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» et hucha et appela sa feme et dist: Douce amie >> estes vous laiens, parlez à moi por Deu, et li dame » ne dist mot, si entra en sa maison al plus coie>ment qu'ele pot, et monta en la losge et vint as >> fenestres et dist: Sires vieillars je ne suis pas el >> puch, ains suis en ma loge comme preude feme, » mauvais lechieres vous vorriez or que je fusse » morte, mais je ne le suis pas, ore est aperte et connue votre ribauderie n'estoi-je pas assez bele » en droit de vous? Haa! tres douche amie je le

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faisoie pour vous castoier. Por Deu aiez merchi » de moi, laissiez moi ens. Si m'ait Deu, fet ele, » vos ni entrerez. Ha! bele suers ja sonnera couvre » fus et si je sui chi trovés je serai menés en pri» son et demain fustés aval la ville. »

Le pauvre mari eut beau continuer ses plaintes, sa femme resta sans pitié et les choses se passèrent comme il l'avait appréhendé. Le couvre-feu étant sonné, le vavasseur fut arrêté par le guet, conduit en prison, et le lendemain fouetté publiquement.

Le fragment que nous venons d'extraire est presque entièrement le troisième acte de Georges Dandin; toutefois il est probable que Molière ne lut pas dans le livre des sept Sages le conte dont il devait tirer un si grand parti. Un trouvère, d'Anfol, fit de ce conte le fabliau de la Femme qui ayant tort parut avoir raison. Boccace et d'autres romanciers

Débauché.

italiens s'en emparèrent ensuite, et par ces derniers il arriva sans doute à Molière '.

Ce ne fut pas seulement en France que la fiction de Dom Jean donna lieu à des imitations et obtint un grand succès.

Dans le xve siècle le roman des sept Sages fut publié à Anvers sous ce titre : Historia calumniæ Novercalis quæ septem sapientium inscribitur. En 1492 et en 1494 il parut à Genève une traduction française de ce livre. Une traduction allemande en avait été faite dans le XIVe siècle ; deux siècles après, François Modius en donna une imitation en latin, Ludus septem sapientium. Le livre des sept Sages passa aussi les Pyrénées et les Alpes, et Gli componimevoli avenimenti di Erasto figlio di Diocletiano furent retraduits en français, la première fois en 1568, la dernière fois en 17092. En 1828 M. Boissonnade fit paraître l'imitation grecque qu'un chrétien appelé Andreopulos écrivit d'un ouvrage syriaque dont le sujet est le même que celui de Sindibad. Enfin en 1838 M. Leroux de Lincy

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Ce conte se trouve aussi dans un livre intitulé: Disciplina Clericalis, livre écrit tout au commencement du XIe siècle, traduit sous le titre de Discipline de Clergie, et imité en vers sous celui de Castoiement, C'est probablement de la Discipline de Clergie que l'histoire du pauvre Vavasseur a passé dans le roman des sept Sages et dans tant d'autres recueils.

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publia le roman en prose des sept Sages de Rome1. On le voit, Le Grand d'Aussy n'a pas eu tort de dire que cette production peut se glorifier d'une des plus heureuses destinées qu'aucun livre ait jamais obte

nues 2.

Quant au poème d'Herbers il n'en existe qu'un manuscrit complet à la Bibliothèque royale, et jamais il n'a été imprimé. Dolopatos mériterait cependant de voir le jour, c'est une des œuvres les plus importantes du XIIIe siècle.

Nous ne connaissons que le titre de cette publication: Essai sur les fables indiennes par A. Loiseleur Deslongchamps, suivi du roman des sept Sages, en prose, etc., par Le Roux de Lincy. 2 Fabliaux, t. III, p.

152.

JEAN BARCLAY.

QUE d'écrivains dont les noms seraient célèbres ou du moins connus s'ils ne se fussent méfiés des forces de leur langue maternelle, et que seraient devenus Montaigne et Rabelais s'ils eussent voulu s'exprimer en latin? C'est pour s'être emparé de l'idiome de Pétrone que Barclay est tombé dans l'oubli. On se rappelle encore l'Astrée, et peu de personnes ont entendu parler d'Euphormion et d'Argenis. A Pont-à-Mousson on chercherait peut-être longtemps avant de rencontrer quelqu'un qui sut le nom de l'auteur de ces deux ouvrages.

Ce fut cependant dans cette ville que Jean Barclay naquit le 28 janvier 1582. Sa mère était de la maison de Malleville, son père, Guillaume Barclay, descendait d'une illustre famille écossaise. Il avait quitté Aberdeen sa patrie pour venir étudier en France, sous Cujas, et avait été nommé professeur en droit à l'université de Pont-à-Mousson. Le duc de Lorraine, Charles III, prenant en affection le savant étranger, lui confia ensuite les charges de maître des requêtes et de conseiller d'état.

La faveur dont jouissait Guillaume Barclay ne devait pas être très-durable. En 1602, un jésuite, le P. Brossard, chancelier de l'université, désapprouva une proposition que le juriste écossais avait insérée dans son livre de l'Origine du domaine; Guillaume Barclay, contrarié de cette désapprobation, voulut faire revivre un ancien réglement qui établissait un chancelier particulier pour l'université, il accusa les Jésuites de s'arroger injustement cette attribution, et demanda qu'on la rendit au corps des jurisconsultes. Le duc se prononça en faveur des Jésuites, et Guillaume irrité de cet échec quitta la Lorraine et se rendit en Angleterre avec son fils.

Jacques Ier y régnait alors; il venait de succéder à l'implacable rivale de sa mère. C'était un homme singulier que ce prince en qui rien ne rappelait les chevaleresques vertus de ses ancêtres, qui tremblait à la vue d'une épée dégainée, et, plus pédant que roi, composait d'étranges ouvrages de polémique religieuse.

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