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confirma la doctrine ancienne de l'enfer; non pas la doctrine des poëtes païens, non pas celle des prêtres égyptiens; mais celle qu'adopta le christianisme, à laquelle il faut que tout cède. Il annonça un royaume qui allait venir, & un enfer qui n'aurait point de fin.

Il dit expreffément à Capharnaum en Galilée: (c) "Quiconque appellera fon frère Raca fera condamné " par le fanhedrin ; mais celui qui l'appellera fou, sera " condamné au gehenei hinnon, gehenne du feu.,9

Cela prouve deux chofes, premièrement que JESUSCHRIST ne voulait pas qu'on dît des injures; car il n'appartenait qu'à lui, comme maître, d'appeler les prévaricateurs pharifiens race de vipère.

Secondement, que ceux qui difent des injures à leur prochain méritent l'enfer; car la gehenna du feu était dans la vallée d'Hinnon, où l'on brûlait autrefois des victimes à Moloch; & cette gehenna figure le feu d'enfer.

Il dit ailleurs : (d) › Si quelqu'un fert d'achoppe"ment aux faibles qui croient en moi, il vaudrait " mieux qu'on lui mît au cou une meule ufinaire, " & qu'on le jetât dans la mer.

,, Et fi ta main te fait achoppement, coupe-la; "il eft bon pour toi d'entrer manchot dans la vie, ", plutôt que d'aller dans la gehenna du feu inextin" guible, où le ver ne meurt point, & où le feu ne " s'éteint point.

"Et fi ton pied te fait achoppement, coupe ton "pied; il eft bon d'entrer boiteux dans la vie éternelle,

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"plutôt que d'être jeté avec tes deux pieds dans la , gehenna inextinguible, où le ver ne meurt point, & où le feu ne s'éteint point.

,, Et fi ton œil te fait achoppement, arrache ton " œil; il vaut mieux entrer borgne dans le royaume ,, de DIEU, que d'être jeté avec tes deux yeux dans "la gehenna du feu, où le ver ne meurt point, & " où le feu ne s'éteint point.

,, Car chacun fera falé par le feu, & toute victime " fera falée par le fel.

" Le fel eft bon; que fi le fel s'affadit, avec quoi falerez-vous?

Vous avez dans vous le fel, confervez la paix ›› parmi vous. ꞌꞌ

Il dit ailleurs, fur le chemin de Jérufalem: (e) Quand le père de famille fera entré & aura fermé ,, la porte, vous refterez dehors, & vous heurterez, , difant: Maître, ouvrez-nous; & en répondant, il

vous dira: Nefcio vos, d'où êtes-vous? & alors ,, vous commencerez à dire : Nous avons mangé & ,, bu avec toi, & tu as enfeigné dans nos carrefours; ,, & il vous répondra: Nefcio vos, d'où êtes-vous? ,, ouvriers d'iniquités! & il y aura pleurs & grince,, mens de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac, " Jacob, & tous les prophètes, & que vous ferez

"chaffés dehors. "

Malgré les autres déclarations pofitives émanées du Sauveur du genre-humain, qui affurent la damnation éternelle de quiconque ne fera pas de notre Eglife,

(e) Luc, chap. XIII.

Origene & quelques autres n'ont pas cru l'éternité des peines.

Les fociniens les rejettent, mais ils font hors du giron. Les luthériens & les calviniftes, quoiqu'égarés hors du giron, admettent un enfer fans fin.

