Page images
PDF
EPUB

ancienne en Egypte. Les Egyptiens étaient fi éloignés d'attacher de la turpitude à ce que nous n'ofons ni découvrir, ni nommer, qu'ils portaient en proceffion une grande figure du membre viril nommé phallum, pour remercier les dieux de faire fervir ce membre à la propagation du genre-humain.

Tout cela prouve affez que nos bienséances ne font pas les bienféances des autres peuples. Dans quel temps y a-t-il eu chez les Romains plus de politeffe que du temps du fiècle d'Augufte? cependant Horace ne fait nulle difficulté de dire dans une pièce morale:

Nec metuo ne dum futuo vir rure recurrat.

Augufle fe fert de la même expreffion dans une épigramme contre Fulvie.

Un homme qui prononcerait parmi nous le mot qui répond à futuo, ferait regardé comme un crocheteur ivre; ce mot, & plufieurs autres dont fe fervent Horace & d'autres auteurs, nous paraît encore plus indécent que les expreffions d'Ezechiel. Défefons-nous de tous nos préjugés quand nous lifons d'anciens auteurs, ou que nous voyageons chez des nations éloignées. La nature est la même par tout, & les usages par-tout différens.

Je rencontrai un jour dans Amfterdam un rabbin tout plein de ce chapitre. Ah! mon ami, dit-il, que nous vous avons obligation! Vous avez fait connaître toute la fublimité de la loi mofaïque, le déjeûner d'Ezechiel, fes belles attitudes fur le côté gauche; Oolla & Oliba font des chofes admirables; ce font des types, mon frère, des types, qui figurent qu'un jour le peuple juif fera maître de toute la terre; mais pourquoi en Dilionn. philofoph. Tome IV.

M

avez-vous omis tant d'autres qui font à-peu-près de cette force? pourquoi n'avez-vous pas représenté le Seigneur difant au fage Ofée, dès le fecond verfet du premier chapitre : Ofée, prends une fille de joie, & faislui des fils de fille de joie. Ce font ses propres paroles. Ofée prit la demoiselle, il en eut un garçon, & puis une fille, & puis encore un garçon, & c'était un type, & ce type dura trois années. Ce n'eft pas tout, dit le Seigneur, au troisième chapitre : Va-t-en prendre une femme qui foit non-feulement débauchée, mais adultère; Ofée obéit, mais il lui en coûta quinze écus, & un feptier & demi d'orge; car vous favez que dans la terre promise il y avait très-peu de froment. Mais favez-vous ce que tout cela fignifie? Non, lui dis-je; ni moi non plus, dit le rabbin.

Un grave favant s'approcha, & nous dit que c'était des fictions ingénieufes & toutes remplies d'agrément. Ah, monfieur, lui répondit un jeune homme fort inftruit, fi vous voulez des fictions, croyez-moi, préférez celles d'Homère, de Virgile, & d'Ovide; quiconque aime les prophéties d'Ezéchiel mérite de déjeûner avec lui.

EZ OUR VEDA M.

QUEST-CE donc que cet Ezourvédam qui est à la

bibliothèque du roi de France? C'est un ancien commentaire, qu'un ancien brame composa autrefois avant l'époque d'Alexandre fur l'ancien Védam, qui était lui-même bien moins ancien que le livre du Shafta.

Refpectons, vous dis-je, tous ces anciens Indiens. Ils inventèrent le jeu des échecs, & les Grecs allaient apprendre chez eux la géométrie.

Cet Ezourvédam fut en dernier lieu traduit par un brame, correfpondant de la malheureuse compagnie française des Indes. Il me fut apporté au mont Krapac, où j'observe les neiges depuis long-temps; & je l'envoyai à la grande bibliothèque royale de Paris, où il est mieux placé que chez moi.

Ceux qui voudront le confulter, verront qu'après plufieurs révolutions produites par l'Eternel, il plut à l'Eternel de former un homme qui s'appelait Adimo, & une femme dont le nom répondait à celui de la vie.

