Page images
PDF
EPUB

qu'un lâche repos dans lequel d'autres mythologistes ont fait confifter la félicité de l'homme, eft un attentat contre les ordres de l'Etre fuprême.

Tâchons de préfenter ici au lecteur une imitation. de fa fable de Pandore, en changeant cependant quelque chose aux premiers vers, & en nous conformant aux idées reçues depuis Héfiode; car aucune mythologie, ne fut jamais uniforme.

Prométhée autrefois pénétra dans les cieux.

Il prit le feu facré, qui n'appartient qu'aux Dieux.
Il en fit part à l'homme; & la race mortelle,

De l'efprit qui meut tout, obtint quelque étincelle.
Perfide! s'écria Jupiter irrité,

Ils feront tous punis de ta témérité;

Il appela Vulcain; Vulcain créa Pandore.

De toutes les beautés qu'en Vénus on adore
Il orna mollement fes membres délicats;

Les amours, les défirs forment fes premiers pas.
Les trois Grâces & Flore arrangent fa coiffure,
Et mieux qu'elles encore elle entend la parure.
Minerve lui donna l'art de perfuader;
La fuperbe Junon celui de commander.
Du dangereux Mercure elle apprit à séduire,
A trahir fes amans, à cabaler, à nuire;
Et par fon écolière il se vit surpassé.

Ce chef-d'œuvre fatal aux mortels fut laiffé;
De Dieu fur les humains tel fut l'arrêt fuprême:
Voilà votre fupplice, & j'ordonne qu'on l'aime. (b)
Il envoie à Pandore un écrin précieux;
yeux;

Sa forme & fon éclat éblouiffent les

(b) On a placé ici ces vers d'Héfiode, qui font dans le texte avant la creation de Pandore.

Quels biens doit renfermer cette boîte fi belle !
De la bonté des Dieux c'eft un gage fidelle;

C'eft là qu'eft renfermé le fort du genre-humain.
Nous ferons tous des dieux.... elle l'ouvre; & foudain
Tous les fléaux ensemble inondent la nature.

Hélas! avant ce temps dans une vie obscure,

Les mortels moins inftruits étaient moins malheureux;
Le vice & la douleur n'ofaient approcher d'eux;
La pauvreté, les foins, la peur, la maladie,
Ne précipitaient point le terme de leur vie.

Tous les cœurs étaient purs, & tous les jours fereins &c,

Si Hefiode avait toujours écrit ainfi, qu'il ferait fupérieur à Homère !

Enfuite Héfiode décrit les quatre âges fameux, dont il est le premier qui ait parlé, (du moins parmi les anciens auteurs qui nous restent.) Le premier âge eft celui qui précéda Pandore, temps auquel les hommes vivaient avec les dieux. L'âge de fer eft celui du fiège de Thèbes & de Troye. Je fuis, dit-il, dans le cinquième, & je voudrais n'être pas né. Que d'hommes accablés par l'envie, par le fanatifme, & par la tyrannie, en ont dit autant depuis Héfiode!

C'est dans ce poëme des travaux & des jours, qu'on trouve des proverbes qui fe font perpétués, comme, le potier eft jaloux du potier; & il ajoute; le muficien du muficien, & le pauvre mème du pauvre. C'est là qu'est l'original de cette fable du roffignol tombé dans les ferres du vautour. Le roffignol chanta en vain pour le fléchir, le vautour le dévore. Héfiode ne conclut pas que ventre affamé n'a point d'oreilles; mais que les tyrans ne font point fléchis par les talens.

On trouve dans ce poëme cent maximes dignes des Xénophons & des Calons.

Les hommes ignorent le prix de la fociété; ils ne favent pas que la moitié vaut mieux que le tout. L'iniquité n'eft pernicieufe qu'aux petits. L'équité feule fait fleurir les cités.

Souvent un homme injufte fuffit pour ruiner fa patrie.

Le méchant qui ourdit la perte d'un homme, prépare fouvent la fienne.

Le chemin du crime eft court & aifé. Celui de la vertu eft long & difficile; mais près du but il eft délicieux.

