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par une réforme plus heureuse et plus durable. La gloire en étoit réservée à Malherbe.

ART DRAMATIQUE.

La réforme de Ronsard avoit envahi toute la poésie de son temps, et, à défaut même des intérêts de la politique et de l'église, elle eût suffi pour faire tomber le drame antérieur au 16me siècle. La transition fut singulièrement brusque ; à des pièces tout-à-fait chrétiennes pour le fond, et françoises pour la forme, succédèrent d'un scul bond, des drames entièrement païens et antiques pour la forme comme pour le fond. Les représentations des pièces grecques et latines traduites presque vers pour vers et mot pour mot étoient déjà habituelles dans les universités de France comme dans celles d'Allemagne, d'Italie et d'Angleterre. Protégées par Henri II, elles passèrent de là sur la scène; et bientôt la traduction littérale ne fut plus qu'une imitation libre. A part l'extrême ridicule du style, les pièces de ce temps sont de vraies tragédies grecques. Une action extrêmement simple, des actes fort courts, des personnages peu nombreux, des chœurs quelquefois brillants, une intention de gravité qui va jusqu'à l'emphase; tels sont leurs traits. distinctifs.

La première tragédie originale en ce genre est la Cleopátre de Jodelle, qui fut bientôt suivie de sa Didon; Jean de la Péruse, Scévole de Ste-Marthe, Charles Toutain qui imagina des vers de seize pieds, Jean Grevin, Jean et Jacques de la Taille, Rouillet, Filleul, Gabriel Bounin qui introduisit les Turcs sur le théâtre, Desmasures et beaucoup d'autres marchèrent sur ses traces; le plus iflustre de tous fut Garnier. Celui-ci renchérit encore sur Jodelle. Il crut avoir trouvé le perfectionnement du noble dans le guindé, celui du simple dans le sec; au lieu de Sophocle et d'Euripide, il prit pour modèle Sénèque et la tragédie romaine, plate exagération de la tragédie grecque. Cependant il ne manque souvent ni d'élévation dans la pensée, ni d'élégance dans le style. Sa Porcie et sa Phèdre offrent quelques exemples de ce double mérite : il eut du moins le bon sens de se renfermer presque toujours dans des sujets anciens.

Ses imitateurs Chanteloup, Behourd, Bil

lard, Antoine de Montchrétien, etc., s'égarérent plus que lui en appliquant à des événements modernes les formes qu'il avoit adoptées. Coligny, Guise et Marie Stuart furent immolés au milieu de chœurs antiques, composés de jeunes garçons et de jeunes filles. Au reste, la plupart des pièces de cette époque, si insignifiantes sous le rapport de l'art, méritent l'attention comme monuments historiques; on peut étudier sous ce point de vue la Justification du pécheur par la foi, d'Henri de Baran, la Tragédie de feu Gaspard de Coligny, par Chanteloup, et, dans un sens opposé, le Triomphe de la Ligue, et la Guisiade, de Pierre Matthieu, le Chilpéric II, de Louis Léger, etc. Il étoit impossible, en effet, qu'avec la Saint-Barthélemy la Ligue, l'exécrable Charles IX et l'infâme Henri III, à travers les désordres et les assassinats de la guerre civile, tandis que le fanatisme et l'étranger hurloient de toutes parts, la politique n'envahit pas aussi le théâtre; au milieu de ces commotions si présentes et si vives, Grecs, Romains, regles classiques, mœurs des cours, politesse moderne, tout fut oublié. Les intérets religieux et civils, qui saisissoient tous les esprits, s'emparèrent du drame, comme de toute la littérature. Le règne de Henri IV rétablit l'ordre et la paix dans l'état, mais il n'eut presque aucun effet sur la scène; l'anarchie resta la même. Tout d'ailleurs y contribuoit. Les rapports politiques de la France avec les Espagnols lui avoient fait connoitre leur langue et leur littérature. Ces productions exotiques s'allièrent avec les anciens mystères et les tragédies classiques, et tout se confondit dans un mème chaos. Les critiques nous montrent dans ce temps des mystères à l'ancienne mode, des tragédies à la mode nouvelle, des tragédies morales allégoriques, avec ou sans chœurs, des purnées en tragédies, des pastorales et bergeries, comiques ou historiques, des tragicomédies à l'espagnole, etc., etc.

