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A la force il joint la valeur,
Nous en ferons un militaire,
Mauvaise tête avec bon cœur,
C'est pour réussir à la guerre.

Soldats Français, etc., etc.

Tressan traduisit aussi le Roland de l'Arioste ; il fit cette traduction en six mois, aussi n'est-elle pas bonne. Ce fut cependant son principal titre lorsqu'il se présenta à l'Académie française, ce fut du moins celui de ses ouvrages sur lequel l'abbé Delille, alors président de l'Académie, appuya le plus. L'Abrégé d'Amadis, de Gérard de Nevers, de Jehan de Saintré, d'Huon de Bordeaux, dont le sujet a inspiré un joli poème à Wieland, et une admirable musique à Weber, me semblent pourtant bien supérieurs à la traduction de Roland. Du reste, Tressan avait une triple excuse, son âge, la goutte, la difficulté de faire passer dans la prose française la grâce harmonieuse des octaves italiennes.

Tressan avait pris au sérieux la profession d'homme de lettres, l'Académie française était devenue son bâton de maréchal, aussi apprit-il sa nomination avec bonheur. Sa joie fut d'autant plus vive qu'il pouvait redouter un échec. Avec son humeur satirique il s'était fait plus d'un ennemi parmi les quarante, il se rappelait surtout certaine épigramme décochée jadis au duc de Nivernois. Celui-ci toutefois vota pour notre auteur, et Tressan étant allé

le remercier, le spirituel duc lui dit en le reconduisant: << Monsieur le comte, vous voyez qu'en >> vieillissant on perd la mémoire. »

Tressan, dans le désir de suivre assidûment les séances de l'Académie, vint se fixer à Paris dans l'année de sa réception, en 1781. Il mourut en 1785, des suites d'une chute qu'il avait faite en revenant de St.-Leu.

Les dernières pensées de Tressan furent pour sa famille qu'il recommanda aux bontés du roi... Un seul des enfants de notre romancier a laissé quelques traces. Durant la révolution il voyagea en Angleterre et en Russie. Rentré en France il publia le Chevalier Robert, ouvrage posthume de son père, une traduction des sermons de Hugues Blaire et quelques autres productions. Cet écrivain, connu sous le nom d'abbé de Tressan, mourut en 1809.

X

PIERRE GRINGORE.

A la fin du XIVe siecle les représentations dramatiques se divisaient déjà en trois branches. On avait les mystères joués par les Confrères de la Passion, les Moralités jouées par les Confrères de la Bazoche, et les Sotties jouées par les Enfants SansSouci. Cette congrégation joyeuse se forma sous le

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On trouve cette phrase inconcevable dans une histoire récente du Théâtre français :

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Après les troubadours et les balladins employés dans les di>>vertissements de Charles V, Charles VI, Charles VII et Louis XI, » on vit s'établir des pélerins revenant des croisades lesquels, comme on sait, pour exciter la charité des peuples, représentèrent les » mystères de la religion. » Ce n'est pas tout à fait ainsi que les

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règne de Charles VI. Elle eut bientôt ses lettrespatentes, son organisation hiérarchique, son chef nommé le Prince des sots, son costume à capuchon orné d'oreilles d'ànes, et ses représentations aux halles. Des parades composérent d'abord le répertoire de cette nouvelle confrérie, ensuite elle obtint la permission de représenter des farces et des moralités. Un peu plus tard elle triompha des confrères de la Passion et des confrères de la Bazoche, et put faire hardiment crier l'annonce de son spectacle dans les rues de Paris:

Sots lunatiques, sots étourdis, sots sages,
Sots de villes, sots de châteaux, de villages,
Sots rassotéz, sots nyais, sots subtils,
Sots amoureux, sots privés, sots sauvages,
Sots vieux, nouveaulx, et sots de tous les ages,
Sots barbares, estranges et gentils,

Sots raisonnables, sots pervers, sots retifs,
Votre prince sans nulles intervalles

Le mardi gras jouera ses jeux aux halles.

choses se passèrent. Quand Charles V monta sur le trône il y avait plus d'un siècle qu'il n'existait plus de troubadours, mais en eut-il existé encore, il est probable qu'ils n'auraient pu amuser ni Charles V ni ses successeurs, attendu que lesdits troubadours ne s'exprimaient pas en français mais en langue d'oc. Il me semble aussi trèsdifficile que des pélerins soient revenus des croisades après Louis XI, c'est-à-dire en 1483, c'est-à-dire plus de deux cents ans après la dernière expédition de saint Louis. Ces bons pélerins avaient peutêtre rencontré la Fontaine de Jouvence ou découvert le secret du comte de Saint-Germain.

Analectabiblion, t. Ier, p. 258.

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