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2o Il faut appliquer l'exigence officielle d'un livret ou d'un passeport comme moyen immédiat de ralentir l'émigration vers la ville, et subordonner le départ des ouvrières mineures au consentement des parents et même des autorités publiques;

3° Il convient d'étendre aux veuves et aux femmes isolées de la campagne, dans leur vieillesse, les secours de la charité et de la bienfaisance publiques, par l'établissement de bureaux dont l'action se limiterait à ce but.

Domestiques. -1° Nous croyons utile que les pouvoirs publics tiennent plus que jamais la main à la répression de certains petits méfaits et des complicités qui les rendent trop faciles, moins par la sévérité que par la fréquence et la publicité de la répression.

(Il y a là contre certains abus une campagne à faire du genre de celle qu'on poursuit si utilement contre les tromperies sur la marchandise vendue).

2° Il faudrait favoriser pour les domestiques sans place certaines institutions charitables, qui leur assurent un refuge, des soins en cas de maladie, un moyen honnête de trouver du travail; et il serait tout naturel de réserver de préférence dans les internats et dans les ouvroirs des places pour leurs enfants. Ils pourront payer plus facilement que les autres travailleurs, et leur situation ne leur permet guère de s'occuper personnellement de leurs enfants.

3° Il faut engager les maîtres à donner à leurs serviteurs une prime progressive de vétérance et à placer pour eux à la caisse des retraites pour la vieillesse.

Ouvrières des manufactures. - 1o La durée du travail pour les femmes adultes doit être réduite à 10 heures, comme elle l'est déjà pour tous en Angleterre ;

2° L'entrée des jeunes filles dans les manufactures ne doit être autorisée que sur le certificat d'un médecin spécial, déclarant qu'elle ne présente point d'inconvénient pour leur santé. (Nous avons ici en vue de préserver la jeune fille contre le danger de rester immobile, debout ou assise pendant 10 ou 12 heures, à une époque de sa vie où elle a besoin de soins tout particuliers);

3° La séparation des deux sexes doit être établie dans le travail partout où elle est possible;

4° Nulle jeune fille mineure ne doit être admise dans une fabrique qu'avec la permission régulièrement constatée et motivée de ses parents ou de son tuteur, et à la condition expresse que l'un de ses surveillants légaux ou son délégué spécial travaillera avec elle dans l'atelier même;

5° Il faut étendre aux femmes le système des relais déjà organisé pour les enfants, de façon à leur permettre de vaquer l'une après l'autre et en se relevant à leurs devoirs de nourrices, de mères et de ménagères;

6° La mesure la plus utile et en partie conforme d'ailleurs à la nature des choses, ce serait la division du travail dans la manufacture par groupes de travailleurs, hommes et femmes, composés autant que possible de membres d'une même famille.

Disons en terminant quels sont nos vœux et quelles sont nos espérances à propos de certaines réformes nécessaires et fondamentales.

Au point de vue industriel. - Nous sommes d'avis : 1°Que, dans les règlements promis pour l'application de la loi sur le travail des enfants dans les manufactures, il y a lieu de distinguer entre les deux sexes et de faire des prescriptions spéciales aux jeunes filles;

2° Que le règlement du travail dans les manufactures et les ateliers doit s'étendre même au femmes adultes;

3° Que le travail des manufactures et des ateliers qui confectionnent les matières premières jusqu'à un certain degré d'avancement, ce qu'on peut appeler toute la grosse industrie, doit être transporté à la campagne, tant dans l'intérêt du producteur que dans celui de l'ouvrier. (Le bon marché relatif de la vie y amènera le bon marché de la main d'œuvre et remédiera dans une certaine mesure aux vices hygiéniques de la manufacture);

4° Que le travail urbain, dans un temps plus ou moins rapproché, devra se borner à la préparation et à l'achèvement des produits industriels, c'est-à-dire à cette partie du mouvement industriel qui est tout naturellement réservée aux intelligences d'élite et aux aptitudes exceptionnelles. (Là seulement la rétribution peut compenser la dépense. Dès lors, le séjour de ces grands centres ne sera possible

que pour un très petit nombre de travailleurs en dehors des professions libérales, artistiques et commerciales. )

La vie domestique pourra y être rendue en partie à la femme par un système de relais et la facilité d'obtenir un logement rapproché de l'atelier.

5° Que, pour conjurer autant que possible le fléau du chômage, dont l'ouvrière souffre plus que l'ouvrier à cause de l'exiguïté même de son salaire, on devra faire alterner le travail agricole avec le tra→ vail industriel : c'est à ce résultat-là que doivent tendre les efforts des propriétaires, des fabricants et des économistes.

Au point de vue social et domestique.