Edouard du Monnin donna une pièce politico-allégorique, intitulée la Peste de la peste ou le jugement divin; un autre donna la Comédie Francoise de l'Enfer poétique; Philippe Bosquet, de Mons, it représenter le Petit rasoir des ornements mondains; Jean de Viret donna les Machabées; Jean Gaucher de Troyes, l'Amour divin.

Il est hors de doute que si au milieu de ce

b

bouleversement général, ou plutôt de ce
syncrétisme qui avoit également accueilli
tous les systèmes, qui, en adoptant les an-
ciennes compositions religieuses de la France,
ne rejetoit ni les Grecs, ni les Latins, ni les
Italiens, ni les Espagnols, et qui n'étoit en-
chaîné par aucune règle arbitraire, il s'étoit
élevé un de ces génies créateurs qui savent
dominer leur siècle, deviner ses besoins, les
satisfaire, et en même temps lui imprimer
la direction de leurs pensées, les destinées de
la scène françoise étoient fixées peut-être
pour un long espace de temps, et peut-être
aussi eût-elle pris un essor encore plus élevé
qu'elle ne le fit dans la suite. Malheureuse-
ment il lui manqua un homme. Corneille
vint trop tard; et Hardi, qui parut vers la
fin du 16 siècle, n'étoit pas le génie que
demandoit son époque. Il fut cependant l'é-
crivain le plus fécond, le plus populaire,
le
plus universel que produisit ce système, et
il peut en être considéré comme le type.

Cet homme, d'une veine si prodigieuse-
ment abondante, comme dit Scudéri, a com-
posé plus de huit cents pièces; il écrivoit
quelquefois deux mille vers en vingt-quatre
heures. L'impression n'a conservé que qua-
rante-et-un de ses drames. Parmi eux se trou-
vent des tragédies antiques, comme Didon,
Méléagre, la mort de Darius, Coriolan, Ma-
riane, Panthée, etc. Au milieu d'inconve-
nances et d'incorrections sans nombre, elles
présentent une verve de style assez franche,
et presque toujours l'observation des règles
classiques. Les pièces dont le sujet est mo-
derne sont, au contraire, pour la plupart,
des imbroglios espagnols, où toutes les li-
conces imaginables sont admises sans diffi-
culté. Le style de Hardi, quelquefois assez
animé, mais le plus souvent prosaïque, n'a
jamais l'harmonie, l'éclat, et la poésie de
celui de Garnier.

La comédie, qui ne s'attachoit qu'à imiter
une nature plus connue et plus positive,
resta, du moins dans le temps du système de
Ronsard, à l'abri des aberrations où s'égara
le genre sérieux : elle imita les défauts comme
les qualités des comédies italiennes de Poggio,
de Machiavel, de Bibbiéna. « Un vers de
huit syllabes, coulant et rapide, dit Sainte-
Beuve, un dialogue vif et facile, des mots
plaisants, des malices parfois heureuses con-
tre les moines, les maris et les femmes, y ra-
chètent l'immoralité des sujets, l'uniformité

des plans, la confusion des scènes, la trivia-
lité des personnages. »

Les comédies les plus fameuses de ce temps
furent l'Eugène de Jodelle, les Esbahis et
la Trésorière de Grevin, le Brave ou Taille-
Bras de Baïf, les Négromants et les Correvaux
de J. de La Taille, et surtout les pièces de
Larivey, Champenois, le seul de nos anciens
comiques qui, avec l'auteur de Patelin, se
rapproche de Molière; ses pièces sont écrites
en prose, comme celles de Jean de La Taille.
Sa comédie des Esprits, dont M. Suard a fait
le plus brillant éloge, est plein de traits heu-
reux, et d'une grande naïveté de passion,
On cite aussi, à la même époque, les Napo-
litains de François d'Amboise, les Contents
d'Odet Turnébe, le Muet insensé de Pierre
le Loyer. Ce dernier, dans sa Nephelococugie
a heureusement imité la charmante comédie
des Oiseaux d'Aristophane.

