Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles, Après bien du travail, le coche arrive au haut. Ainsi certaines gens, faisant les empressés FABLE X. La Laitière et le Pot au Lait. Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait Prétendait arriver sans encombre à la ville. Tout le prix de son lait ; en employait l'argent; D'élever des poulets autour de ma maison ; S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvée. (1) M. Frédéric Henriet (Les Campagnes d'un paysagiste) écrit que c'est à Mery, près de la Ferté-sous-Jouarre, que La Fontaine trouva l'inspiration de la présente fable. Il nous est arrivé d'avoir eu, de notre côté, la mème intuition que M. Henriet. (Voir Portraits français, 2o série, le Voyage de La Fontaine, 1906.) La dame de ces biens, quittant d'un œil marri Va s'excuser à son mari, En grand danger d'être battue. On l'appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne? Qui ne fait châteaux en Espagne? Picrochole (1), Pyrrhus, la laitière, enfin tous, Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux : Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ; On m'élit roi, mon peuple m'aime; FABLE XI. Le Curé et le Mort. Un mort s'en allait tristement Et vêtu d'une robe, hélas! qu'on nomme bière, Robe d'hiver, robe d'été, (1) Au nombre des auteurs qui ont traité ce sujet de la Laitière (dans le Gargantua de Rabelais, chap. xxxш il s'agit d'un cordonnier) il faut citer, au premier rang, l'auteur des Nouvelles récréations et joyeux devis : Bonaventure Des Périers. Parmi tous les projets en Espagne que la bonne «< fame de Des Périers ne manque pas de faire, il y a celui de l'achat de la jument « qui porteroit un beau poulain, lequel croistroit et deviendroit tant gentil : il saulteroit et feroit hin. Et, en disant, la bonne fame, de l'aise qu'elle avoit en son compte, se print à faire la ruade que feroit son poulin, et, en se faisant, sa portée de laict va tomber et se respandit toute. Et voilà ses œufs, ses poussins, ses chapons, ses cochons, sa jument, son poulain, tous par terre... » Que les morts ne dépouillent guère. Et récitait, à l'ordinaire, Et des versets et des répons : Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort, Un heurt survient : adieu le char, Qui du choc de son mort a la tête cassée : Tous deux s'en vont de compagnie. Est le curé Chouart qui sur son mort comptait, (1) Mme de Sévigné (lettre du 26 février 1672) a rapporté l'origine de cette fable. « M. de Boufflers, écrit-elle, a tué un homme après sa mort. Il était dans sa bière et en carrosse; on le menait à une lieue de Boufflers pour l'enterrer; son curé était avec le corps. On verse; la bière coupe le cou au pauvre curé. » Mme de Sévigné revient la-dessus quelques jours après : « Voilà, dit-elle, une petite fable de La Fontaine qu'il a faite sur l'aventure du curé de M. de Boufflers. Cette aventure est bizarre; la fable est jolie... >> 1 LIVRE HUITIEME FABLE II. Le Savetier et le Financier. Un savetier chantait du matin jusqu'au soir : Merveille de l'ouïr; il faisait des passages, Plus content qu'aucun des sept sages. Si sur le point du jour parfois il sommeillait, Que les soins de la Providence N'eussent pas au marché fait vendre le dormir, En son hôtel il fit venir Le chanteur, et lui dit : « Or çà, sire Grégoire (1), Le gaillard savetier, ce n'est point ma manière Chaque jour amène son pain. Eh bien! que gagnez-vous, dites-moi, par journée? (1) Le ballet des Rieurs du Beau-Richard, non moins que le conte du Savetier (Contes, liv. 1er), nous donnèrent toute la mesure de la malice du savetier de La Fontaine. C'est encore Bonaventure Des Périers qui peignit, sous les traits du savetier Blondeau, l'un des ancêtres du bonhomme Grégoire. L'une fait tort à l'autre ; et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône. » Lui dit : « Je veux vous mettre aujourd'hui sur le trône. Le savetier crut voir tout l'argent que la terre Il retourne chez lui : dans sa cave il enserre- Plus de chant: il perdit la voix Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines. Il eût pour hôtes les soucis, Les soupçons, les alarmes vaines. Tout le jour il avait l'œil au guet ; et la nuit, Le chat prenait l'argent. A la fin le pauvre homme FABLE XIII. Tircis et Amarante. POUR MADEMOISELLE DE SILLERY (1) J'avais Ésope quitté, Pour être tout à Boccace (2), Mais une divinité Veut revoir sur le Parnasse Des fables de ma façon. Or, d'aller lui dire « Non »>, Sans quelque valable excuse, (1) Fille du marquis de Sillery et nièce de l'auteur des Maximes, Mlle de Sillery épousa, par la suite, M. de Thibergeau. La dédicace que La Fontaine Jui a faite de cette table n'est que l'une des marques de l'attachement du fabuliste à M. de La Rochefoucauld et à sa famille. Voltaire admirait beaucoup le sujet de Tircis et Amarante. (2) C'est-à-dire qu'il avait, un moment, laissé les Fables pour se remettre à ses Contes. |