Dès que les hommes vécurent en fociété, ils durent s'apercevoir que plufieurs coupables échappaient à la févérité des lois; ils puniffaient les crimes publics; il fallut établir un frein pour les crimes fecrets; la religion feule pouvait être ce frein. Les Perfans, les Chaldéens, les Egyptiens, les Grecs, imaginèrent des punitions après la vie ; & de tous les peuples anciens que nous connaissons, les Juifs, comme nous l'avons déjà obfervé, furent les feuls qui n'admirent que des châtimens temporels. Il est ridicule de croire ou de feindre de croire, fur quelques paffages très-obscurs, que l'enfer était admis par les anciennes lois des Juifs, par leur Lévitique, par leur Décalogue, quand l'auteur de ces lois ne dit pas un feul mot qui puiffe avoir le moindre rapport avec les châtimens de la vie future. On ferait en droit de dire au rédacteur du Pentateuque: Vous êtes un homme inconféquent & fans probité, comme fans raifon, très-indigne du nom de légiflateur que vous vous arrogez. Quoi! vous connaissez un dogme auffi réprimant, auffi néceffaire au peuple que celui de l'enfer; & vous ne l'annoncez pas expreffément ? & tandis qu'il eft admis chez toutes les nations qui vous environnent, vous vous contentez de laiffer deviner ce dogme par quelques commentateurs qui viendront quatre mille ans après vous, & qui donneront la torture à quelques-unes de vos paroles pour y trouver

ce que vous n'avez pas dit? Ou vous êtes un ignorant, qui ne favez pas que cette créance était universelle en Egypte, en Chaldée, en Perfe; ou vous êtes un homme très-mal avifé, fi étant inftruit de ce dogme vous n'en avez pas fait la base de votre religion.

Les auteurs des lois juives pourraient tout au plus répondre: Nous avouons que nous fommes exceffivement ignorans; que nous avons appris à écrire fort tard; que notre peuple était une horde fauvage & barbare, qui de notre aveu erra près d'un demi-fiècle dans des déferts impraticables; qu'elle ufurpa enfin un petit pays par les rapines les plus odieuses, & par les cruautés les plus déteftables dont jamais l'histoire ait fait mention. Nous n'avions aucun commerce avec les nations policées; comment voulez-vous que nous puffions (nous les plus terreftres des hommes) inventer un système tout fpirituel?

Nous ne nous fervions du mot qui répond à ame, que pour fignifier la vie; nous ne connûmes notre DIEU & fes miniftres, fes anges, que comme des êtres corporels: la diftinction de l'ame & du corps, l'idée d'une vie après la mort, ne peuvent être que le fruit d'une longue méditation, & d'une philofophie très-fine. Demandez aux Hottentots & aux Nègres, qui habitent un pays cent fois plus étendu que le nôtre, s'ils connaissent la vie à venir? Nous avons cru faire affez de perfuader à notre peuple, que DIEU puniffait les malfaiteurs jufqu'à la quatrième génération, foit par la lèpre, foit par des morts fubites, foit par la perte du peu de bien qu'on pouvait pofféder. On répliquerait à cette apologie: Vous avez inventé un système dont le ridicule faute aux yeux; car le

malfaiteur qui fe portait bien, & dont la famille profpérait, devait néceffairement fe moquer de vous.

L'apologifte de la loi judaïque répondrait alors: Vous vous trompez; car pour un criminel qui raifonnait jufte, il y en avait cent qui ne raisonnaient point du tout. Celui qui ayant commis un crime ne fe fentait puni ni dans fon corps, ni dans celui de fon fils, craignait pour fon petit-fils. De plus, s'il n'avait pas aujourd'hui quelque ulcère puant, auquel nous étions très-fujets, il en éprouvait dans le cours de quelques années : il y a toujours des malheurs dans une famille, & nous fefions aifément accroire que ces malheurs étaient envoyés par une main divine, vengereffe des fautes fecrètes.

Il ferait aifé de répliquer à cette réponse, & de dire: Votre excuse ne vaut rien, car il arrive tous les jours que de très-honnêtes gens perdent la fanté & leurs biens; & s'il n'y a point de famille à laquelle il ne foit arrivé des malheurs, fi ces malheurs font des châtimens de DIEU, toutes vos familles étaient donc des familles de fripons.

Le prêtre juif pourrait répliquer encore; il dirait qu'il y a des malheurs attachés à la nature humaine, & d'autres qui font envoyés expreffément de DIEU. Mais on ferait voir à ce raisonneur combien il eft ridicule de penser que la fièvre & la grêle font tantôt une punition divine, tantôt un effet naturel.

Enfin, les pharifiens & les efféniens, chez les Juifs, admîrent la créance d'un enfer à leur mode: ce dogme avait déjà paffé des Grecs aux Romains, & fut adopté par les chrétiens.

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