PROSE, ROMANS, MÉMOIRES, OUVRAGES
DIDACTIQUES.

er-

La réforme littéraire, qui avoit si rapide-
ment mais si complètement modifié la poésie
du 16° siècle, n'eut aucune influence sur la
prose, car cette réforme étoit l'œuvre des
savants; et la prose, comme nous l'avons
dit, s'étoit tenue jusque-là presqu'en dehors
de la science, elle étoit restée l'expression
de la pensée et des sentiments populaires.
Aussi, en se dérobant aux innovations des
lettrés, elle obéit tout entière au mouvement
religieux et politique qui agitoit toutes les
classes des citoyens. Le génie observateur des
Francois avoit été frappé, aussitôt que le
reste de l'Europe et même avant elle, des
reurs multipliées de l'église et de l'état; mais,
fidèles à l'esprit de leurs ancêtres, ils n'em-
ployèrent long-temps que les traits de la
plaisanterie et l'arme du ridicule contre les
abus que l'Angleterre et l'Allemagne atta-
quoient d'une manière tout autrement sé-
rieuse et décisive. Ainsi la prose se renferma
d'abord dans une satire joviale, licencieuse,
mais presque inoffensive, contre les moines
et les maris. Les Italiens avoient donné le mo-
dèle de ces gaillardises pleines d'une immo-
ralité naïve, auxquelles les contes des trou-
vères, l'Histoire de Gérard de Nevers, celle
du petit Jehan de Saintré, sous Charles VI, et
les cent Nouvelles composées par des sei-
gneurs de la cour de Bourgogne, avoient

aussi habitué les François avant le 16° siècle. A l'imitation du Décameron de Boccace, la reine Marguerite de Navarre écrivit l' Heptameron, beaucoup plus libre dans les pensées comme dans le style que l'auteur italien, mais fidèle miroir du siècle corrompu où elle vivoit. Une preuve de la vogue qu'obtenoient alors ces sortes d'ouvrages, c'est que la reine-mère et madame de Savoie avoient aussi tenté de composer des nouvelles dans le même genre. Qu'on ne s'étonne point de trouver icile nom de trois princesses royales. Ce siècle fut encore plus fertile que les précédents en romanciers ou poètes couronnés. Tout le monde connoît les quatrains légers et gracieux de François Ier; Henri II égaloit son père en ce genre; et tous deux furent surpassés par Charles IX, dont les vers à Ronsard sont peut-être les plus fermement et les plus purement écrits de l'époque. Marie Stuart, femme de François II, avoit reçu des leçons de poésie du chevalier Chatelart, poète lui-même, et qui fut victime de sa passion pour elle. Les Adieux de Marie à la France respirent une touchante mélancolie. Enfin les vers, les lettres et les courtes harangues de Henri IV prouvent que, comme écrivain, il ne fut pas indigne de ses prédécesseurs.

Pour revenir à nos conteurs, Bonaventure Desperriers, secrétaire de la reine de Naverre, l'imita dans ses Joyeux Contes et Devis; et bientôt son fameux Cymbalum mundi, qui lui attira tant de persécutions, fut comme le signal d'un genre de satire plus directe.

En effet, le mouvement général donné aux esprits par la réformation ne permettoit plus de se renfermer dans une plaisanterie vague et presque innocente. Les disputes religieuses, unies au classicisme, produisirent en Italie, en Hollande, en Allemagne, une foule d'ouvrages satirico-philosophiques, écrits dans les langues de l'antiquité; l'ironie du style macaronique prit naissance; Erasme fit l'Eloge de la Folie, d'autres celui de la Goutte, de la Paresse, etc. Reuchlin écrivit les Litteræ obscurorum virorum. De ce mélange universel de raison, de science et de comique sortit enfin Rabelais.

