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Il y avait alors à Strasbourg un jeune officier d'un esprit élevé, d'une figure charmante, dont le nom dignement porté encore aujourd'hui, rappelle un autre nom non moins estimé, celui de Pastoret. Ce jeune officier que l'on me fait une obligation de ne désigner que par une initiale, M. de V***, exerçait un empire absolu sur Mlle Guérin, première actrice du théâtre de Strasbourg. Le procureur syndic du département du Bas-Rhin était fortement épris de Mlle Guérin et complètement rebuté. M. de V***, entraîné par le noble désir de sauver une famille, sacrifie à ce désir les intérêts de son attachement, il demande à Mlle Guérin d'obtenir du procureur syndic qu'il avisât au moyen d'arracher le baron de Bock au sort qui le menaçait.

L'actrice réussit; le procureur syndic se rendit à la commune, dit qu'un émigré se trouvait arrêté, et que d'après la loi qui venait d'être rendue on serait obligé de le faire fusiller s'il était encore sur le territoire de la république lors de la promulgation de cette loi; il ajouta qu'il y aurait injustice à l'empêcher de s'y soustraire, qu'ainsi il fallait l'expulser. La déportation fut décidée et exécutée le jour même. Une berline et une chaise de poste reçurent la famille exilée qu'un officier de gendarmerie et un maréchaldes-logis conduisirent à la frontière.

Depuis cette époque jusqu'à 1800 le baron de Bock, retiré en Allemagne, s'occupa de la traduction de divers ouvrages et mit la dernière main à

son Histoire du tribunal secret, qui fut publiée en 1801.

Rentré en France, Bock n'y retrouva plus rien de sa fortune. Une parente dont la généreuse amitié lui tint lieu de tout ainsi qu'à sa famille, l'accueillit à Arlon qui, alors, faisait partie de la France. Plus tard une place de conseiller dans le département des Forêts fut offerte à Bock qui l'accepta. Peu d'années après, en 1809, il mourut à Arlon, laissant le plus honorable souvenir.

Le baron de Bock était doué d'un caractère affectueux et plein d'agrément. Il eut des relations avec Goethe, avec Wieland, et fut mis par son parent le comte de Lacépède, en rapport avec Buffon, qui cite deux lettres que notre écrivain lui avait adressées. En 1789, Bock avait fait partie, en qualité de commissaire, de l'assemblée de la noblesse; il y avait pris vivement la défense de Roederer que l'on voulait chicaner sur ses titres, et celui-ci garda un souvenir reconnaissant de ce procédé. Durant l'émigration Bock dut à son esprit aimable, aux qualités de son cœur, de vivre durant un hiver dans une sorte d'intimité avec l'archiduc d'Autriche, archevêque de Cologne, frère de la belle et malheureuse Marie-Antoinette. A Carlsruhe, où il avait été parfaitement accueilli par le margrave de Bade, Bock inspira aussi une vive amitié à l'envoyé de la rẻ

OEuvres de Buffon, t. II, p. 256, édit. in-12, Paris, 1782.

publique française, M. Massias, homme d'un rare mérite.

Outre les différents ouvrages qui ont été indiqués dans le cours de cette notice, on a encore beaucoup de productions du baron de Bock. Je citerai la petite chronique du royaume de Tatoiba, traduite de Wieland; les Chevaliers des sept Montagnes; l'Histoire de la guerre de sept ans; les Mémoires sur Zoroastre, sur Confucius, et l'Essai sur l'Histoire du Sabéisme. On a aussi attribué au baron de Bock plusieurs romans écrits en allemand: Thekla de Turn, Walter de Montbary, la belle Abelina, Bruno d'Elzembourg, et les Aveux d'un prisonnier. Ces quatre dernières compositions sont, à ce qu'il paraît de Mme Bénédicte Naubert.

<< Tous les ouvrages que l'on a du baron de Bock, > dit Pigoreau, soit comme auteur, soit comme tra>> ducteur, sont généralement recherchés. »

Le baron de Bock fut le premier à deviner quelle mine féconde c'était que le moyen-âge; il mit la main sur cet abondant filon qui, plus tard, devait enrichir Walter-Scott, et il nous fit tout à la fois tourner les yeux vers la littérature allemande alors bien peu connue en France. Il y aurait eu injustice à ne pas consacrer ici quelques pages à un écrivain estimable dont l'influence sur notre littérature actuelle a été reconnue par Ch. Nodier.

Le baron de Bock a laissé deux fils; l'un qui fut nommé en 1816 chef de la première division de la

grande chancellerie de la légion d'honneur, s'est retiré en Touraine lors de la révolution de 1850; l'autre, mort il y a quelques années, a publié diverses anciennes poésies françaises, le débat de deux Demoyselles, la Vie de saint Harenc, et quelques autres pièces du xve siècle. '

Paris, imprimerie de Didot, 1825.

DOM JEAN ET HERBERS.

nom,

Voici deux noms dont souvent on n'a fait qu'un deux écrivains que l'on a plusieurs fois confondus en un seul poète. L'un composa en latin le livre des sept Sages, l'autre imita cet ouvrage en vers français. Le peu de détails biographiques que l'on a sur Dom Jean et sur Herbers, leur contemporanéité, l'identité de leur état et surtout la ressemblance des sujets qu'ils traitèrent, telles sont les excuses que l'on peut trouver à cette erreur.

1

Claude Fauchet la commit le premier; elle a été répétée par Dom Calmet (Bibliothèque Lorraine, article Hebers), par les Bénédictins. (Histoire de Metz), par M. de Viville (Diction

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