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contractilité de cette dernière membrane. Haller et Lamure leur assignent leur véritable cause, en les attribuant au flux et au reflux du sang veineux.

Haller établit (1) que le cerveau est soumis à deux mouvements : l'un, peu sensible, isochrone aux mouvements respiratoires; l'autre, moins sensible, isochrone aux battements des artères. La plupart des physiologistes les admettent tous les deux ils sont faciles à voir, non seulement chez les animaux dont le cerveau est mis complétement à découvert, mais encore chez ceux dont une petite partie de l'encéphale a été privée de ses enveloppes protectrices. Quand on met à nu la partie antérieure de l'un des hémisphères cérébraux d'un âne ou d'un cheval, en laissant sur la ligne médiane, afin d'éviter une hémorrhagie, la partie osseuse qui recouvre le sinus falciforme, on voit, même avant que la méninge soit incisée, mais mieux après qu'elle a été enlevée, les deux mouvements du cerveau l'un, assez faible, consiste en une série d'élévations, d'affaissements successifs, et correspond exactement aux battements des artères; l'autre, plus prononcé et plus lent, répond aux mouvements respiratoires. Dans ce dernier, le cerveau s'abaisse ou s'affaisse sur luimême lors de l'inspiration; il s'élève ou se gonfle, au contraire, dans l'expiration, et cela d'autant plus sensiblement, que la respiration est plus gênée, comme après une course ou un exercice pénible. A la simple inspection, il est facile de constater que ces deux mouvements sont parfaitement distincts, et que le cerveau s'élève autant de fois pour l'un qu'il y a de pulsations artérielles, et pour l'autre autant de fois qu'il y a de respirations. Mais il n'est pas aussi aisé de les reconnaître sur de petits animaux, tels que le lapin, par exemple, d'abord parce que celui qui tient aux battements artériels est très faible, ensuite parce que le second est très rapide, par suite de la vitesse de la respiration des petites espèces; il en résulte que les deux doivent à peu près se confondre en un seul, et c'est peut-être à cause de cette particularité que quelques physiologistes n'admettent qu'un seul mouvement du cerveau. Quel est, maintenant, le mécanisme des mouvements de l'encéphale? Lamure (2) attribue le mouvement principal, c'est-à-dire celui qui dépend de la respiration, au flux et au reflux du sang veineux. L'élévation du cerveau a lieu par suite du reflux qui s'opère de la veine cave antérieure et des jugulaires vers les sinus lors de l'expiration; l'abaissement provient de la déplétion des sinus, opérée par suite de l'aspiration exercée sur le sang pendant l'inspiration. Pour prouver que c'est bien à ces causes que sont dus l'élévation et l'abaissement alternatifs du cerveau, Lamure lie les jugulaires et coupe les veines vertébrales, mais le mouvement persiste, quoique affaibli, parce qu'il y a encore d'autres veines par lesquelles le reflux du sang continue à s'opérer; enfin, sur l'animal mort, il rétablit le mouvement en comprimant le thorax: dès que les côtes sont rapprochées, le cerveau s'élève; dès qu'elles reviennent sur elles-mêmes, il s'abaisse ; cet effet cesse de se produire après la section de la veine cave antérieure. Haller, après de nombreuses expériences dont quelques unes avaient été déjà faites par Schlichting, arrive à partager l'opinion de Lamure. « Les veines, dit-il (3), se gonflent pendant l'expiration; elles se

(1) Mémoire sur la nature sensible et irritable des parties du corps animal, t. I, p. 172. Lausanne, 1786.

(2) Recherches sur la cause des mouvements du cerveau ( Mém, de l'Acad. des sc., 1749). (3) Mém, sur la nature sensible, etc., t. I, p. 181.

désemplissent dans l'inspiration. Comme ces alternatives de réplétion et d'évacuation sont absolument les mêmes dans le cerveau, comme celui-ci s'élève pendant que les veines et surtout les jugulaires se remplissent de sang, et qu'il s'abaisse dans le temps même que les veines perdent le leur, il paraît évident que le gonflement et le dégonflement alternatifs du cerveau naissent de ceux des veines. » Pour lui, la réplétion des veines est le résultat d'un reflux du sang de l'oreillette droite vers les troncs veineux lors de l'expiration, et leur affaissement la conséquence de la déplétion de ces vaisseaux lorsque la poitrine se dilate, c'est-à-dire pendant l'inspiration. Il remarque, de plus, que la gêne de la respiration et la strangulation momentanée rendent le mouvement du cerveau plus sensible.

