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de l'intestin grêle. Son canal excréteur, le plus souvent simple dans les mammifères et multiple chez les oiseaux, offre, relativement aux canaux biliaires, un mode de terminaison assez variable.

Premièrement, les canaux biliaire et pancréatique parfaitement distincts s'ouvrent à une distance plus ou moins grande l'un de l'autre, comme dans le bœuf, le porc, le lapin, le lièvre, le cochon d'Inde.

Deuxièmement, ils peuvent se terminer très près l'un de l'autre, comme dans quelques espèces de singes, d'après les observations de Cuvier.

Troisièmement, ils peuvent s'insérer au même point par deux orifices confondus, de même que chez le cheval, l'âne, le chat, etc.

Quatrièmement enfin, ils peuvent s'aboucher l'un dans l'autre et se terminer par un canal commun plus ou moins long : c'est le cas de l'homme, d'une partie des singes, des carnivores, du chameau, du lama, de la chèvre et de la brebis. Cette dernière disposition permet à l'expérimentateur d'obtenir un mélange de bile et de suc pancréatique suivant les proportions que la nature a déterminées.

Il est à noter que, chez les mammifères dont les canaux biliaire et pancréatique ne s'ouvrent pas au même point, c'est, à quelques exceptions près, le canal biliaire qui précède l'autre. Au contraire ce sont les canaux pancréatiques qui s'insèrent les premiers dans l'intestin chez la plupart des oiseaux. Les nombreuses observations de Cuvier et de M. Duvernoy établissent nettement cette loi dont la signification physiologique reste à déterminer.

Le pancréas, dont l'aspect et la structure paraissent les mêmes dans tous les animaux supérieurs, fonctionne-t-il suivant un mode invariable, pour toutes les espèces? Sa sécrétion est-elle continue ou intermittente? est-elle plus abondante à telle période de la digestion qu'à telle autre? Son produit présente-t-il des caractères et des propriétés identiques chez les carnassiers, les herbivores et les ruminants, et l'intervention de celui-ci est-elle indispensable à la digestion intestinale? Ce sont là autant de questions que l'expérimentation seule peut résoudre.

De Graaf, anatomiste hollandais, est le premier qui ait, par un procédé ingénieux, recueilli le suc pancréatique sur l'animal vivant. Depuis cet expérimentateur, MM. Leuret et Lassaigne recueillirent le suc pancréatique du cheval, MM. Tiedemann et Gmelin celui de la brebis, et tout récemment M. Bernard obtint celui du chien par une heureuse modification du procédé de de Graaf, et fit connaître une remarquable propriété de ce fluide; mais aucun de ces physiologistes ne détermina les caractères de l'action du pancréas. Un tel résultat était d'ailleurs impossible à atteindre, chez le chien, le cheval et la brebis, pour des raisons faciles à trouver et qui seront exposées plus tard: aussi ai-je entrepris mes recherches sur les grands ruminants, chez lesquels il est facile d'établir des fistules pancréatiques, sans irriter la glande et sans troubler sensiblement les fonctions digestives (1).

Le pancréas du bœuf est couché en partie sur les circonvolutions du côlon, et en partie sur la région droite et supérieure du rumen, depuis la scissure du foie jusque au-dessous de la deuxième vertèbre lombaire; il porte, à son extrémité intestinale, un seul conduit qui s'ouvre dans le duodénum de 30 à 40 centimètres en arrière de

(1) Voy. mes expériences sur la sécrétion pancréatique des grands ruminants (Comples endus de l'Académie des sciences, 17 mars 1851, t. XXXII).

l'ouverture du canal cholédoque. Ce conduit, souvent détaché de la glande sur une étendue de 2 à 3 centimètres, est assez large pour recevoir un tube d'un diamètre de 8 à 9 millimètres.

