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d'emprunter le langage de Jérémie ou de l'exilé de Patmos, ne laisse pas de lancer contre certaines capitales des imprécations qui rappellent assez les imprécations du prophète contre Babylone et Jérusalem. De telles déclamations ne se réfutent pas; toutefois notre collègue a cru devoir discuter quelques-uns des anathèmes lancés par l'auteur contre la magnificence des constructions publiques ou privées dont les unes ne seraient, à l'en croire, qu'un acte d'égoïsme, les autres le fruit d'une imagination déréglée et le symptôme d'une décadence prochaine. Comment les constructions privées ne seraient-elles qu'un acte d'égoïsme, alors que les fils en jouissent aussi bien, souvent même mieux que les pères? Quant aux monuments élevés par les nations, ne sont-ce pas là des souvenirs de grandeur et de gloire qui soutiennent le patriotisme et qui, loin de précipiter leur chute, la retardent ou deviennent des éléments de résistance contre l'oppression? Si la sinistre prédiction de JeanJacques devait s'accomplir, si les Tartares devenaient un jour nos maîtres, est-ce que Notre-Dame, la Colonnade du Louvre, l'Arc de Triomphe, Versailles, tous nos monuments, à l'égal du Parthénon, ne protesteraient pas éternellement contre la servitude, et ne hâteraient pas l'heure du soulèvement et de la délivrance?

M. l'abbé Barranger vous a adressé plusieurs mémoires d'archéologie. Dans le premier il s'attache à montrer que le Métiosedum de César, où Labienus défit les Parisiens et leurs alliés, occupait l'emplacement actuel de Villeneuve-le-Roi. Dans le second, intitulé Celtique-Gaule, il ajoute de nouveaux détails à ceux qu'il vous avait précédemment transmis sur les découvertes archéologiques récemment faites à Villeneuve et aux environs. Le troisième est un rapport sar un ouvrage de M. Anatole Roujon, intitulé: De l'incinération des morts chez les peuples anciens et modernes et particulièrement chez les Gaulois. Le quatrième est une étude sur le culte des pierres à diverses époques et chez les différentes nations du globe.

Un autre correspondant, M. Morize, vous a adressé un mémoire fort étendu sur la belle église de Montfort-l'Amaury, l'un des chefsd'œuvre de l'architecture gothique dans notre département. Le premier chapitre de cette monographie, dont la lecture n'a pas exigé moins de quatre séances, embrasse la construction de l'édifice et la

description de chacune de ses parties; le second, beaucoup plus étendu, renferme la description complète des superbes vitraux qui en décorent les trente-neuf croisées.

Vous devez à M. d'Urclé un Essai sur la vie et sur l'œuvre du Puget, ce grand artiste que ne purent arrêter dans son essor ni les obstacles apportés à ses premières études, ni l'accueil fait à ses plans dans Marseille, sa patrie, par une administration incapable de les apprécier. Vainqueur dans sa lutte contre la mauvaise fortune, vous l'avez vu déployer la plus noble fierté, la plus généreuse indépendance dans ses relations avec la cour; mais notre jeune collègue vous a démontré, par des témoignages irrécusables, que Louis XIV ne méconnut point l'auteur de l'Andromède et du Milon de Crotone, et qu'on doit mettre au rang des fables les accusations que M. L. Pichat répétait encore tout récemment contre la mémoire du grand roi.

Un grand peintre, Moralès, l'honneur de Badajoz, dont la carrière aussi fut traversée par tant de tribulations, abreuvée de tant d'amertumes, a été pour M. Gueullette le sujet d'une esquisse qui sera, l'auteur vous l'a promis, suivie de semblables essais sur les grands peintres de l'Ecole espagnole.

M. Mugnot de Lyden vous a lu une relation de la mémorable bataille de Châlons. C'est en visitant les champs catalauniques, où 160,000 hommes trouvèrent la mort, que notre collègue a rédigé ce récit, où figurent les grands noms d'Attila, de Théodoric, d'Aétius et de Mérovée. Que fût-il arrivé si les Huns avaient été victorieux? M. Mugnot de Lyden se l'est demandé, et de cette étude est résultée pour lui la conviction que cet accident aurait pu retarder pour un temps la civilisation chrétienne dans la Gaule, mais n'aurait pu l'anéantir.

