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Ces idées sont

la source de tou

sances.

Voilà où toutes les vérités ont leur source. Si l'erreur survient, ce n'est qu'autant que nous jugeons que telle grandeur et telle figure appartiennent en effet à tel corps. Si par exemple je vois de loin un bâtiment carré, il me paraitra rond. Y a-t-il donc de l'obscurité et de la confusion dans l'idée de rondeur ou dans le rapport que j'en fais? Non; je juge ce bâtiment rond, voilà l'erreur.

Quand je dis donc que toutes nos connaistes nos connaissances viennent des sens, il ne faut pas oublier que ce n'est qu'autant qu'on les tire de ces idées claires et distinctes qu'ils renferment. Il est évident que j'ai l'idée d'un triangle, lors même que je ne puis pas assurer qu'un corps que je vois et que je touche est en effet triangulaire. Ainsi, pour dissiper l'obscurité et l'incertitude des idées sensibles, nous n'avons qu'à les considérer en faisant abstraction des corps: alors nous trouverons dans nos sensations des idées exactes de grandeur, de figure, leurs rapports et toutes les connaissances des mathématiques. D'autres abstractions nous feront découvrir dans nos sensations les idées de devoir, de vertu, de vice, et toute la science de la morale, etc.

Deux sortes

de vérités.

La vérité n'est qu'un rapport aperçu entre deux idées, et il y a deux sortes de vérités. Quand je dis, cet arbre est plus grand que cet autre, je porte un jugement qui peut cesser d'ètre vrai, parce

que le plus petit peut devenir le plus grand. Il en est de même de tous nos jugemens lorsque nous nous bornons à observer des qualités qui ne sont pas essentielles aux choses. Ces sortes de vérités se nomment contingentes.

Mais ce qui est vrai ne peut cesser de l'être lorsque nous raisonnons sur des qualités essentielles aux objets que nous étudions. L'idée d'un triangle représentera éternellement un triangle; l'idée de deux angles droits représentera éternellement deux angles droits: il sera donc toujours vrai que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits. Voilà tout le mystère des vérités, qu'on appelle nécessaires et éternelles. C'est par le moyen de quelques abstractions que les sens nous en donnent la connaissance.

Observations sur les idées con

Il y a des différences à remarquer entre les idées confuses et les idées distinctes, entre les fuses et sur les vérités contingentes et les vérités nécessaires.

idées distinctes, sur les vérités contingentes et sur les vérités

Premièrement, les idées confuses et les vérités nécessaires. contingentes sont plus sensibles; et cela n'est pas étonnant, puisqu'elles sont telles que les sens nous les donnent lorsque nous ne faisons point d'abstraction. Les idées distinctes et les vérités nécessaires sont moins sensibles, parce que nous ne les acquérons qu'en formant des abstractions, c'est-à-dire en ne donnant notre attention qu'à une partie des idées que les sens

transmettent.

En second lieu, les idées distinctes et les véri{tés nécessaires nous sont bien moins familières que les idées confuses et les vérités contingentes: la raison en est sensible. Celles-ci sont continuellement renouvelées par les sens elles nous frappent par plus d'endroits; et comme elles sont destinées à nous éclairer sur nos besoins les plus pressans, elles offrent communément des degrés plus vifs de plaisir ou de peine, elles intéressent davantage. Mais celles-là ne sont entretenues que par les efforts qu'on fait pour se soustraire à une partie des impressions des sens; elles nous touchent par moins d'endroits. La curiosité, l'envie de se distinguer par des connaissances, motifs qui soutiennent dans ces recherches, sont des besoins que peu d'hommes connaissent. Ceux mêmes qui les sentent davantage sont encore plus sensibles à d'autres besoins, et ils se voient souvent arrachés à leurs méditations par l'empire que les sens exercent sur eux.

Il faut donc s'accoutumer de bonne heure avec ces sortes d'idées si l'on veut se les rendre familières, et il faut s'en occuper souvent.

En troisième lieu, les idées confuses et les vérités contingentes, quoique suffisantes pour nous éclairer sur ce que nous devons fuir et rechercher, ne répandent qu'une lumière bien faible. Elles n'offrent que des rapports vagues, elles n'apprécient rien. Mais l'objet de notre conservation ne

demandent pas des connaissances plus exactes:
nous sentons, c'est assez pour nous conduire.
Les idées distinctes et les vérités nécessaires nous
présentent au contraire des connaissances exactes
et des rapports appréciés. Elles dévoilent l'essence
des choses qu'elles considèrent, elles en déve-
loppent les propriétés. C'est ce qu'on voit en ma-
thématiques, en morale et en métaphysique. Mais
l'objet de ces sciences est abstrait.

Nous n'avons aucun moyen pour pénétrer dans la nature des substances. Nous ne le pouvons pas avec le secours des sens, puisqu'ils ne nous font voir que des amas de qualités qui supposent toutes quelque chose que nous ne connaissons pas : nous ne le pouvons pas avec le secours des abstractions, qui n'ont d'autre avantage que de nous faire observer l'une après l'autre les qualités que les sens nous offrent à la fois. Si nous voulons juger des essences des choses sensibles, nous ne pouvons donc que nous tromper.

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CHAPITRE III.

De la connaissance que nous avons de nos perceptions.

Premier degré de connais

Les objets agiraient inutilement sur les sens, et l'àme n'en prendrait jamais connaissance, si elle ance. n'en avait pas la perception. Ainsi le premier et

Comment il

peut être plus ou

le moindre degré de connaissance, c'est d'apercevoir.

Mais puisque la perception ne vient qu'à la suite moins étendu. des impressions qui se font sur les sens, il est certain que ce premier degré de connaissance doit avoir plus ou moins d'étendue, selon qu'on est organisé pour recevoir plus ou moins de sensations différentes. Prenez des créatures qui soient privées de la vue; d'autres qui le soient de la vue et de l'ouïe, et ainsi successivement; vous aurez bientôt des créatures qui étant privées de tous les sens ne recevront aucune connaissance. Supposez au contraire, s'il est possible, de nouveaux sens dans des animaux plus parfaits que l'homme. Que de perceptions nouvelles! Par conséquent combien de connaissances à leur portée auxquelles nous ne saurions atteindre, et sur lesquelles nous ne saurions même former des conjectures.

Comment des perceptions que

nous ne remar

fluent dans no

que

nous

On serait naturellement porté à croire quons pas in- ne sommes pas toujours avertis de la présence des tre conduite. perceptions qui se font en nous; c'est que souvent nous le sommes si faiblement, qu'à peine nous souvenons-nous de les avoir éprouvées. Il nous arrive même de les oublier tout-à-fait, et ce n'est qu'en réfléchissant sur les situations où nous nous sommes trouvés, que nous jugeons des impressions qu'elles ont dû faire sur notre âme. Or si par la conscience d'une perception on entend une connaissance réfléchie qui en fixe le souvenir, il est

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