Pour arriver sur le canal excréteur du pancréas, on fait dans le creux du flanc droit une incision longue de 10 à 12 centimètres, parallèle à la dernière côte et séparée de celle-ci par un espace de 3 à 4 travers de doigt; on divise successivement la peau et les muscles, puis on tord les petits vaisseaux qui peuvent avoir été lésés; enfin, dès que la plaie ne donne plus de sang, on ouvre le péritoine. Alors on fait au canal pancréatique, qui apparaît entre le duodénum et l'extrémité inférieure de la glande, une petite incision longitudinale par laquelle on engage un tube de verre muni d'un léger bourrelet à chaque extrémité. Celui-ci est ensuite fixé par une ligature circulaire passée autour du canal, à l'aide d'une aiguille à pointe mousse. Enfin la plaie abdominale, à travers laquelle on fait passer le tube, est fermée par une suture.

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FIG. 50.

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Taureau avec l'appareil destiné à recueillir le fluide pancréatique.

Si l'opération a été bien faite, l'intestin enveloppé dans un double sac épiploïque, n'aura pas été exposé au contact de l'air; le pancréas n'aura été ni blessé par l'instrument tranchant, ni froissé par la main de l'expérimentateur. Si d'ailleurs la digestion était active et la sécrétion établie au moment de l'incision du canal, on verra le fluide pancréatique limpide monter plus ou moins rapidement dans le tube et s'échapper à l'extérieur. L'animal continuera à manger et à ruminer comme auparavant, et pendant cinq, six, huit jours, on pourra suivre dans toutes ses phases le travail sécréteur de la glande.

Dès les premiers moments de l'expérience, le suc pancréatique coule limpide

comme de l'eau et présente une légère viscosité qui augmente par le refroidissement.
Au bout d'un certain temps, il sort moins abondamment et bientôt on voit la sé-
crétion se suspendre à peu près complétement; celle-ci se rétablit ensuite d'une
manière insensible, devient de plus en plus active, puis diminue et cesse de nou-
veau, pour reprendre son activité première, et ainsi de suite.

La sécrétion pancréatique, au lieu d'être continue et régulière, éprouve des
variations qui lui donnent un type intermittent : elle oscille, dans des limites
plus ou moins étendues, suivant l'état de la digestion. En général, il semble que son
maximum d'activité coïncide avec la fin d'une période de rumination et avec les
moments qui la suivent alors son produit s'élève souvent au chiffre de 200 à
270 grammes par heure, pour un boeuf de taille moyenne. Voici un tableau qui
résumé une expérience suivie pendant une semaine. Il donne une idée suffisante
de la sécrétion dans ses rapports avec l'état de la digestion.

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Tel est le résultat d'une expérience qui réussit à merveille et qu'il fut possible de suivre assez longtemps pour faire une étude minutieuse de la sécrétion pancréatique. Mais les choses ne se passent pas toujours ainsi. Le pancréas est une glande dont l'action se trouble et se suspend sous l'influence d'une irritation très légère. L'expérimentateur, malgré tout le soin qu'il peut mettre à se placer dans les meil leures conditions, ne doit pas s'attendre à jouir constamment du spectacle que donne la sécrétion lorsque ses phénomènes conservent leur régularité; il est exposé à des déceptions ou plutôt à des résultats qui s'éloignent de l'état normal. Indiquons ici les principaux, afin qu'on distingue bien les caractères typiques de la sécrétion de ceux qu'elle prend dès qu'elle vient à éprouver une perturbation plus ou moins considérable.

Si l'on établit la fistule, à un de ces moments pendant lesquels la sécrétion est suspendue ou extrêmement ralentie, on trouve le canal flasque et affaissé, et rien ne s'écoule par le tube qu'on y fixe à l'aide d'une ligature; la sécrétion ne s'établit que quatre, cinq, six heures après que l'appareil a été fixé; quelquefois même elle ne s'établit qu'après plusieurs jours, bien que les animaux mangent et ruminent à peu près comme dans les circonstances ordinaires. Ainsi elle n'avait pas encore repris son activité au bout de vingt-quatre heures chez un taureau très vigoureux, et au bout de quarante-huit heures chez une vache; enfin elle ne commença à donner des quantités appréciables de liquide que le cinquième jour chez un petit taureau d'un an, dont les fonctions digestives ne furent point suspendues.