Cette anecdote indienne eft-elle prise des livres juifs? les Juifs l'ont-ils copiée des Indiens? où peut-on que les uns & les autres l'ont écrite d'original, & que les beaux efprits fe rencontrent?

dire

Il n'était pas permis aux Juifs de penfer que leurs écrivains cuffent rien puifé chez les brachmanes dont ils n'avaient pas entendu parler. Il ne nous eft pas permis de penfer fur Adam autrement que les Juifs. Par conféquent je me tais, & je ne pense point.

F.

Left

FABLE.

IL eft vraisemblable que les fables dans le goût de celles qu'on attribue à Efope, & qui font plus anciennes que lui, furent inventées en Afie par les premiers peuples fubjugués : des hommes libres n'auraient pas eu toujours befoin de déguiser la vérité; on ne peut guère parler à un tyran qu'en paraboles, encore ce détour même eft-il dangereux.

Il fe peut très-bien auffi que les hommes aimant naturellement les images & les contes, les gens d'efprit fe foient amufés à leur en faire fans aucune autre vue. Quoi qu'il en foit, telle eft la nature de l'homme, que la fable est plus ancienne que l'histoire.

Chez les Juifs, qui font une peuplade toute nouvelle (a) en comparaison de la Chaldée & de Tyr fes voifines, mais fort ancienne par rapport à nous, on voit des fables toutes femblables à celles d'Efope dès le temps des juges; c'eft-à-dire, mille deux cents trente-trois ans avant notre ère, fi on peut compter fur de telles fupputations.

Il eft donc dit dans les Juges, que Gédéon avait foixante & dix fils, qui étaient fortis de lui parce qu'il

(a) Il eft prouvé que la peuplade hébraïque n'arriva en Palestine que dans un temps où le Canaan avait deja d'affez puiffantes villes; Tyr, Sidon, Berith, floriffaient. Il eft dit que Jofue detruifit Jericho & la ville des lettres, des archives, des écoles, appelée Cariat Sepher; donc les Juils n'etaient alors que des étrangers qui portaient le ravage chez des peuples polices.

avait plufieurs femmes, & qu'il eut d'une fervante un autre fils nommé Abimélec.

Or cet Abimélec écrafa fur une même pierre foixante & neuf de fes frères, felon la coutume; & les Juifs. pleins de refpect & d'admiration pour Abimelec, allerent le couronner roi fous un chêne auprès de la ville de Mélo, qui d'ailleurs eft peu connue dans l'hiftoire.

Joatham, le plus jeune des frères, échappé feul au carnage, (comme il arrive toujours dans les anciennes hiftoires) harangua les Juifs; il leur dit que les arbres allèrent un jour fe choifir un roi. On ne voit pas trop comment des arbres marchent; mais s'ils parlaient, ils pouvaient bien marcher. Ils s'adreffèrent d'abord à l'olivier, & lui dirent: Règne. L'olivier répondit: Je ne quitterai pas le foin de mon huile pour régner fur vous. Le figuier dit qu'il aimait mieux fes figues que l'embarras du pouvoir fuprême. La vigne donna la préférence à fes raifins. Enfin les arbres s'adrefferent au buiffon; le buiffon répondit: Je régnerai fur vous, je vous offre mon ombre; & fi vous n'en voulez pas, le feu Jortira du buiffon & vous dévorera.

Il eft vrai que la fable pèche par le fond; parce que le feu ne fort point d'un buiffon: mais elle montre l'antiquité de l'ufage des fables.

Celle de l'eftomac & des membres, qui fervit à calmer une fédition dans Rome, il y a environ deux mille trois cents ans, eft ingénieuse & fans défaut. Plus les fables font anciennes, plus elles font allégoriques.

L'ancienne fable de Vénus, telle qu'elle est rapportée dans Héfiode, n'eft-elle pas une allégorie de la nature entière? Les parties de la génération font tombées

« PreviousContinue »