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5°. Lévres béantes.

Il y a des gens qui par habitude ont continuellement les lévres ouvertes comme ce Prince, qui, étant un jour à la chaffe par une groffe pluye, fe plaignoit à les Officiers, qu'il lui pleuvoit dans la bouche, & qui s'attira pour réponfe, qu'il n'avoit qu'à la fermer. Avis qu'il eut bien de la peine à fuivre, tant il avoit contracté l'habitude du contraire. Les enfans ont fans ceffe les doigts dans la bouche, & la tiennent prefque tou„jours ouverte, ce qui fait que la coû tume s'en contracte de bonne heure; enforte qu'il n'eft pas étonnant que dans la fuite ils la confervent, fi des párens ne font vigilans à la prévenir. Au refte, l'habitude n'eft pas toujours ici à accufer, & fouvent le caractere des perfonnes contribue beaucoup à la difformité dont nous parlons. Il eft certaines gens à qui la feule vûë des objets qui les environnent, fait ouvrir la bouche, comme fi c'étoit la premiere fois de leur vie qu'ils viffent quelque chofe. Gens ftu pides en qui l'on ne remarque, pour ainfi dire, que la premiere apprehenfion ils ont toujours les lévres

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écartées, & ne peuvent non plus, fe corriger de cette difformité, que de leur imbécillité qui en eft la cause.

Il eft trifte de voir (comme il n'ar rive que trop fouvent ) des perfonnes d'ailleurs raisonnables & judicieuses, reffembler à gens de cette efpece, par le feul effet d'une habitude que des parens né. gligens leur auront laiffé contracter. C'est pourquoi l'on ne fçauroit trop recommander aux peres & aux meres, d'être vigilans fur ce point, & de ne jamais fouffrir que leurs enfans s'accoûtument ainfi à écarter les lévres, & à raffembler. à des imbécilles. Il faut cependant avoüer que ni l'habitude ni l'imbécillité, comme nous venons de l'obferver, ne font pas toûjours la caufe d'un tel défaut. Il y en a une autre très-commune & fort naturelle que voici.

Pour que la refpiration fe faffe librement & parfaitement, il faut que l'air entre & forte continuellement par les narines. On fçait la communication de ces. parties avec la bouche pour le paffage de l'air qui va aux poûmons. Il arrive fou vent que les finus, les glandes, ou les vaiffeaux excrétoires du nez, s'obftruent, & s'engorgent de maniere que l'air ne peut entrer par le nez dans la bouche Tome II. pour

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pour fuivre les routes qui conduisent aux poûmons. Ce paffage étant fermé ou bouché par des embarras, ou fi l'on veut, par quelque défaut de conformation, il faut alors que tout l'air néceffaire à la refpiration, entre par la bouche; & comme néceflairement & fans ceffe il faut re

fpirer, il faut auffi, dans le cas dont il s'agit, ouvrir néceffairement la bouche, & la tenir nuit & jour continuellement dans cette fituation, pour recevoir une plus grande quantité d'air. C'est ce qui fait que l'on contracte, fans qu'on puifle s'en difpenfer, la difformité d'ouvrir perpétuellement les lévres & la bouche, & d'avoir par conféquent la bouche béante. Un autre effet fâcheux de cet embarras, c'eft qu'on eft presque toûjours obligé de parler du nez. Si quelque défaut de conformation empêche l'air d'entrer, & de pénetrer par le nez dans la bouche, & qu'il s'enfuive une néceffité de tenir les lévres écartées, & la bouche ouverte, pour recevoir plus d'air, cette difformité, auffi-bien que celle de parler du nez, laquelle vient ordinairement de la même cause, est incurable; mais lorsqu'elle dépend de quelques obftructions dans les finus, dans les glandes, ou dans les vaiffeaux excrétoi

res

il

res du nez, enforte que cet embarras est un obftacle à l'entrée libre de l'air; alors y a des remédes. Ce font ceux qui amolliffent, qui relâchent qui ouvrent, qui fondent. De ce nombre eft le lait de vache mêlé avec du fuc de bette, de mauve, de pariétaire, de mercuriale, d'argentine, & de creffon. On introduit ce lait dans le nez le plus avant que l'on peut, & tout chaud, ou bien l'on fait cuire ces herbes dans du beurre frais, & l'on met de ce beurre dans le fond du nez..

Les obftructions dont nous parlons, font le plus fouvent des humeurs extré mement épaiffes; mais quelquefois auffi, ce font des pierres produites dans le nez. Ces pierres nazales, ainfi appellées du mot latin nafus, qui fignifie nez, ne paffent, pas chacune la groffeur d'un petit pois, & font enveloppécs d'une membrane qui fe rompt quelquefois d'elle-même, & laiffe échapper alors la pierre qu'elle contient, enforte qu'on eft tout étonné de moucher des pierres ; mais il eft rare que cette membrane fe rompe ainfi d'elle-même; le plus fûr eft de ne pas s'y attendre, & de chercher les moyens de la rompre doucement

& fans violence; je dis fans violence,. N &

car

car comme elle eft fort adhérente à l'organe, il eft à craindre qu'en la voulant déchirer on ne faffe quelque déchirement à l'organe même, ce qui eft à éviter. Comment donc s'y prendre? C'eft d'introduire dans le nez une petite barbe de plume, & de l'y agiter légérement. Cette légere agitation produit un chatouillement qui ébranle la pierre avec fon enveloppe; & cet ébranlement, pourvû qu'on ne s'impatiente point, & qu'on recommence plufieurs fois, dans le cours de quelque femaines, ce qui fe doit faire principalement les matins, donne occafion à la pierre de rompre peu à peu, la membrane où elle eft enveloppée, & de fortir, fi tant eft qu'elle n'entraîne pas en même tems avec elle, fon enveloppe.

La pierre, ou fi l'on veut, les pierres étant dehors, car quelquefois il en fort plufieurs enfemble, il faut tirer par le nez, quelques goûres de vin rouge, dans lequel on ait fait bouillir du miel rolat, de l'effence de myrrhe, avec des feüilles de mille-pertuis, & cela pour confolider la partie, en cas qu'elle ait un peu fouffert par ce détachement, qu'il ne faut au refte jamais procurer par des fternutatoires, c'eft de quoi on ne fçauroit trop fe garder.

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