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fur un fumier. Sachez qu'il y cut autrefois des rois fainéans, du moins on le dit ; & ils finirent par n'avoir pas un afile. Si vous travaillez, vous ferez auffi heureux que les autres hommes.

Meffieurs les prédicateurs de St Euftache & de St Roch peuvent prêcher aux riches de fort beaux fermons en style fleuri, qui procurent aux auditeurs une digestion aifée dans un doux affoupiffement, & mille écus à l'orateur : mais je parle à des gens que la faim éveille. Travaillez pour manger, vous dis-je; car l'Ecriture a dit : Qui ne travaille pas ne mérite pas de manger. Notre confrère Job, qui fut quelque temps dans votre état, dit que l'homme eft né pour le travail comme l'oiseau pour voler. Voyez cette ville immenfe, tout le monde eft occupé. Les juges fe lèvent à quatre heures du matin pour vous rendre justice & pour vous envoyer aux galères, fi votre fainéantife vous porte à voler mal-adroitement.

Le roi travaille; il affifte tous les jours à fes confeils; il a fait des campagnes. Vous me direz qu'il n'en eft pas plus riche: d'accord; mais ce n'est pas fa faute. Les financiers favent mieux que vous & moi qu'il n'entre pas dans fes coffres la moitié de fon revenu; il a été obligé de vendre fa vaiffelle pour nous défendre contre nos ennemis. Nous devons l'aider à notre tour. L'ami des hommes ne lui accorde que foixante & quinze millions par an: un autre ami lui en donne tout d'un coup fept cents quarante. Mais de tous ces amis de Job, il n'y en a pas un qui lui avance un écu. Il faut qu'on invente mille moyens ingénieux pour prendre dans nos

poches cet écu qui n'arrive dans la fienne que diminué de moitié.

Travaillez donc, mes chers frères; agiffez pour vous; car je vous avertis que fi vous n'avez pas foin de vous-même, perfonne n'en aura foin; on vous traitera comme dans plufieurs graves remontrances on a traité le roi. On vous dira: DIEU vous affifte. Nous irons dans nos provinces, répondez-vous; nous ferons nourris par les feigneurs des terres, par les fermiers, par les curés. Ne vous attendez pas, mes frères, à manger à leur table; ils ont pour la plupart affez de peine à fe nourrir eux-mêmes, malgré la méthode de s'enrichir promptement par l'agriculture, & cent ouvrages de cette efpèce qu'on imprime tous les jours à Paris pour l'ufage de la campagne, que les auteurs n'ont jamais cultivée.

Je vois parmi vous des jeunes gens qui ont quelque efprit; ils difent qu'ils feront des vers, qu'ils compoferont des brochures, comme Chiniac, Nonotte, Patouillet; qu'ils travailleront pour les nouvelles eccléfiaftiques; qu'ils feront des feuilles pour Fréron, des oraifons funèbres pour des évêques, des chanfons pour l'opéra comique. C'eft du moins une occupation; on ne vole pas fur le grand chemin quand on fait l'Année littéraire, on ne vole que fes créanciers. Mais faites mieux, mes chers frères en JESUS-CHRIST, mes chers gueux, qui rifquez les galères en paffant votre vie à mendier; entrez dans l'un des quatre ordres mendians; vous ferez riches & honorés.

Fin du tome quatrième.

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SECTION IV. Serfs de corps, ferfs de glėbe,

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