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J'en veux faire l'essai moi-même.

LE SERRURIER

Eh! que m'importe !

Sortez donc par ici : passez par cette porte :
Marchez, venez à moi, sans appréhender rien.

(Harpagème se met dans le piège.)

Eh bien! n'êtes-vous pas pris comme un sot?
HARPAGÈME

Fort bien.

On ne peut l'être mieux. La peste ! quelle étreinte !
Otez-moi promptement; la posture est contrainte.

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Par cette invention tu forgeais mon supplice;
Et j'en ai fait le tien pour tirer d'embarras

La belle Hortense.

HARPAGÈME

Hortense! Ah! ne le croyez pas :

Songez qu'à m'épouser votre foi vous engage,
Ou bien que du démon vous serez le partage.

HORTENSE

Je l'étais sans ressource en vous donnant la main :

Mais je crois qu'avec lui l'oracle est moins certain.

HARPAGÈME

Ah! Marinette, à moi ! délivre-moi, dépêche !

MARINETTE.

Je n'oserais, monsieur; Timante m'en empêche.
TIMANTE, à Hortense

Vos parens et les miens vont combler notre espoir :

(A Harpagème.)

Allons, Hortense... Adieu, seigneur, jusqu'au revoir.

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SCÈNE XIII. HARPAGÈME, seul, dans le piège.

Arrête! arrête! arrête! Holà ! quelqu'un, holà!

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Dans mes propres panneaux j'ai donné : j'en enrage!
Soulagez-moi ; brisez ce trébuchet maudit.

.AGATHE

Eh bien ! mon fils, eh bien ! je vous l'avais bien dit :
De vos malins vouloirs voilà la digne issue;
Vous ne seriez pas là, si j'en eusse été crue.

HARPAGÈME

Cette moralité sied bien à ma douleur !...

Au meurtre, mes voisins! au secours! au voleur!

SCÈNE XV. – HARPAGÈME, AGATHE, UN EXEMPT, DES ARCHERS, LES GARÇONS SERRURIERS

Quel bruit ai-je entendu?

L'EXEMPT

HARPAGÈME

Monsieur l'exempt, de grâce,

Commandez de ces noeuds que l'on me débarrasse.
L'EXEMPT, à ses gens et aux serruriers

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Mon ordre est de venir m'assurer de vous-même.
Le sénat, qui connaît votre rigueur extrême,
Vous ordonne à l'instant que, sans égard à rien,
Vous lui rendiez raison d'Hortense et de son bien.
HARPAGÈME

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CHAPITRE X

LES DERNIÈRES ANNÉES DE LA FONTAINE

I. La Société du Temple. - II. Maladie du poète; sa conversion; ses poésies religieuses.

III. Le XIIe livre des

« Fables ». IV. Mort de La Fontaine.

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I

Parmi les protecteurs les plus illustres de La Fontaine, il faut citer, à côté de M. et de Mme de Bouillon, le duc Louis-Joseph de Vendôme et son frère Philippe, celui qui devint grand prieur de France. La mère de MM. de Vendôme, tout comme Mme de Bouillon, était une Mazarin; elle s'appelait Laure; elle était douce, fidèle et enjouée; « ce fut celle que le duc de Mercœur, petit-fils de Henri IV et de Gabrielle, alla, en pleine Fronde, épouser à Bruhl, où le cardinal proscrit s'était réfugié (1) ».

Une ascendance aussi mêlée et, du côté des femmes, si exceptionnelle ne fut pas sans influer sur les dispositions de MM. de Vendôme. L'on rencontra rarement natures composées, plus que les leurs, de défauts et de qualités. Les talents militaires du futur vainqueur de Villaviciosa non moins que ceux de son frère, le grand prieur, n'étaient point les seuls qui les fissent placer au-dessus du vulgaire; la culture des arts et des lettres semblait les prédisposer encore à quelque chose de plus; mais le cynisme de l'esprit,

(1) P. DE SAINT-VICTOR, Anciens et modernes : les Nièces de Mazarin.

la dissolution des mœurs, en altérant des dons si élevés, empêchèrent toujours que le caractère fût, chez MM. de Vendôme, l'égal de l'intelligence.

Une société tout épicurienne, à laquelle le vieux La Fontaine et le jeune Jean-Baptiste Rousseau appartinrent tour à tour, avait accoutumé de se réunir au Temple, chez le grand prieur. C'était là, durant que le duc se battait sur le Rhin, qu'avaient lieu ces bruyants soupers où, suivant le marquis de la Fare, l'on pouvait voir

... le vermeil Chaulieu,

Au défaut d'Homère et d'Orphée
Chanter à la table du dieu...

Jamais on ne connut abbé plus singulier que ce Chaulieu, prieur de Saint-Georges et seigneur de Fontenay, poète plaisant et badin, esprit anacréontique mais dont les vers, comme Rabelais l'a écrit d'Ennius, sentaient plus le vin que l'huile. Homme de confiance de MM. de Vendôme l'abbé administrait, mais sans beaucoup d'ordre, les biens déjà fort entamés des deux frères; c'est lui qui payait les libéralités que le duc et le prieur accordaient à leurs com

mensaux.

Dans l'une des épîtres qu'il écrivit, en 1691, nous voyons que La Fontaine faisait part au lieutenant général (M. de Vendôme) de la pénurie d'argent à laquelle il était réduit. « Chacun sait que vous méprisez l'or, dit-il à son héros; j'en fais grand cas. >> Aussi, ne manque-t-il point d'ajouter :

Si je savais quelque bonne oraison

Pour en avoir, tant que la paix se fasse,
Je la dirais de la meilleure grâce...

Il se console en songeant que, « si vers Noël l'abbé lui tient parole », il sera roi; c'est-à-dire que si Chaulieu lui paie sa pension, il sera riche. Entre temps, et dans une autre Épître à S. A. S. Ma le duc de Vendôme (1689), il décrit l'un des fameux soupers de ce Temple où, de l'aveu de ce même

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