M. Flourens (1) a repris la question et l'a mieux analysée que ses devanciers. Il ne reconnaît qu'un seul mouvement: celui qui dépend de la respiration. D'après lui, ce mouvement unique consiste bien plus en un gonflement et un affaissement alternatifs du cerveau qu'en une élévation et un abaissement de l'organe. Sa cause serait bien encore le flux et le reflux du sang, mais ce flux et ce reflux s'opéreraient principalement par les sinus vertébraux qui communiquent avec ceux du crâne. M. Flourens prouve que la voie de ces sinus est la plus importante par les expériences suivantes : 1° après la ligature des deux jugulaires, le mouvement persiste, seulement il est moins prononcé; 2o après la ligature des jugulaires et la section des veines vertébrales, il continue encore, bien que très affaibli; 3° enfin, sur le cadavre dont les deux jugulaires et les deux vertébrales sont ouvertes, on le reproduit en comprimant le thorax et le laissant ensuite revenir sur lui-même. Dans son opinion, le sang, lors de l'expiration, reflue du thorax par les veines dorsales (azygos) dans les sinus vertébraux, et de ceux-ci dans les sinus du crâne; il reflue également dans ces derniers par les jugulaires et les vertébrales. C'est à ce moment qu'il s'élève bien plus par un gonflement de sa masse que par un soulèvement. Au contraire, lors de l'inspiration, le sang afflue vers la poitrine par la même voie, et surtout par la première, et dégorge ainsi les sinus et la substance du cerveau, et par suite celui-ci s'affaisse et descend. L'élévation ou le gonflement du cerveau dépendrait de deux causes : l'une principale, le reflux du sang veineux, et l'autre accessoire, l'afflux du sang artériel; son affaissement résulterait seulement du retrait du sang veineux aspiré par la poitrine.

En résumé, l'encéphale éprouve deux mouvements: l'un faible, en rapport avec la diastole et la systole des artères cérébrales; l'autre plus sensible, plus lent, lié aux mouvements respiratoires et dépendant du flux et du reflux du sang veineux. Ces deux mouvements, bien distincts chez les grands animaux, doivent être très peu prononcés quand les parois du crâne sont intactes.

(1) Ouvrage cité, p. 340.

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CHAPITRE III.

FONCTIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.

La moelle épinière (fig. 2) forme un long cordon qui, renfermé dans le canal rachidien, se continue avec les renflements encéphaliques et donne, sur son trajet, naissance à la plupart des nerfs destinés à porter la sensibilité et le mouvement dans toutes les parties. A son origine, elle se confond avec le bulbe rachidien, sans qu'il soit possible de trouver la moindre trace de démarcation entre l'une et l'autre, de telle sorte que les uns, avec Vésale, la font commencer en avant des tubercules bigéminés; les autres, avec Bichat, au sillon qui se trouve en arrière du pont de Varole, et le plus grand nombre, au niveau du trou occipital. A sa terminaison dont le lieu est variable, la moelle se divise en une infinité de cordons nerveux dont l'ensemble est connu sous le nom de queue de cheval.

Sa forme varie un peu, suivant les animaux, et ses renflements se montrent toujours en rapport avec la présence, le nombre et le volume des extrémités. Elle est presque cylindrique chez les poissons, avec cette particularité, toutefois, qu'elle offre, dans ces animaux, de petites bosselures à la naissance des nerfs un peu volumineux; elle a dans les reptiles, tels que les tortues, les lézards et les batraciens, un renflement cervical et un lombaire; mais elle n'en a point du tout chez les serpents. Chez les oiseaux qui volent beaucoup et dont les ailes sont très fortes, elle présente, d'après M. Serres, un renflement correspondant plus considérable que celui des lombes. Enfin, chez les mammifères, le renflement lombaire prédomine lorsque, comme dans le kanguroo, les membres abdominaux l'emportent par leur volume sur les membres thoraciques; le cervical, au contraire, dépasse l'autre, quand les extrémités antérieures conservent un assez grand développement, alors que les postérieures sont atrophiées, comme dans les cétacés.