Rabelais, curé de Meudon, fit paraître, vers le milieu du 16° siècle, le fameux roman de Gargantua, qui fut bientôt suivi de Pantagruel, mélange inoui de rire inextinguible, de bon sens supérieur au siècle, d'obscénités repoussantes, de vigoureuse

éloquence, d'inintelligible folie, saturnales d'une épopée en délire qui comprend tout et se gausse de tout, qui suppose une étude approfondie des anciens et des modernes, et qui ne peut être comparée à rien ni chez les modernes ni chez les anciens. Ce livre, qui eut un si grand renom, qui lança les traits les plus acérés contre toute la société religieuse et politique de l'époque, dont tous les caractères sembloient des allusions dirigées contre les chefs de l'Eglise et de l'État, ne nuisit point cependant à son auteur qui mourut tranquillement en 1552.

Rabelais eut des imitateurs. Guillaume des Autels composa la Mithistoire baragouinę de Fanfreluche et Gaudichon; Beroald de Verville écrivit un salmigondis indécent, mais semé d'anecdotes pleines de verve et d'esprit. Les livres publiés, dans les années suivantes, sous le nom de Tabarin et de Bruscambille, ceux de Noël Dufail et d'Etienne Tabourot, seigneurs des Accords, appartiennent au même genre. Les Sérées de Guillaume Bouchet, de Poitiers, contiennent des détails curieux sur les mœurs du temps; et l'on trouve tout le sel de la satire, sans le cynisme qui la souille, dans l'Apologie pour Hérodote, d'Henri Estienne, dans les écrits en prose d'Agrippa d'Aubigné, et surtout dans cette excellente Satire Ménippée, dont les auteurs, et entre autres Le Roy, Rapin, Gillot, Pithou, rendirent autant de services à Henri IV que les officiers qui lui gagnèrent des batailles. Jean Louveau, Gabriël Chapuis, Belleforest, quoique postérieurs à Rabelais, appartiennent plutôt au genre qu'avoit mis en vogue la reine de Navare. Leurs contes ne sont guère que des traductions ou des imitations de l'italien et de l'espagnol.

Ce besoin du conte sérieux ou comique fut peut-être la cause de la foiblesse de l'histoire, qui ne produisit guère pendant ce temps que des biographies et des mémoires anecdotiques. Nous ne parlons point du président De Thou, dont l'ouvrage, d'ailleurs si remarquable, est écrit en latin. Une des meilleures biographies du 16° siècle est l'Histoire du chevalier Bayard, dont l'auteur anonyme se rapproche souvent de la charmante naïveté de Joinville. Brantôme décrit les mœurs des cours dépravées de Charles IX et de Henri III, et transporte dans son style l'obscénité des actions qu'il dépeint. Les

RÉSUMÉ DE L'HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇOISE.

mémoires les plus instructifs et les plus intéressants de cette époque sont ceux de la princesse de Condé et de Sully; mais on n'y retrouve déjà plus la naïveté des anciens chroniqueurs. Le Journal de l'Etoile est curieux sous le rapport historique. N'oublions point, parmi les écrivains sérieux de cet âge, Etienne Pasquier. Ses Recherches sur la France et son fameux plaidoyer contre les jésuites lui acquirent une juste réputation.

Mais les deux prosateurs de ce temps qui ont partagé avec Rabelais la gloire de survivre à leur siècle, et dont la renommée n'a fait que grandir à travers tous les changements survenus dans la langue et le goût de leurs concitoyens, ce sont Amyot et Montaigne. Malgré les fréquents essais tentés depuis Amyot sur les auteurs anciens qu'il a traduits, malgré les nombreux contre-sens qu'une connoissance plus approfondie de la langue grecque a découverts dans ses livres, ses vieilles translations de Plutarque et du Daphnis et Cloé de Longus, sont les seules que l'on relise toujours avec un nouveau plaisir, car lui seul sut être original en traduisant. Quant à Montaigne, il fut un génie à part dans son siècle. Il ne lui doit rien,