Vous devez à M. Buchère de Bezalles un mémoire sur le roi Robert et sur sa politique, dont la lecture n'a pas demandé moins de six séances. L'analyser me serait impossible, je me bornerai donc à vous rappeler que pour accomplir cette tâche, l'auteur a dû compulser une grande quantité de chartes inédites et de documents de tout genre déposés dans les archives. La chronologie, établie ou rectifiée d'après ces découvertes, a permis à l'auteur de corriger

plus d'une méprise, d'éclairer plus d'un doute et d'assigner leur véritable caractère à des faits mal connus ou mal interprétés.

En vous entretenant de la récente publication des Cartulaires de Saint-Maximin et de N.-D. de La Roche, due à la munificence éclairée de M. le duc de Luynes votre correspondant, M. Mévil vous a fait sentir par de curieux exemples quels services ces sortes de publications peuvent rendre, non-seulement à l'histoire locale, mais encore à l'histoire générale du moyen-âge et des temps modernes.

Vous devez à M. Cougny, sur la lutte qui éclata dans les dernières années du xvIe siècle entre les Jésuites et l'Université, un mémoire dont la lecture n'a pas occupé moins de six séances. Je ne puis analyser un tel travail et je me bornerai à vous en signaler quelques-uns des traits les plus saillants. Ainsi le plaidoyer de Versoris vous a montré les Jésuites se présentant, non sans quelque fondement, comme un gage de progrès, parlant au nom de la raison humaine aussi bien qu'au nom de la foi, et ne se faisant pas faute de malignes insinuations contre le savoir et l'orthodoxie de leurs adversaires. Pasquier, malgré l'abus des dicacités et de l'érudition, fait ressortir admirablement les causes de l'antipathie qui ne permet ni accord ni fusion entre les contestants; puis, avec une largeur de vues digne de l'homme d'État, il élève la question à la hauteur d'un débat social et la transporte dans les plus hautes régions du droit public. L'avocat-général Dumesnil parle en magistrat et représente l'esprit même de la France personnifié dans nos plus grands rois et dans nos anciens légistes, leurs prudents et fermes auxiliaires. Dumesnil voit dans l'affaire un intérêt de nationalité : libérale envers les étrangers, la France n'a jamais voulu leur laisser prendre chez elle la moindre influence. Étrangère et soumise à des lois étrangères, la Compagnie ne peut prétendre à jouir des bénéfices de la loi française sans en subir les charges; qu'elle soit maintenue en France, mais à la condition de se soumettre sans réserve au droit commun. Un arrêt d'apointement au conseil amène une trève de trente années, trève troublée d'ailleurs souvent par de vives escarmouches; mais la lutte est reprise trente ans plus tard par l'Université. Celle-ci a pour avocat Ant. Arnauld, le père de la glorieuse

famille de Port-Royal, dont la belle plaidoirie n'est point au-dessous de sa réputation; les curés de Paris se liguent avec elle; ils ont pour avocat L. Dollé, l'une des gloires du barreau, qui s'élève à la plus haute éloquence en protestant contre ces maximes d'obéissance passive qui font de l'homme un cadavre, anéantissent sa liberté et sa conscience, et dès-lors lui ravissent la responsabilité de ses actes. Les Jésuites sont faiblement défendus par Duret, faiblement dans une lourde apologie du P. Barny, dont M. Cougny a pourtant extrait de curieux détails sur les progrès que les Jésuites ont fait faire aux lettres grecques et à la philosophie, considérations qui durent frapper les juges à une époque si tourmentée de la fièvre du savoir. L'affaire est encore apointée, et ce n'est qu'après l'attentat de Jean Châtel que le Parlement de Paris rend contre les Jésuites un arrêt de bannissement dont l'exécution rencontre à Lyon une vive résistance. En vain l'avocat-général Simon Marion, dans un éloquent réquisitoire, l'un des plus beaux discours prononcés dans ces longs débats, réclame l'exécution de la loi; en vain le Parlement confirme sa première sentence par un nouvel arrêt: Henri IV accorde bientôt aux Jésuites des lettres de rappel, et dans cette mesure comme dans beaucoup d'autres de son gouvernement, donne une marque éclatante de ce génie vraiment libéral, par lequel ce prince s'élevait si haut au-dessus des esprits de son siècle.

