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NOTICE

SUR

RENÉ DESCARTES

DESCARTES (René) naquit le 31 mars 1596, à la Haye (Indre-etLoire). Deux provinces de France se sont disputé la gloire de compter Descartes au nombre de leurs enfants, la Bretagne et la Touraine. Descartes appartenait à une famille originaire de cette dernière province; son grand-père l'avait quittée pour aller s'éta blir à Rennes, où il avait été nommé conseiller au parlement de Bretagne. Son fils, le père de Descartes, lui succéda dans cette charge de conseiller. Il demeurait habituellement à Rennes, et ce fut le hasard qui fit que Descartes ne naquit pas dans cette ville. La peste s'étant déclarée à Rennes, sa mère s'était retirée momentanément en Touraine : c'est là que Descartes est né; mais on l'a considéré quelquefois comme appartenant à la Bretagne, parce qu'il y a passé la plus grande partie de son enfance. A l'âge de huit ans, Descartes fut placé par son père au collége des jésuites, à

la Flèche. I embarrassa souvent ses maîtres par les objections qu'il leur proposait, et il montrait dès cette époque un tel penchant pour la méditation, que ses camarades l'avaient surnommé le philosophe. Il quitta le collége à seize ans et passa un an à Rennes, auprès de ses parents; ensuite il alla à Paris, où il se lia avec d'autres jeunes gentilshommes et e livra aux plaisirs de son âge, mais sans excès et sans désordre. En 1617, âgé de vingt et un ans, il se décida à céder aux sollicitations de son père, qui voulait le faire entrer au service. Il servit pendant quatre ans, d'abord dans l'armée de Maurice de Nassau, ensuite dans celle du duc de Bavière, qui était un des chefs du parti catholique dans la guerre de Trente ans. Il fit ensuite de grands voyages : il parcourut presque toute l'Allemagne, la Suède, le Danemark, la Hollande; puis il revint à Rennes, et de là à Paris. Malgré cette vie de voyage, Descartes trouvait toujours le temps de s'occuper de ses études. C'est même à l'époque où il était au service qu'il commença son Discours sur la méthode, son ouvrage sur la musique et quelques-uns de ses travaux mathématiques. Il regardait ses voyages comme un moyen de recueillir des observations philosophiques propres à le conduire peu à peu à un ensemble de connaissances certaines. Il nous en fait part lui-même dans son Discours de la méthode; il dit que les études qu'il avait faites à la Flèche ne lui avaient laissé que des doutes sur tous les sujets : c'est ce qui lui fit concevoir le projet d'abandonner les livres et de parcourir différents pays. Mais il reconnut bientôt que l'étude du livre du monde n'était pas propre à lui donner la certitude qu'il cherchait; car il vit qu'il y avait autant de diversité entre les coutumes des peuples qu'entre les philosophes. Il continua cependant ses voyages, qui pouvaient au moins l'aider à exécuter le projet qu'à cette époque il avait déjà formé, d'effacer de son esprit toutes les croyances qui ne reposaient chez lui que sur le préjugé et sur la tradition. «En toutes les neuf années suivantes, dit-il, je ne fis autre chose que rouler çà et là dans le monde, tâchant d'y être spectateur plutôt qu'acteur en toutes les comédies qu'y s'y jouent; en faisant particulièrement réflexion en chaque matière sur ce qui

pouvoit la rendre suspecte et nous donner occasion de nous méprendre, je dé acinois cependant de mon esprit toutes les erreurs qui avoient pu s'y glisser auparavant. »

Un fait remarquable raconté par les biographes de Descartes et qui se rapporte à la période de sa vie dont nous parlons, c'est une vision qu'il eut à l'époque où il commença ses réflexions sur la méthode. Il crut entendre une voix du ciel qui l'appelait à réformer la philosophie. On trouve des faits du même genre dans la vie de presque tous les grands hommes: Socrate croyait avoir un démon qui inspirait ses paroles et ses actes; Christophe Colomb croyait du fond de l'âme qu'une voix du ciel l'avait appelé à la découverte de l'Amérique; Bacon lui-même, avec son esprit si éminemment positif, attribuait ses découvertes à une inspiration divine. Il faut aussi remarquer le vœu que Descartes fit, à la même époque, d'un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, vœu qu'il exécuta plus tard. C'est une preuve, avec beaucoup d'autres, que Descartes ne voulait point renverser le catholicisme : il voulait séparer la philosophie de la théologie, et la rendre indépendante, majs sans porter aucune atteinte à la religion.

