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connaissait personnellement M. de Lamennais. La lettre de Menjaud à Auguste Comte est du 27 février 1826, nous la reproduisons :

Lettre de 27 février 1826

DE M. MENJAUD A AUGUSTE COMTE.

Mon cher Comte,

J'ai fait remettre votre billet à M. de Lamennais, que j'ai vu moi-même hier au soir. Il a lu tous vos articles et m'a prêté lui-même le Producteur pour lire le dernier.

L'entrevue que vous désirez, comme lui, est fixée à jeudi prochain pour 12. J'irai vous prendre.

M. de Lamennais me charge, en attendant qu'il puisse le faire lui-même, de vous dire combien il a conçu d'estime pour un homme qui s'exprime dans ses écrits, avec la loyauté et la franchise qui brillent dans les vôtres.

M. de Lamennais trouve votre dernier article très remarquable. Ce sont ses expressious.

Quant à moi, mon cher Comte, animé comme vous du désir de connaître et de faire connaître la vérité, je me féliciterai toujours d'avoir été l'intermédiaire dans une affaire qui peut produire le bien.

Votre dévoué camarade. Mes respects à Madame.

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On voit d'après cette lettre qu'Auguste Comte avait écrit un billet à M. de Lamennais, nous ne le possédons pas, mais

il serait intéressant de le retrouver, en vue d'une publication complète de la correspondance entre Auguste Comte et Lamennais; nous le signalons ici afin que, si le fail tombe à la connaissance d'un amateur éclairé, nous puissions en avoir communication (1).

L'entrevue dont parle la lettre de M. Menjaud eut évidemment lieu, et des rapports personnels s'établirent dès lors entre Auguste Comte et Lamennais; ils prirent assez d'intimité pour qu'Auguste Comte proposât au chef de l'école. catholique d'assister au cours, où pour la première fois il allait exposer le Système de la philosophie positive; cela résulte de la lettre capitale, si heureusement mise à notre disposition et que nous reproduisons intégralement:

Monsieur,

Ce vendredi soir, 31 mars.

Je viens de passer chez vous pour vous proposer directement, avec la franchise qui convient à votre caractère et au mien, d'assister après demain, dimanche, à midi, à l'ouverture de mon cours de philosophie positive, dont voici le programme pour plus de précision. Si vous le faites, je sentirai tout le prix de cette marque d'estime et d'intérêt ; si vous ne le faites pas, je saisirai l'ensemble de vos motifs, même sans que vous preniez la peine de m'en donner aucun signe, et je vous réponds d'avance que ma sympathie d'esprit et de cœur n'en sera nullement altérée. Je puis vous dire comme renseignement que la compagnie sera convenable: MM. de Humboldt et de Blainville en feront partie, avec quelques autres savants peut-être, le reste sera composé de huit à dix jeunes gens de choix.

Je voulais aussi, Monsieur, en venant vous voir, vous remercier, comme je le dois, de la manière dont vous vous êtes

(1) Il existe probablement une correspondance d'Auguste Comte avec M. Menjaud, il serait intéressant d'en retrouver la trace.

exprimé sur mon compte dans le dernier numéro du Mémorial catholique. J'aurai bientôt peut-être une occasion décisive de donner un témoignage public du sentiment que m'a inspiré cette polémique si étrange aujourd'hui. Je la saisirai avec d'autant plus d'empressement que je viens d'apprendre ce soir la faveur éclatante dont le ministère s'occupe décidément de vous honorer, et dont je vous fais d'avance mon très sincère compliment.

Adieu, Monsieur, j'espère qu'en tout cas je ne serai pas longtemps sans avoir le plaisir de vous voir.

Votre dévoué,

Auguste COMTE.

Le cours aura lieu chez moi, no 13, rue du FauxbourgMontmartre.

Je regrette bien vivement que la petitesse du local ne me permette pas d'inviter aussi M. Gerbois; je me réserve de lui en faire moi-même agréer mes excuses.

La suscription porte :

Monsieur

Monsieur de Lamennais, rue des Postes, au coin de la

rue de l'Arbalète, fauxbourg Saint-Marcel.

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M. Gerbais, dont il est question dans la lettre d'Auguste Comte, n'est autre que M. l'abbé Gerbet, qui est mort évêque de Perpignan. M. l'abbé Gerbet était un des disciples les plus distingués de Lamennais et un de ceux qui ont le plus dignement contribué à la propagation des conceptions de Joseph de Maistre.

Quant à la faveur éclatante dont le ministère, d'après Auguste Comte, voulait honorer M. de Lamennais, il s'agit tout simplement du procès qui était intenté à M. de Lamennais à cause de ses opinions ultramontaines.

La lettre que j'ai publiée dans le numéro du 1er septembre 1880, de M. de Lamennais à Auguste Comte, qui est datée du 1er avril 1826, est évidemment la réponse à la lettre pré

cédente; nous la reproduisons intégralement ici afin d'avoir la série complète de la correspondance entre les deux philosophes.

L'adresse porte: «A monsieur Auguste Comte, rue du Faubourg-Montmartre, no 13, Paris ».

« Je suis aussi flatté que touché, Monsieur, de votre invitation; je l'accepterais avec empressement si je ne partais en ce moment même pour la campagne où je passerai une quinzaine de jours dont j'ai besoin pour préparer un petit écrit que nécessite le procès que le ministère m'a suscité. Vous pensez bien que, dans cet écrit, je ne m'occuperai pas de moi, mais des choses; les doctrines seules m'intéressent. Combien je me félicite, Monsieur, d'avoir fait votre connaissance et combien je me sens honoré de votre estime et de votre attachement. Ce sont les sentiments que j'éprouvais pour vous avant d'avoir l'honneur de vous connaître personnellement et qui ont depuis augmenté encore. Je saisirai le premier moment libre que j'aurai à mon retour de la campagne pour vous aller voir et pour resserrer de plus en plus, par une douce communication de pensées et d'affection, des liens qui me sont extrêmement chers.

« Votre dévoué,

« F. DE LAMENNAIS. »

Samedi, 1er avril.

Il résulte aussi de la lettre du 31 mars d'Auguste Comte à Lamennais que l'article du Mémorial catholique, dont j'ai reproduit des extraits dans mon article du 1er septembre 1880, est, comme je l'avais prévu, de M. de Lamennais luimême.

Des entrevues personnelles eurent lieu entre Auguste Comte et M. de Lamennais, j'en ai parlé, du reste, dans mon article du 1er septembre 1830, d'après des renseignements recueillis dans mes conversations personnelles avec le fondateur

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