M. Digard vous a lu une notice sur les Missions du Japon, depuis leur origine jusqu'à nos jours, notice ou il a retracé toutes les phases, toutes les péripéties d'une entreprise qui, après avoir fait concevoir au début de si brillantes espérances, n'a guère laissé dans le pays que de vagues et obscurs souvenirs, sans que l'insuccès ni les persécutions aient pu refroidir l'ardeur du prosélytisme chrétien.

Tout le monde sait avec quelle rapidité l'Espagne de Charles-Quint déclina sous ses débiles successeurs, et cela par la fatalité des événements autant que par la faute des hommes. Tout le monde sait dans quel état se trouvait le pays quand Philippe V monta sur le trône de Charles II. Ce qu'on sait moins, ce sont les efforts persévérants tentés par ce prince et par ses successeurs pour relever la nation de son abaissement; ce sont les résistances que des préjugés vivaces ont trop souvent soulevées contre les réformes les plus sages

et les mieux conçues. En vous présentant dans quatre lectures le rapide résumé de l'histoire d'Espagne sous la dynastie des Bourbons, M. Gueullette n'a point prétendu vous soumettre une œuvre originale; il vous a dit les auteurs qu'il a consultés, les sources où il a puisé pour réunir les matériaux de cette modeste étude, œuvre d'un esprit droit et sérieux. En le conviant à marcher dans cette voie, en signalant de la sorte à nos jeunes collègues nos goûts, nos désirs et nos préférences, j'aime à croire que je ne dépasse point la réserve qui m'est imposée. A la jeunesse ardente et laborieuse les aînés doivent les conseils de leur expérience; ces conseils seront accueillis dans le même esprit qui les a dictés.

Il a paru récemment un livre qui a fait quetque bruit dans le monde sous ce titre : Nouvelles à la main, sur la comtesse Du Barry, commentées par Em. Cantrel et précédées d'une introduction par Ars. Houssaye. Vous avez pensé que l'examen d'un tel livre revenait de droit à celui de nos collègues qui a enrichi la collection de vos Mémoires de ses recherches sur les dépenses des deux plus célèbres favorites de Louis XV. M. Le Roi a bien voulu déférer à votre désir, et après un sérieux examen du livre, après l'avoir comparé aux nombreux ouvrages particuliers dont la favorite a fourni le sujet depuis 1776 jusqu'à nos jours, il vous a démontré que le nouvel ouvrage n'est qu'une série de plagiats mal déguisés sous un style maniéré, prétentieux, et semé de bizarres néologismes, et qu'après avoir dérobé au Gazetier cuirassé de Morande et aux Mémoires historiques de madame Guinard la majeure partie de leur compilation, les éditeurs ont emprunté sans scrupule au mémoire de notre collègue, et cela bien entendu sans mot dire, des pièces importantes découvertes par eux, disent-ils, et complètement ignorées jusqu'ici de tous ceux qui ont écrit sur la châtelaine de Louveciennes. Le plagiaire méritait bien que M. Le Roi vous égayât en vous lisant quelques pages de son étrange Introduction.

Versailles ne pouvait manquer de ressentir avant toutes les autres villes le contre-coup des troubles qui, depuis 1789, agitaient profondément la population de Paris. Ses avenues et son palais avaient été envahis, pendant les journées du 5 et du 6 octobre, par des hordes avides de sang et de pillage. Deux ans plus tard, les mêmes égor

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