La vie domestique ou

de famille se perd, et cependant pour l'ouvrière elle n'est pas seulement une question de bonheur, elle est une question de pain. Le mal actuel a bien des causes et demande des remèdes bien divers; les moyens moraux et religieux doivent passer avant tous les autres. Pour en préciser quelques-uns qui se rattachent à l'économie politique, nous émettons le vœu :

1° Que la jeune fille du peuple soit mieux protégée contre la séduction par les lois répressives et par les lois de tutelle civile et administrative, surtout par la séparation des sexes;

2o Que la facilité de se marier soit rendue aux soldats et combinée autant que possible avec le système moderne des armées permanentes;

3' Que l'effort de la charité, jusqu'ici trop favorable au système des ouvroirs et des orphelinats, se porte de préférence vers le patronage des jeunes filles dans les ateliers libres, et vers la création de tontines ou caisses d'économie pour leur assurer une dot;

4° Que le maintien dans la famille de l'enfant nouveau-né et de la jeune fille soit la règle (la crèche et l'ouvroir, ressources exceptionnelles, ne doivent s'ouvrir qu'à bon escient, après un sérieux contrôle et pour un temps limité);

5° Que la sollicitude du législateur, tant pour l'exercice de la bienfaisance publique que pour la sanction des devoirs du père et de l'époux, se porte surtout sur l'assistance à donner aux veuves et aux femmes abandonnées, tant à la campagne qu'à la ville;

6° Que les ouvriers tenus par jugement à servir une pension ali

mentaire, les uns à leurs parents âgés, les autres à leurs femmes séparées et à leurs enfants, en vertu de la simple inscription du jugement au livret, subissent sur leur solaire une retenue proportionnelle, sans autre mise en demeure;

7° Que les père et mère légitimes ou naturels puissent être destitués de la puissance paternelle, quand ils auront été condamnés pour crimes ou même délits graves, déterminés les uns et les autres par le texte même de la loi, lesquels auraient été commis en la présence de l'enfant ou de complicité avec lui;

8° Que les père et mère naturels puissent en outre être destitués de leur puissance pour sévices ou injures graves envers leurs enfants, sur l'avis du conseil de famille homologué par le tribunal.

ÉPITRE AUX MÈRES

PAR

M. E. MUGNOT DE LYDEN

Membre titulaire.

La femme a trois amours dans sa vie éphémère :
Elle est fille attentive, elle est épouse et mère,
Trinité de devoirs et de félicité,

Mais aussi de cruelle et longue anxiété!

Or de ces trois amours que Dieu donne à la femme
Le plus fort, le plus doux auquel s'ouvre son âme,
Foyer qui s'alimente au rayon éternel,
Nous l'avons tous appris, c'est l'amour maternel!
Feu divin qui toujours de soi-même s'allume,
Rajeunissant le cœur que sans cesse il consume.
Amour d'autant plus grand qu'il coûta plus de pleurs,
Suscita plus d'ennuis, causa plus de douleurs !

Ainsi l'a voulu Dieu dans sa bonté suprême :

Plus la femme a souffert et pleuré, plus elle aime! Mais l'immense bonheur de la maternité,

Pour être plus complet, veut être mérité.

Oh ! je sais et j'admire avec quelles délices
La mère use sa vie en ardents sacrifices;
Je sais son dévoûment qui, toujours en éveil,
Par un sublime effort survit même au sommeil !
Fortune, amour, beauté, jeunesse, honneur et vie,
La mère donne tout; et son ame, ravie
D'avoir ainsi vidé le calice de fiel,

De cette passion va rendre grâce au Ciel !
Mais cette âme enivrée, en ses saintes extases,
A ses égarements et ses funestes phases:
On n'aime jamais trop, mais on peut mal aimer!
Touchant aveuglement que j'ose ici blâmer.

Petit ange, à qui Dieu vient de ravir les ailes,
Eva, la blonde enfant, dans nos sphères mortelles
Apparaît comme un lis à peine épanoui ;
Et le cœur maternel, orgueilleux, ébloui,
Rêve déjà pour elle, en sa folle tendresse,
Tous les raffinements de la douce mollesse.
La mignonne s'endort dans des langes brodés;
Ses douillets vêtements, de dentelles bordés,
Sont des travaux de fée ; et la main des génies
A sculpté des hochets pour ses lèvres bénies.

L'enfant devient fillette : elle a déjà sept ans !
Son regard est un ciel et sa voix un printemps.
Sans doute elle aimerait à bondir affolée,
Ses blonds cheveux au vent, à travers la vallée,
A sentir affluer dans ses jeunes poumons

Cet air vivifiant qui vient à nous des monts.
« Enfant, ne jouons plus ! vous êtes demoiselle!

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