DIEU a pofé le travail pour fentinelle de la vertu. Enfin fes préceptes fur l'agriculture ont mérité d'être imités par Virgile. Il y a auffi de très-beaux morceaux dans fa Théogonie. L'Amour qui débrouille le chaos; Vênus qui née fur la mer des parties génitales d'un Dieu, nourrie fur la terre, toujours fuivie de l'Amour, unit le ciel, la mer, & la terre enfemble, font des emblèmes admirables.

Pourquoi donc Heftode eut-il moins de réputation qu'Homère? Il me femble qu'à mérite égal, Homère dût être préféré par les Grecs; il chantait leurs exploits & leurs victoires fur les Afiatiques leurs éternels ennemis. Il célébrait toutes les maisons qui régnaient de fon temps dans l'Achaïe & dans le Péloponèse; il écrivait la guerre la plus mémorable du premier peuple de l'Europe, contre la plus floriffante nation qui fût encore connue dans l'Afie. Son poëme fut prefque le feul monument de cette grande époque. Point de ville, point de famille qui ne fe crût honorée

de trouver fon nom dans ces archives de la valeur. On affure même que long-temps après lui, quelques différends entre des villes grecques, au fujet des terrains limitrophes, furent décidés par des vers d'Homère, Il devint après fa mort le juge des villes dans lesquelles on prétend qu'il demandait l'aumône pendant fa vie. Et cela prouve encore que les Grecs avaient des poëtes long-temps avant d'avoir des géographes.

Il est étonnant que les Grecs fe fefant tant d'honneur des poëmes épiques, qui avaient immortalife les combats de leurs ancêtres, ne trouvaffent perfonne qui chantât les journées de Marathon, des Thermopiles, de Platée, de Salamine. Les héros de ce temps-là valaient bien Agamemnon, Achille, & les Ajax.

Tirtée, capitaine, poëte, & muficien, tel que nous avons vu de nos jours le roi de Pruffe, fit la guerre, & la chanta. Il anima les Spartiates contre les Mefféniens par fes vers, & remporta la victoire. Mais fes ouvrages font perdus. On ne dit point qu'il ait paru de poëme épique dans le fiècle de Péricles; les grands talens fe tournèrent vers la tragédie: ainfi Homère refta feul, & fa gloire augmenta de jour en jour. Venons à fon Iliade.

De l'Iliade.

CE qui me confirme dans l'opinion qu'Homère était de la colonie grecque établie à Smyrne, c'est cette foule de métaphores & de peintures dans le style oriental. La terre qui retentit fous les pieds dans la marche de l'armée, comme les foudres de Jupiter fur

les monts qui couvrent le géant Tiphée; un vent plus noir que la nuit qui vole avec les tempêtes; Mars & Minerve, fuivis de la Terreur, de la Fuite, & de l'infatiable Discorde, fœur & compagne de l'Homicide, dieu des combats, qui s'élève dès qu'elle paraît, & qui, en foulant la terre, porte dans le ciel fa tête orgueilleufe. Toute l'Iliade eft pleine de ces images; & c'eft ce qui fefait dire au sculpteur Bouchardon : Lorfque j'ai lu Homère, j'ai cru avoir vingt pieds de

haut.

Son poëme, qui n'eft point du tout intéreffant pour nous, était donc très-précieux pour tous les Grecs.

Ses dieux font ridicules aux yeux de la raison, mais ils ne l'étaient pas à ceux du préjugé; & c'était pour le préjugé qu'il écrivait.

Nous rions, nous levons les épaules en voyant des dieux qui fe difent des injures, qui se battent entr'eux, qui fe battent contre des hommes, qui font bleffés, & dont le fang coule; mais c'était-là l'ancienne théologie de la Grèce, & de prefque tous les peuples afiatiques. Chaque nation, chaque petite peuplade avait fa divinité particulière qui la conduifait aux combats.

Les habitans des nuées, & des étoiles qu'on fuppofait dans les nuées, s'étaient fait une guerre cruelle. La guerre des anges contre les anges était le fondement de la religion des brachmanes, de temps immémorial. La guerre des Titans, enfans du ciel & de la terre, contre les dieux maîtres de l'Olympe, était le premier mystère de la religion grecque. Typhon, chez les Egyptiens, avait combattu contre Oshiret, que nous nommons Ofiris, & l'avait taillé en pièces.

« PreviousContinue »