE 1869

SOUS LA

PRÉSIDENCE D'HONNEUR DE M. CORNUAU

Conseiller d'État, Préfet de Seine-et-Oise.

Discours de M. le Préfet.

MESSIEURS,

Mon intention n'est pas de vous faire un discours sur l'objet de votre réunion; je n'aurais, pour me faire écouter, ni la confiance qu'inspirent des travaux connus du monde savant, ni l'autorité qui s'attache à des études longues et consciencieuses comme sont les vôtres. J'ai voulu seulement, avant de donner la parole à des membres plus autorisés, vous remercier de l'honneur que vous m'avez fait en m'appelant à vous présider, honneur dont je suis sincèrement reconnaissant et qui m'impose le devoir de m'intéresser à ses travaux : ce devoir m'est facile, et j'ajoute, après avoir étudié les volumes qui

conservent les témoignages de votre utile activité, qu'il est un de ceux que j'aurai toujours le plus à cœur de remplir.

J'ai tenu en effet, en venant au milieu de vous pour la première fois, à n'y paraître qu'après m'être rendu compte du but que vous poursuivez et de vos efforts pour l'atteindre. La lecture de vos statuts, les pensées si élevées qui en forment le préambule, m'ont appris ce que voulaient, il y a trente-cinq ans, les fondateurs de votre Compagnie : « Élever l'âme, seconder le jugement en << appliquant à des questions ou à des époques spéciales << les principes de la philosophie pure, de la morale, de << la législation, de la littérature et des beaux-arts, en << appliquant aussi les enseignements positifs de la sta«tistique, de l'archéologie et de l'histoire » tel fut le programme complet et varié que vos prédécesseurs se sont toujours attachés à suivre; vous y êtes restés fidèles avec un dévouement qui ne le cède pas à celui dont ils vous avaient laissé l'exemple.

Tantôt c'est à la poésie que vous demandez ces inspirations qui détachent l'âme des préoccupations du monde réel et la transportent dans les sereines régions. du vrai, du bien et du beau; ceux-ci, poètes originaux, ceux-là traducteurs des poètes anciens, se sont distingués par des mérites qui se sont fait jour parmi vous, et ont ensuite répandu sur leur nom et sur votre Société même un vif, un durable éclat. Aujourd'hui encore la poésie, que trop de gens affairés prétendent morte, ne prouve-t-elle pas qu'elle vit honorée chez vous d'un culte toujours fervent? Dans un instant votre Président. titulaire vous dira comment les poètes ont chanté les gloires de Versailles; un de vos collègues recherchera les vrais caractères qui distinguent la poésie de l'élo

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