Page images
PDF
EPUB

gnes; encore n'ai-je eu que la peine de les transcrire :

« Vous ne m'avez point réconcilié avec la » médecine; mais vous me forcez de convenir qu'il n'y a rien de plus estimable au monde

[ocr errors]
[ocr errors]

qu'un médecin qui, ayant dans sa jeunesse » étudié la nature, connu les ressorts du corps » humain, les maux qui le tourmentent, les re» mèdes qui peuvent le soulager, exerce son >> art en s'en défiant, soigne également les >> pauvres et les riches, ne reçoit d'honoraires qu'à regret, et les emploie à secourir l'indigent. * »

[ocr errors]
[ocr errors]
[merged small][graphic]

No XIII. 7 novembre 1815.

LE LANGAGE ET LA CONVERSATION.

Qui aut tempus quid postulet non videt, aut

plura loquitur, aut se ostentat, aut eorum quibuscum est rationem non habet, is ineptus esse dicitur. CICERO.

Celui-là est un sot et un impertinent qui parle sans égard aux circonstances et aux personnes avec qui il se trouve, qui s'empare de la conversation, et qui se fait le sujet de son propre discours.

MON ami l'Encyclopédiste est un excellent grammairien (dans la meilleure acception du mot), et l'un des hommes de France qui connaissent le mieux ce qu'on peut appeler l'art de la conversation. Un paradoxe qui lui est trèsfamilier, et qu'il soutient avec autant d'esprit que de logique, c'est que la langue française est, sans aucune comparaison, la plus belle des

langues modernes : peu s'en faut même qu'il ne lui donne la préférence sur le latin, qui manque, à son avis, d'euphonie et de clarté ; la langue française est, selon lui, celle qui se rapproche le plus du grec, c'est-à-dire de la langue la plus parfaite qu'aient jamais parlé les hommes. Je ne m'engagerai pas dans l'examen des raisonnemens et des preuves qu'il apporte à l'appui de son opinion; dans la discussion des moyens dont il se sert pour repousser les objections qu'on ne manque pas de reproduire sur cette quantité d'auxiliaires, d'articles, de prépositions, de pronoms amphibologiques, qui embarrassent notre langue et garrottent la pensée, si l'on peut parler ainsi, dans les liens de la phrase, quelquefois si difficile à construire. Une question de cette nature n'est pas de celles que l'on peut traiter sans ennui dans un article de journal; je me contente d'exposer sa proposition : << La langue la plus parfaite est celle qui réunit au plus haut degré la clarté, la douceur, la variété et l'élégance : la langue française est la plus claire, il n'y a qu'un avis sur ce point; elle est incontestablement la plus douce, car aucune autre n'offre un plus heureux mélange de consonnes

et de voyelles; elle est la plus variée, car elle se prête également à toutes les formes du style, à toutes les espèces de compositions en prose et en vers, dont elle offre des modèles achevés dans tous les genres; enfin elle est la plus élégante, car elle est dans toute l'Europe la langue de la bonne compagnie. Son universalité seule suffirait pour constater sa prééminence.

>>

En supposant, disais-je à mon philologue, que vous ayez eu raison il y a quarante ans, à l'époque où l'on parlait en France la langue de Bossuet, de Racine, de Montesquieu et de Voltaire, vous pourriez bien avoir tort aujourd'hui; car il me semble qu'il s'est fait aussi une révolution dans la langue française, dont je puis d'autant mieux juger, qu'absent de ce pays depuis tant d'années, les changemens survenus dans le langage sont plus frappans pour moi qu'ils surprennent, que pour vous qui les avez vus venir : c'est ainsi qu'on a peine à reconnaître, après une longue absence, un ami dont l'âge a changé les traits, et qu'en restant près de lui l'on n'aurait pas vu vieillir. Sans parler de quelques livres nouveaux en grande réputation parmi vous, et que j'ai toutes les peines du monde à

entendre, il m'arrive assez souvent de ne pouvoir suivre un entretien, faute de connaître la signification ou la valeur nouvelle des mots qu'on y emploie je lui citai pour exemple les deux petits dialogues suivans que j'avais écoutés, mais non pas entendus, la veille, chez Mme de Lorys: j'en ai sur-tout bien retenu ce que je n'ai pas pu comprendre avec le secours du Dictionnaire de l'Académie.

Dialogue en jargon à la mode entre la baronne A*** et le chevalier B***.

LA BARONNE.

Vous n'étiez pas hier aux Bouffes? C'est d'un ridicule achevé ! Il y avait un monde fou, et la Catalani a chanté à miracle.

LE CHEVALIER.

J'étais allé tout bêtement aux Français voir un début ; et puis, s'il faut vous le dire, Maame, votre opéra seria est ennuyeux à peste. Il est inouï' qu'on entende sans cesse vanter ces niaiseries musicales qui viennent expirer dans l'oreille à l'insu de l'esprit et du cœur ; il y a pour en mourir.

« PreviousContinue »