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Or eft paffé ce qu'amour ordonnoit, (a)

Rien que pleurs feints, rien que changes on voit.
Qui voudra donc qu'à aimer je me fonde,

Il faut premier que l'amour on refonde,

Et qu'on le mène ainfi qu'on le menoit
Au bon vieux temps.

Je dirai d'abord que peut-être ces rondeaux, dont le mérite eft de répéter à la fin de deux couplets les mots qui commencent ce petit poëme, font une invention gothique & puérile, & que les Grecs & les Romains n'ont jamais avili la dignité de leurs langues harmonieuses par ces niaiferies difficiles.

Enfuite je demanderais ce que c'est qu'un train d'amour qui regne, un train qui fe démène fans dons. Je pourrais demander fi venir à jouir par cas, font des expreffions délicates & agréables; fi s'entretenir & Se fonder à aimer ne tiennent pas un peu de la barbarie du temps, que Marot adoucit dans quelques-unes de fes petites poëfies?

Je penserais que refondre l'amour est une image bien peu convenable, que fi on le refond on ne le mène pas; & je dirais enfin que les femmes pouvaient répliquer à Marot: Que ne le refonds-tu toi-même ? quel gré te faura-t-on d'un amour tendre & constant, quand il n'y aura point d'autre amour?

Le mérite de ce petit ouvrage femble confifter dans une facilité naïve. Mais que de naïvetés dégoûtantes

( a ) Il est évident qu'alors on prononçait tous les oi rudement, prenoit, demenoit, ordonnoit, & non pas ordonnait, demenait, prenait, puifque ces terminaifons rimaient avec voit. Il est évident encore qu'on le permettait les bâillemens, les hiatus.

dans

dans prefque tous les ouvrages de la cour de François I!

Ton vieux couteau, Pierre Martel, rouillé
Semble ton nez ja retrait & mouillé,

Et le fourreau tant laid où tu l'enguaines;
C'eft que toujours as aimé vieilles guaines.
Et la ficelle à quoi il est lié

C'eft qu'attaché feras & marié.

Quant au manche de corne connaît-on
Que tu feras cornu comme un mouton.
Voilà le fens, voilà la prophétie

De ton couteau dont je te remercie.

Eft-ce un courtisan qui eft l'auteur d'une telle épigramme? eft-ce un matelot ivre dans un cabaret? Marot malheureusement n'en a que trop fait dans ce genre.

Les épigrammes qui ne roulent que fur des débauches de moines, & fur des obfcénités, font méprifées des honnêtes gens. Elles ne font goûtées que par une jeuneffe effrénée, à qui le fujet plaît beaucoup plus que le ftyle. Changez d'objet, mettez d'autres acteurs à la place; alors ce qui vous amusait paraîtra dans toute fa laideur.

EPIPHANIE.

La vifibilité, l'apparition, illuftration, le reluifant.

ON

N ne voit pas trop quel rapport ce mot peut avoir avec trois rois, ou trois mages qui vinrent d'Orient conduits par une étoile. C'est apparemment Didionn. philofoph. Tome IV.

C

cette étoile brillante qui valut à ce jour le titre d'Epiphanie.

On demande d'où venaient ces trois rois? en quel endroit ils s'étaient donné rendez-vous? Il y en avait un, dit-on, qui arrivait d'Afrique. Celui-là n'était donc pas venu de l'Orient. On dit que c'étaient trois mages; mais le peuple a toujours préféré trois rois. On célébre par-tout la fête des rois, & nulle part celle des mages. On mange le gâteau des rois, & non pas le gâteau des mages. On crie, le roi boit, & non pas, le mage boit.

D'ailleurs, comme ils apportaient avec eux beaucoup d'or, d'encens, & de myrrhe, il fallait bien qu'ils fuffent de très-grands feigneurs. Les mages de ce temps-là n'étaient pas fort riches. Ce n'était pas comme du temps du faux Smerdis.

Tertullien eft le premier qui ait affuré que ces trois voyageurs étaient des rois. St Ambroife & St Céfaire d'Arles tiennent pour les rois. Et on cite en preuve ces passages du pfeaume LXXI: Les rois de Tarfis & des îles lui offriront des préfens. Les rois d'Arabie & de Saba lui apporteront des dons. Les uns ont appelé ces trois rois Magalat, Galgalat, Saraïm; les autres Athos, Satos, Paratoras. Les catholiques les connaissent fous le nom de Gafpard, Melchior, & Balthazar. L'évêque Oforius rapporte que ce fut un roi de Cranganor dans le royaume de Calicut, qui entreprit ce voyage avec deux mages; & que ce roi, de retour dans fon pays, bâtit une chapelle à la Sainte Vierge.

On demande combien ils donnèrent d'or à Jofeph & à Marie? Plufieurs commentateurs affurent qu'ils firent les plus riches préfens. Ils fe fondent fur

l'Evangile de l'enfance, dans lequel il eft dit que Jofeph & Marie furent volés en Egypte par Titus & Dumachus. Or, difent-ils, on ne les aurait pas volés s'ils n'avaient pas eu beaucoup d'argent. Ces deux voleurs furent pendus depuis; l'un fut le bon larron, & l'autre le mauvais larron. Mais l'Evangile de Nicodème leur donne d'autres noms; il les appelle Démas & Geftas.

Le même Evangile de l'enfance dit que ce furent des mages & non pas des rois qui vinrent à Bethleem; qu'ils avaient été à la vérité conduits par une étoile, mais que l'étoile ayant ceffé de paraître quand ils furent dans l'étable, un ange leur apparut en forme d'étoile pour leur en tenir lieu. Cet évangile affure que cette vifite des trois mages avait été prédite par Zoradaft qui eft le même que nous appelons Zoroastre.

Suarez a recherché ce qu'était devenu l'or que préfentèrent les trois rois, ou les trois mages. Il prétend que la fomme devait être très-forte, & que trois rois ne pouvaient faire un préfent médiocre. Il dit que tout cet argent fut donné depuis à Judas, qui fervant de maître-d'hôtel devint un fripon, & vola tout le tréfor.

Toutes ces puérilités n'ont fait aucun tort à la fête de l'Epiphanie, qui fut d'abord inftituée par l'Eglife grecque, comme le nom le porte, & enfuite par l'Eglife latine.

célébrée

E POPÉE.

Poëme épique.

PUISQUE épos fignifiait difcours chez les Grecs, un

poëme épique était donc un discours; & il était en vers parce que ce n'était pas encore la coutume de raconter en profe. Cela paraît bizarre, & n'en eft pas moins vrai. Un Phérécide paffe pour le premier grec qui fe foit fervi tout uniment de la profe pour faire une hiftoire moitié vraie, (a) moitié fauffe, comme elles l'ont été prefque toutes dans l'antiquité.

Orphée, Linus, Tamiris, Mufée, prédéceffeurs d'Homère, n'écrivirent qu'en vers. Héfiode, qui était certainement contemporain d'Homère, ne donne qu'en vers fa théogonie, & fon poëme des travaux & des jours. L'harmonie de la langue grecque invitait tellement les hommes à la poëfie, une maxime refferrée dans un vers fe gravait fi aifément dans la mémoire, les lois, les oracles, la morale, la théologie, tout était en vers.

que

D'Hefrode.

IL fit usage des fables qui depuis long-temps étaient dans la Grèce. On voit clairement à la manière

reçues

fuccincte dont il parle de Prométhée & d'Epimethée, qu'il fuppofe ces notions déjà familières à tous les Grecs. Il n'en parle que pour montrer qu'il faut travailler, &

(a) Moitié vraie, c'est beaucoup.

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