« ou plutôt, dit M. Villemain, malgré son siècle, par la seule force de sa pensée, il se plaça de lui-même à côté des écrivains les plus parfaits, nés dans les siècles les plus polis. Penseur profond sous le règne du pédantisme, auteur brillant et ingénieux dans une langue informe et grossière, il écrit avec le secours de sa raison et des anciens; son ouvrage reste et fait seul toute la gloire littéraire d'une nation; et lorsque, après de longues années, sous les auspices de quelques génies sublimes qui s'élancent à la fois, arrive enfin l'âge du bon goût et du talent, cet ouvrage, long-temps unique, demeure toujours original; et la France, enrichie tout à coup de tant de brillantes merveilles, ne sent pas refroidir son admiration pour ces antiques et naïves beautés. » Le livre des Essais n'eut ni modèle ni imitateurs. Étienne de La Boétie que Montaigne honora de son amitié, et dont il publia le Traité de la servitude volontaire, Charron qui se rapprocha de ses principes dans son Livre de la Sagesse, Mile de Gournay, sa nièce, qui défendit sa mémoire, Bodin, dont la République est d'ailleurs le meilleur écrit politique du siècle, ne peuvent cependant lui être comparés.

DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Nous venons de traverser une époque critique, féconde en bouleversements et en créations, agitée par la conscience d'un mieux possible, et qui lui échappe encore, parce que, dans son impatience d'atteindre le but, elle s'engage aveuglément dans des routes qui l'égarent. Cependant il a été facile, au milieu de cette anarchie générale, de reconnoître l'effet des influences indiquées dès le principe, et surtout de voir dominer toujours ce bon sens françois dont Montaigne est jusqu'ici le plus parfait représentant. L'influence italienne et l'espagnole se sont ajoutées encore à celles qui les avoient précédées, et toutes enfin en ont subi une nouvelle qu'on peut appeler monarchique. Le découragement que jetèrent dans les esprits des guerres civiles accompagnées des plus horribles fléaux et où l'autorité royale finit toujours par triompher, les vertus publiques et privées de Henri IV, la politique intérieure et extérieure de Richelieu, enfin cette auréole de gloire à la fois solide et prestigieuse dont s'environna Louis XIV, tout contribua à étendre cette influence où toutes les autres vinrent se perdre. Elle sut modifier et coordonner tous les éléments divers, les rattacher par un lien commun, les diriger à un mème but, et d'elle naquit enfin cel7e siècle, merveille de notre civilisation littéraire, objet d'admiration et d'imitation pour l'Europe, prodigieux ensemble où l'unité et la noblesse du monarchisme, la gravité et la purelé du christianisme, la politesse et l'élégance de la sociabilité françoise, la délicasesse et l'éclat de la galanterie chevaleresque se fondent et s'harmonisent dans une savante imitation de l'antiquité. Il n'est aucune partie de ce magnifique tableau qui ne mérite d'être étudiée.

POÉSIE DIDACTIQUE, LYRIQUE,

SATIRIQUE, FUGITIVE, ETC.

que

La sagesse de pensées, l'unité et la gravité de ton, l'harmonieuse élégance de style, la régularité portée à l'excès et préférant la froideur mème à la licence, qui devoient être les caracteres distinctifs du 17e siècle, naquirent avec lui. Ce fut, en effet, en l'an 1600 que Malherbe fit paroitre ses premiers ouvrages. Tout en déclarant à Ronsard une guerre à mort, son but sembloit être de poursuivre la réforme qu'avoit tentée ce poète, c'est-à-dire, de donner à la langue la vraie dignité qui lui manquoit encore, mais de la poursuivre par une autre route. Au lieu d'emprunter, comme Ronsard, au grec et au latin les formes nouvelles clamoit le françois, ce fut du fond même de la langue qu'il prétendit, à force de correction et de travail, tirer toutes ses richesses; en même temps, il voulut contenir dans des bornes rigoureuses et la pensée et l'expression. Il suffit à Malherbe d'un bien petit nombre devers pour réussir dans cette grande entreprise, mais son infatigable patience imprima à chacun d'eux toute la perfection qu'il étoit capable de leur donner. Sa réforme fut à la fois un acte de bon sens et d'art, et la langue surtout lui eut les plus grandes obligations; malheureusement il exagéra lui-même ses principes: sa régularité tourna souvent en rigorisme austère, rien n'adoucit la pesanteur des chaines qu'il imposa à ceux qui lui succédèrent. Comme poète, il enseigna le premier la science de l'enchainement correct des idées, de la majesté et de l'harmonie de la versification. Dans quelques-unes même de ses odes, surtout dans celle à Louis XIII, au moment de

et

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