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<< Rachel de Warnhagen a raison : il n'y a rien » de nouveau, il n'y a que de nouveaux hommes qui >> refont de vieilles choses. » Vous le voyez, M. Châm tel n'a pas même eu le mérite d'inventer une absurdité; l'abbé Châtel n'est que le plagiaire des théophilanthropes.

Comment Palissot qui aimait tant à chercher des ridicules, n'a-t-il pas parlé du nouveau culte dans la Dunciade? comment n'a-t-il pas ri de ces profanations à la fois dégoûtantes et burlesques?

Hélas! Charles Palissot de Montenoy était l'un des pères de la nouvelle Église. En 1791, il avait publié un livre devenu sacré pour les théophilanthropes : Questions sur quelques opinions religieuses.

Palissot revint plus tard de ses erreurs. Le 15 juin 1814, il mourut à Paris dans les plus grands sentiments de piété. On ne peut attribuer cette conversion à l'affaiblissement de ses facultés intellectuelles, car la vieillesse ne lui enleva rien de son esprit déjà fort âgé, il avait publié les œuvres de Voltaire, celles de Corneille, et à quatre-vingt-deux ans on l'avait vu prendre avec une chaleur toute juvėnile la défense de Lebrun-Pindare attaqué par Dussault.

Palissot ne fut pas membre de l'Académie francaise; là cependant eut été sa place plutôt qu'au conseil des cinq cents où le département de Seineet-Oise l'avait envoyé en 1798.

Dire que Voltaire redoutait Palissot, c'est dire

que Palissot était loin d'être un écrivain vulgaire. Que lui a-t-il donc manqué pour s'élever à un rang tout à fait supérieur ? sans doute plus de fixité dans les idées. Il est à regretter que Palissot n'ait pas dirigé toutes ses études vers un même but, qu'il ait éparpillé son intelligence dans tant de formes diverses. Peut-être aussi, aux jours de lutte dans lesquels il vécut, une forte conviction, ou religieuse, ou politique, eût-elle contribué à développer son talent. » Une lumière dans une chambre, » a dit Jean Paul, << peut garantir de l'éblouissement causé par les » éclairs qui embrasent la voûte céleste. Il suffit » de même d'une seule idée qui nous éclaire et nous > dirige intérieurement, pour ne point être aveuglé > par les flammes rapides qui se succèdent au de> hors. >

LE CHEVALIER

DE BOUEELERS.

Si j'avais entrepris dans ma jeunesse, c'est-à-dire il y a quelque trente à quarante ans, de faire une notice sur le chevalier de Boufflers, je ne sais comment je l'aurais écrite; mais, à coup sûr, elle eût porté l'empreinte des plus vives sympathies pour notre aimable compatriote, et selon mes convictions

Cette notice fut écrite pour la Revue d'Austrasie par le comte de Puymaigre, père de l'auteur. Elle complète trop bien ce que l'on a dit précédemment sur les écrivains Lorrains du xvire siècle, pour ne pas être publiée de nouveau dans ce volume.

(Note de l'Editeur.)

d'alors, il serait soudainement devenu sous ma plume enthousiaste un homme de génie, tout au moins un grand poète. Du reste, en l'appelant le Chaulieu, l'Anacréon de son temps, je n'aurais fait que répéter les éloges qui lui étaient prodigués par toutes les célébrités contemporaines. Mais aujourd'hui que les années m'ont impitoyablement dépouillé de mes illusions, que la froide analyse est venue tristement remplacer mes inspirations juvéniles, je suis obligé de reconnaître que cet engouement pour un homme qui passerait à présent presque inaperçu, tint surtout à ce que cet homme vint à point, qu'il fut l'expression de son temps, la personnification de cette époque de transition entre deux systèmes, « où, dit >> Châteaubriand, tout était dérangé dans les esprits

et dans les mœurs, signe certain d'une révolution » prochaine...................: où avec un quatrain, on devenait » illustre; » où, par une étrange confusion, par un bizarre amalgame, venaient se mêler à l'épigramme, au madrigal du jour, aux vers érotiques de l'école de Dorat, les investigations les plus hardies sur la religion, sur la morale, sur tout ce qui constitue la société; où enfin, par suite de l'éclatant reflet qu'exerçait alors une haute position dans le monde, un grand seigneur, s'il se montrait favorable aux utopies nouvelles, s'il allait applaudir aux tirades les plus acerbes de Beaumarchais contre les vieux préjugés dont il vivait, lui, grand seigneur, recevait en échange les flagorneries de cette coterie qui étouffa

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