Si, au contraire, la sécrétion est active lorsqu'on fait la fistule, le liquide coule immédiatement, dès que le tube est placé, ou il commence à couler au bout d'un quart d'heure, car il peut arriver que les manipulations de l'expérience déterminent une suspension momentanée dans l'action de la glande. Alors la sécrétion présente, pendant un certain temps, les caractères ordinaires. Bientôt elle augmente graduellement et n'éprouve ni arrêt ni oscillations marquées. Ce signe de mauvais augure indique que le pancréas s'irrite et s'enflamme. Aussi la sécrétion, après s'être exagérée graduellement pendant vingt, vingt-quatre, trente heures, s'arrête presque tout à coup et demeure suspendue deux, trois, quatre jours, après lesquels on voit s'échapper des flots de suc pancréatique limpide, non visqueux, charriant des débris d'épithélium.

Ce dernier résultat est assez fréquent, car l'irritation de la plaie abdominale et celle du canal excréteur se propagent à la glande, dans une étendue plus ou moins considérable, bien que celle-ci n'ait été ni froissée ni déplacée. Nous verrons qu'il se reproduit avec une exagération telle chez le cheval, le mouton, le chien et le porc, que les véritables caractères de la sécrétion sont tout à fait masqués, et qu'ils eussent longtemps échappé aux investigations des physiologistes sans les heureuses conditions que présentent les animaux ruminants.

Enfin, dans tous les cas, soit que la sécrétion se trouve suspendue, soit que son produit s'échappe à l'extérieur pendant un certain temps, le canal se coupe au niveau de la ligature, le tube tombe six, huit jours après l'opération; il se forme un épanchement qui cerne les extrémités du conduit divisé, et bientôt celui-ci se cicatrise et se rétablit avec un diamètre peu différent de celui qu'il avait primitivement, ainsi que je l'ai constaté deux fois sur le veau et le taureau. L'animal qui n'a

pas cessé de manger et de ruminer, guérit très promptement, comme si les parois abdominales seules eussent été divisées.

C'est par une suite d'expériences faites dans diverses conditions, c'est par une série de combinaisons bien calculées, qu'on arrive à démêler les phénomènes réguliers de la sécrétion, des phénomènes insolites et exceptionnels qu'elle peut présenter. Comme une sorte de protée, elle revêt différentes formes, parmi lesquelles il faut reconnaître celle qui appartient à l'état normal.

Chez les solipèdes (1), la sécrétion pancréatique est fort difficile à étudier. Le pancréas de ces animaux est profondément situé au-dessous de la colonne vertébrale. Son canal excréteur est enveloppé par la glande jusqu'à son insertion et il a des parois excessivement minces. Pour aller le chercher, il faut ouvrir largement le ventre, sur la ligne médiane, depuis le sternum jusqu'à 20 ou 30 centimètres du pubis, faire sortir de la cavité abdominale une partie du côlon, inciser le duodénum sur une étendue de trois à quatre travers de doigt, puis engager une sonde à bourrelet dans le canal, et l'y fixer au moyen d'une ligature très serrée qui embrasse l'extrémité inférieure de la glande; enfin il faut replacer l'intestin et fermer par une suture de ruban la plaie des parois de l'abdomen.

Ce procédé que de Graaf employa le premier sur le chien, réussit à MM. Leuret et Lassaigne sur le cheval. Il m'a permis une fois, après trois tentatives infructueuses, de recueillir une assez grande quantité de suc pancréatique. L'expérience fut faite sur un cheval qui avait mangé du foin et de l'avoine plusieurs heures avant que la fistule fût établie. Dès que le duodénum fut ouvert, et qu'une petite éponge fut engagée à l'ouverture pylorique pour prévenir l'expulsion du chyme, je vis très distinctement le liquide s'échapper en nappe et par saccades par l'orifice du canal. Une fois que la sonde munie de son ampoule de caoutchouc fut fixée, le liquide descendit dans celle-ci, même avant qu'on eût relevé l'animal. Voici le produit de la fistule depuis le commencement de l'expérience jusqu'au moment de la suspension de la sécrétion.

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(1) G. Colin, Expériences sur la sécrétion pancréatique du cheval, du porc et du moulon (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 28 juillet 1851, t. XXXIII).

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