dans les jolis détours. Ce n'est pas que la piété le laissât indifférent; lorsque cette piété s'accordait à sa nonchalance, il y prenait, au contraire, un plaisir réel. Louis Racine nous assure de son père qu'il emmenait parfois La Fontaine aux offices; c'est même Racine qui fit lire Baruch au fabuliste et c'est à l'auteur de Phèdre que notre Bonhomme dut de connaître les Petits Prophètes. Maucroix, le jésuite Commire, l'abbé Le Camus, Huet, évêque d'Avranches et plusieurs autres parmi les amis les meilleurs du poète étaient dans les ordres; le Bonhomme ne faisait pas de différence entre eux et les autres; même quand l'abbé duc d'Albret, frère de M. de Bouillon, reçut la pourpre et fut fait cardinal, il en fut fort content et rima là-dessus quelques vers: Je n'ai pas attendu pour vous ur moindre prix ; C'est à ce même cardinal de Bouillon, devenu grand aumônier de France, que La Fontaine, quelques années après, en 1673, dédia son poème de la Captivité de SaintMalc. L'autorité de M. Mrs de Port-Royal qui devait s'exercer avec tant de force, plus tard, sur l'esprit de Jean Racine, influa, cette fois-là encore, sur celui de notre poète. On assure que c'est sur les instances des solitaires que le fabuliste entreprit de composer, sur un passage de SaintJérôme traduit par Arnauld d'Andilly, cet ouvrage chaste et long, sans beaucoup de flamme et que Sainte-Beuve appelle finement un pensum. La Fontaine n'avait-il pas dit lui-même autrefois, à la fin d'une de ses épîtres à M. Fouquet, à propos de ces motifs qui étaient peu de son genre: On me voit peu sur tels sujets écrire. Cela était si vrai, que, quelque effort qu'il fit pour s'en éloigner, les écrits dans le sentiment de ceux de l'Arioste et de Boccace avaient de quoi le retenir beaucoup plus encore que Baruch. On le vit bien quand, en 1671, l'année même de sa participation aux Poésies chrestiennes, il donna au public son troisième livre des Contes. La Fontaine, à ce moment-là, n'était pas loin d'avoir cinquante ans; l'âge n'avait point assagi son caractère. Moitié figue et moitié raisin, il continuait d'aller toujours sans opter dans un sens ni dans l'autre, de l'édifiant Saint-Malc au moins édifiant frère Philippe; mieux même, il ne laissait pas tout le premier de déplorer cette versatilité de sa nature; mais il ne faisait rien pour en diminuer les effets. Sire, Acante est un homme inégal à tel point, Tantôt gai, tantôt triste... C'est ainsi que notre Bonhomme parle de lui-même dans Clymène; mais le rire autant que chez maître François - lui était beaucoup plus coutumier que les larmes; on le vit bien dans les Oies de frère Philippe, ce conte que Mme de Sévigné aimait tant et qu'elle engageait si fort Mme de Grignan à connaître. LES OIES DE FRÈRE PHILIPPE NOUVELLE TIRÉE DE BOCCACE Je dois trop au beau sexe, il me fait trop d'honneur Pourquoi non? c'est assez qu'il condamne en son cœur Ne peut-il pas, sans qu'il le dise, S'ils sont vrais, il les désapprouve. Je craindrais bien plutôt que la cajolerie Chassez les soupirans, belles, souffrez mon livre; S'il croit que les faveurs sont chez vous familières, Soient ni phénix ni corbeaux blancs; Aussi ne sont-ce fourmilières; Ce que mon livre en dit doit passer pour chansons. Rien. Je m'aviserais sur le tard d'être cause Que la moindre de vous commît le moindre mal! Méchans vers et phrases méchantes : Je n'y vois rien de périlleux. Les mères, les maris, me prendront aux cheveux Voyez un peu la belle affaire ! Ce que je n'ai pas fait, mon livre irait le faire! Mais je voudrais m'être acquitté De cette grâce par avance. Que puis-je faire en récompense? Un conte où l'on va voir vos appas triompher : Vous auriez surpassé le printemps et l'aurore Aussi, dès qu'il les vit, il en sentit les coups, Vous surpassâtes tout il n'eut d'yeux que pour vous; Que n'en auraient, à beaucoup près, On l'avait dès l'enfance élevé dans un bois. Consistait aux oiseaux; leur aimable harmonie Tout son plaisir était cet innocent ramage; Son père l'amena dès ses plus tendres ans. Il ne s'en figura, pendant un fort long temps, De cette forêt, c'est-à-dire Que des loups, des oiseaux, enfin ce qui respire L'autre la crainte; et, depuis qu'à ses yeux Las d'y gémir et de s'y plaindre, Sa moitié le lui fit par son trépas haïr, Il voulut être ermite, et destina son fils Ses biens aux pauvres départis, Il s'en va seul, sans compagnie Que celle de ce fils, qu'il portait dans ses bras : Cent choses à l'enfant, ne lui dit près ni loin Qu'il fût au monde aucune femme, Au progrès de ses ans réglant en ce séjour A cinq, il lui nomma des fleurs, des animaux, Et, parmi ce discours, aux enfans agréable, Lui dit qu'il était fait d'une étrange façon. Et de la femme point parlé. Tout autant que l'on put, l'auteur de la nature, Ce propos n'est alors déjà plus de saison Pour ceux qu'au monde on veut soustraire; Le vieillard, tout cassé, ne pouvait plus qu'à peine Les loups n'étaient pas gens qui donnassent l'aumône. C'était un étrange partage. Le père à tout cela songeait sur ses vieux ans. Qui ne lui donnassent la miche. S'il eût voulu. Tous les petits enfans Avait force dévots, de dévotes pas une. Car il n'en voulait point avoir. |