Nous avons dit que Descartes, en 1626, était arrivé à Paris, de retour de ses voyages. En 1628, il alla voir le siége de la Rochelle. Il s'engagea comme volontaire dans l'armée royale et servit en cette qualité jusqu'à la prise de la ville. En 1629, à l'âge de trente-trois ans, il se décida à se fixer en Hollande, pour s'y vouer tout entier à la méditation. A Paris, il était continuellement dérangé, soit par ses anciens amis, qui cherchaient à lui faire prendre part à leurs plaisirs, soit par les savants de la capitale, qui venaient constamment le visiter et le consulter. D'ailleurs, il avait le désir de vivre dans un climat plus froid que celui de la France. Il avait commencé à Paris un ouvrage sur les preuves de l'existence de Dieu, mais il n'en avait pas été satisfait, et il lui sembla que le climat de Paris ne lui faisait engendrer que des chimères. Pendan. vingt ans entiers Descartes séjourna en Hollande. A Amsterdam, il travailla d'abord à un traité de la lumière. Il donnait pour base à ses raisonnements le système de

Copernic sur le mouvement de la terre, et il abandonna son traité lorsqu'il apprit la condamnation de Galilée. On voit par la lettre où il raconte les faits, qu'il cédait en cela à un motif de prudence plutôt que de foi; car la condamnation des inquisiteurs romains n'étant pas confirmée par une bulle du pape ou par la décision d'un concile, il ne se croyait point obligé de renoncer à son opinion sur le mouvement de la terre.

En 1637, Descartes publia son Discours sur la méthode, avec la Géométrie, la Dioptrique et les Météores, applications de cette méthode qu'il réunit dans le même volume. En 1641, il publia ses Méditations métaphysiques. Ce sont là des dates importantes dans l'histoire de la philosophie.

Ce fut peu de temps après la publication du premier de ces ouvrages que commencèrent les persécutions dirigées contre Descartes en Hollande. Déjà un jésuite, le P. Bourdin, avait voulu faire condamner les doctrines de Descartes par le clergé français, mais il l'avait essayé sans succès. Le papisme protestant eut moins de tolérance que le catholicisme : un ministre nommé Gilbert Voëtius, recteur de l'Université d'Utrecht, accusa Descartes d'athéisme; Descartes et son disciple Leroy, professeur à Utrecht, répondirent à cette accusation. Voëtius porta plainte en calomuie devant le sénat d'Utrecht, qui déclara la réponse de Descartes diffamatoire et le somma de venir à Utrecht défendre ses ouvrages, que l'on menaçait de faire brûler par la main du bourreau. Descartes refusa d'obtempérer à cet ordre et s'adressa à l'ambassadeur de France, qui fit arrêter toute cette procédure par les États de la province. Quelques années plus tard, en 1647, les mêmes attaques furent renouvelées à Leyde, par deux théologiens protestants, Revius et Triglandius, qui accusaient aussi Descartes d'athéisme. Il porta plainte en calomnie devant les curateurs de l'Université de Leyde, qui, après de longues hésitations, finirent par lui rendre justice. Toutes ces persécutions déterminèrent Descartes à quitter la Hollande et à se rendre aux sollicitations de la reine Christine, qui l'engageait depuis longtemps à se fixer en Suède. En 1649, il partit pour Stockholm, où il fut reçu avec toutes sortes d'hon

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