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préfenter, de recommander mon ami, de corriger mon ouvrage.

La faveur des princes eft l'effet de leur goût & de la complaisance affidue; la faveur du peuple suppose quelquefois du mérite, & plus fouvent un hafard heureux.

Faveur diffère beaucoup de grâce. Cet homme est en faveur auprès du roi, & cependant il n'en a point encore obtenu de grâces.

On dit, il a été reçu en grâce; on ne dit point il a été reçu en faveur, quoiqu'on dife être en faveur : c'est que la faveur suppose un goût habituel; & que faire grâce, recevoir en grâce, c'est pardonner, c'est moins que donner fa faveur.

Obtenir grâce eft l'effet d'un moment; obtenir la faveur eft l'effet du temps. Cependant on dit également, faites-moi la grâce, faites-moi la faveur, de recommander mon ami.

Des lettres de recommandation s'appelaient autrefois des lettres de faveur. Sévère dit dans la tragédie de Polyeucte:

Je mourrais mille fois plutôt que d'abufer
Des lettres de faveur que j'ai pour l'épouser.

On a la faveur, la bienveillance, non la grâce du prince & du public. On obtient la faveur de fon auditoire par la modeftie: mais il ne vous fait pas grâce, fi vous êtes trop long.

Les mois des gradués, avril & octobre, dans lefquels un collateur peut donner un bénéfice fimple au gradué le moins ancien, font des mois de faveur & de grâce,

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Cette expreffion faveur, fignifiant une bienveillance gratuite qu'on cherche à obtenir du prince ou du public, la galanterie l'a étendue à la complaifance des femmes; & quoiqu'on ne dife point, il a eu des faveurs du roi, on dit, il a eu les faveurs d'une dame.

L'équivalent de cette expreffion n'eft point connu en Afie, où les femmes font moins reines.

On appelait autrefois faveurs, des rubans, des gants, des boucles, des nœuds d'épée, donnés par une dame. Le comte d'Effex portait à fon chapeau un gant de la reine Elifabeth, qu'il appelait faveur de la reine.

Enfin l'ironie fe fervit de ce mot pour fignifier les fuites facheufes d'un commerce hafardé : faveurs de Vénus, faveurs cuifantes.

FAVORI ET FAVORITE.

De ce qu'on entend par ces mots.

CEs mots ont un fens, tantôt plus refferré, tantôt

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plus étendu. Quelquefois favori emporte l'idée de puiffance, quelquefois feulement il fignifie un homme qui plaît à fon maître.

Henri III eut des favoris qui n'étaient que des mignons; il en eut qui gouvernèrent l'Etat, comme les ducs de Joyeuse & d'Epernon. On peut comparer un favori à une pièce d'or, qui vaut ce que veut le prince.

Un ancien a dit : Qui doit être le favori d'un roi? c'est le peuple. On appelle les bons poëtes les favoris

des mufes, comme les gens heureux, les favoris de la fortune, parce qu'on fuppofe que les uns & les autres ont reçu ces dons fans travail. C'eft ainfi qu'on appelle un terrain fertile & bien fitué, le favori de la

nature.

La femme qui plaît le plus au fultan s'appelle parmi nous la fultane favorite: on a fait l'hiftoire des favorites, c'eft-à-dire, des maîtreffes des plus grands princes.

Plufieurs princes en Allemagne ont des maisons de campagne qu'on appelle la favorite.

Favori d'une dame ne fe trouve plus que dans les romans & les hiftoriettes du fiècle paffé.

FAUSSETÉ.

FAUSSETE

AUSSETE eft le contraire de la vérité. Ce n'eft pas proprement le menfonge dans lequel il entre toujours du deffein.

On dit qu'il y a eu cent mille hommes écrafés dans le tremblement de terre de Lisbonne, ce n'est pas un mensonge, c'est une faufseté.

La fauffeté eft prefque toujours encore plus qu'erreur. La fauffeté tombe plus fur les faits, l'erreur fur les opinions.

C'est une erreur de croire que le foleil tourne autour de la terre; c'est une fauffeté d'avancer que Louis XIV dicta le teftament de Charles II.

La fauffeté d'un acte eft un crime plus grand que le fimple menfonge; elle défigne une impofture juridique, un larcin fait avec la plume.

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Un homme a de la fauffeté dans l'efprit, quand il prend prefque toujours à gauche; quand ne confidérant pas l'objet entier, il attribue à un côté de l'objet ce qui appartient à l'autre, & que ce vice de jugement eft tourné chez lui en habitude.

Il y a de la fauffeté dans le cœur, quand on s'est accoutumé à flatter & à fe parer de fentimens qu'on n'a pas; cette fauffeté eft pire que la diffimulation, & c'eft ce que les Latins appelaient fimulatio.

Il y a beaucoup de fauffetés dans les hiftoriens, des erreurs chez les philofophes, des menfonges dans prefque tous les écrits polémiques, & encore plus dans les fatiriques.

Les efprits faux font infupportables, & les cœurs faux font en horreur.

Fauffeté des vertus humaines.

QUAND le duc de la Rochefoucauld eut écrit fes pentées fur l'amour-propre, & qu'il eut mis à découvert ce reffort de l'homme, un monfieur Efprit, de l'oratoire, écrivit un livre captieux, intitulé: De la fauffeté des vertus humaines. Cet Efprit dit qu'il n'y a point de vertu; mais par grâce il termine chaque chapitre en renvoyant à la charité chrétienne. Auffi, felon le fieur Efprit, ni Caton, ni Arislide, ni MarcAurele, ni Epictete, n'étaient des gens de bien : mais on n'en peut trouver que chez les chrétiens. Parmi les chrétiens il n'y a de vertu que chez les catholiques; parmi les catholiques, il fallait encore en excepter les jefuites, ennemis des oratoriens; partant Didionn. philofoph. Tome IV.

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la vertu ne fe trouvait guère que chez les ennemis des jéfuites.

Ce M. Efprit commence par dire que la prudence n'eft pas une vertu; & fa raison eft qu'elle eft fouvent trompée. C'eft comme fi on difait que Cefar n'était pas un grand capitaine, parce qu'il fut battu à Dirrachium.

Si M. Efprit avait été philofophe, il n'aurait pas examiné la prudence comme une vertu, mais comme un talent, comme une qualité utile, heureuse; car un fcélérat peut être très-prudent, & j'en ai connu de cette efpèce. O la rage de prétendre que

Nul n'aura de vertu que nous & nos amis !

:

Qu'est-ce que la vertu, mon ami? c'eft de faire du bien fais-nous-en, & cela fuffit. Alors nous te ferons grâce du motif. Quoi! felon toi, il n'y aura nulle différence entre le président de Thou & Ravaillac? entre Cicéron & ce Popilius auquel il avait fauvé la vie, & qui lui coupa la tête pour de l'argent? & tu déclareras Epiclèle & Porphyre des coquins, pour n'avoir pas fuivi nos dogines? Une telle infolence révolte. Je n'en dirai pas davantage, car je me mettrais en colère.

F E C O ND.

FECOND eft le fynonyme de fertile, quand il s'agit

de la culture des terres. On peut dire également un terrain fécond & fertile, fertilifer & feconder un champ.

La maxime, qu'il n'y a point de fynonymes, veut dire feulement qu'on ne peut fe fervir dans toutes

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