La moelle est contenue dans un canal brisé et articulé, beaucoup plus grand qu'elle, qui peut se plier dans tous les sens et exécuter des mouvements très étendus sans la comprimer ni la tirailler. En outre, elle est revêtue, comme l'encéphale, de

Fig. 2.

4. Renflement cervical.

Moelle épinière du cheval.

B. Renflement lombaire. C. Queue de cheval.

Fig. 2.

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trois membranes: la méninge, dont la surface externe est séparée du conduit vertébral par une foule de petits coussinets adipeux; l'arachnoïde, dont les deux feuillets sont en contact l'un avec l'autre ; enfin, la pie-mère dont le tissu léger, aréolaire, à larges mailles, est pénétré d'un fluide abondant appelé céphalo-rachidien. Ce liquide que Haller connaissait déjà, et que pendant longtemps on a pris pour un produit morbide, baigne toute la surface de la moelle, lui forme une sorte d'a! – mosphère aqueuse dont la pression parait nécessaire à l'exercice des fonctions de cette partie, puisque quand on en fait écouler une certaine quantité, il survient, d'après M. Magendie, des troubles nerveux plus ou moins graves. Il éprouve un mouvement de flux et de reflux en rapport avec les mouvements respiratoires; descend du crâne dans le rachis, lors de l'inspiration, et remonte, au contraire, lors de l'expiration, par l'effet d'un mécanisme analogue à celui dont nous avons parlé, au sujet des mouvements de l'encéphale. Il communiquerait même avec celui des ventricules, d'après le savant physiologiste qui a fait sur ce sujet d'intéressantes recherches. Mais M. Renault a montré que, pour le cheval (1), la communication devenait impossible par suite de la disposition de la séreuse en arrière du quatrième ventricule.

La moelle épinière est constituée par de la substance blanche à l'extérieur, et de la substance grise à l'intérieur, souvent peu distincte de la première. Elle offre un canal central, permanent chez tous les vertébrés ovipares, assez apparent chez les fœtus de manmifères, et même encore à tous les âges dans cette dernière classe. Ce canal, fort anciennement connu, a été indiqué par Sewell sur le cheval, le bœuf, le mouton et le chien, et par d'autres sur divers animaux. Calmeil a même vu chez le mouton un double canal en arrière du calamus scriptorius.

Le point important de la structure de la moclle n'est pas la disposition des deux substances et la direction de leurs fibres, mais bien la présence dans cet organe de deux parties distinctes ayant chacune une fonction spéciale. C'est à Ch. Bell que revient l'honneur d'avoir démontré que la moelle épinière est formée de deux parties l'une supérieure sensible; l'autre inférieure motrice, susceptible de provoquer des convulsions lorsqu'elle est irritée; en un mot, d'avoir prouvé qu'il y a dans la moelle épinière, pour me servir des expressions d'un savant physiologiste, deux moelles épinières : l'une pour le sentiment, l'autre pour le mouvement; et par suite, dans le nerf mixte, deux nerfs : l'un sensitif, l'autre moteur, le premier dérivant des racines supérieures pourvues de ganglions (fig. 3), le second des racines inférieures. Tous les travaux entrepris depuis n'ont fait que confirmer cette belle découverte.

Ce point une fois établi, la détermination des propriétés et des fonctions de la moelle épinière devient facile. Ici nulle complication n'est possible, puisqu'il n'y a pas comme dans l'encéphale, ni croisement, ni mélange des faisceaux, ni division de l'organe en plusieurs parties à usages distincts, à propriétés spéciales.

La moelle est sensible et son irritation provoque des mouvements convulsifs; en cela, elle ressemble à la moelle allongée, et se range, comme elle, au nombre des

(1) Recueil de médecine vétérinaire, t. VI, p. 545 et 601; t. VII, p. 5, 1829-1839. M. Lavocat dit que cette disposition existe aussi dans le bouf et dans le mouton.

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