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Sans donner aux jeux une trop grande place dans l'éducation, nous ne pouvons donc leur refuser d'en faire partie, et nous conseillons à la mère attentive de s'en servir quelquefois comme d'auxiliaires pour la grande et difficile mission qu'elle a reçue de la Providence. Considérés sous ce rapport, les jeux n'ont plus rien d'inutile ou de trop, puéril. C'est pourquoi nous engageons les mères à y assister et même à les diriger le plus souvent qu'elles le pourront. Nous nous servirons, pour appuyer notre sentiment, de l'autorité d'un pieux écrivain': « Jouez et chantez avec vos enfants, dit-il, ou du moins voyez leurs jeux avec complaisance, et écoutez leurs chants d'un air satisfait, pourvu que rien n'y blesse la modestie. »

Cette complaisance de la mère n'ôtera rien à la gaieté des jeux; peut-être même que sa présence les rendra encore plus agréables, si elle les dirige de manière à prévenir les contestations et les froissements d'amourpropre qui ont lieu si souvent dans les réunions d'enfants. De leur côté, les enfants doivent être touchés et reconnaissants de voir un père ou une mère s'associer à ces jeux par pur dévouement.

Voici la division que nous avons donnée à notre recueil :

Première partie Jeux d'action, utiles surtout dans les récréations, pour délasser d'un travail sédentaire par le mouvement et l'exercice.

Deuxième partie Jeux avec jouets. Nous décrivons

1. Le P. Antoine de Lombez, Traité de la joie de l'âme chrétienne.

la forme et l'usage des jouets le plus fréquemment employés par les jeunes filles.

Troisième partie : Les Rondes, qui, comme jeux d'action, ont un rapport marqué avec les jeux de la première partie, mais qui en diffèrent parce qu'elles sont accompagnées de chants dont nous donnons les airs notés.

Quatrième partie : Jeux que l'on appelle Jeux d'esprit, qui se jouent entre plusieurs personnes sans employer d'objets matériels. Ils ont lieu ordinairement par demandes et par réponses. Il s'en trouve parmi ceux-là un certain nombre qui paraîtront peut-être trop simples, mais ils auront leur emploi quand il s'agira d'amuser les tout petits enfants, que leur âge exclut des jeux plus compliqués.

Un appendice placé à la fin de l'ouvrage expliquera les principes et les figures de la danse.

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Plusieurs enfants, en se tenant par la robe, figurent un troupeau de moutons, ayant la bergère à

1. Nous n'avons pas placé ce jeu parmi les rondes, parce qu'il n'est accompagné que d'une très-courte phrase de chant qui se

leur tête. Celle-ci chante, et les autres répètent après elle ces vers dont la rime n'est pas riche:

Promenons-nous, dans les bois,

Pendant que le loup n'y est pas.

Une de leurs compagnes, qui est cachée, figure le loup. Quand elles ont fait plusieurs tours, elles s'écrient: Loup, y es-tu? Le loup ne répond rien, et la promenade recommence aussi longtemps qu'il plaît au loup de ne pas accourir. Quand approche le dénoûment, l'émotion augmente, parce qu'il vient un moment où le loup s'écrie à son tour; Oui! en s'élançant hors de sa retraite. Alors les moutons fuient dans toutes les directions, et la bergère, qui ne peut pas être prise, se met autant qu'elle le peut devant le loup, afin de protéger son troupeau. Quand le loup s'empare enfin d'un des moutons, le jeu recommence, car le mouton devient loup à son tour; ou bien on peut convenir que le loup se saisira successivement de tous les moutons, et que ce ne sera que le dernier mouton qui prendra sa place1.

rattache à l'action, mais sans la diriger, tandis que les rondes dont se compose la troisième partie de notre livre sont pour la plupart de petites scènes qui se jouent ou se dansent à l'aide d'un chant presque continuel, qui en détermine les différentes parties.

1. Souvent, pour indiquer la personne qui dirigera le jeu, ou qui y remplira un certain rôle, on tire au sort, par le doigt mouillé, par pile ou face, ou par la courte paille. On sait assez ce que signifient ces différentes manières de tirer au sort, pour qu'il soit superflu d'en donner ici l'explication.

Ce jeu, si simple en lui-même, peut être varié par l'imagination des enfants. A la place du mouton poursuivi par le loup, quelquefois ils supposent une biche, si l'action se passe dans les bois, et aux différentes interpellations de l'animal féroce, la victime répond selon son courage ou sa frayeur. - Le Loup Je te mangerai! La Biche: Je me défendrai, ou, je me sauverai; etc.

Ce jeu, assez ancien, ainsi que nous le verrons plus tard, s'appelle Queue leuleu, parce que les enfants marchent à la suite les uns des autres, comme marchent les loups, qu'en vieux français on nommait leux. Cette terreur du loup date du temps où les forêts étaient plus nombreuses et peuplées d'un grand nombre de ces féroces animaux. Aujourd'hui, à l'exception de quelques départements très-boisés ou montagneux qui servent encore de retraite aux loups, les enfants sont rarement exposés à en rencontrer ailleurs qu'au Jardin des Plantes; cependant leur imagination, qui se figure si facilement les objets, agit quelquefois d'une manière très-vive dans ce jeu, et va jusqu'à la terreur au moment où le loup s'élance avec des hurlements à la poursuite des brebis fugitives.

Les enfants ne savent pas que des jeux qu'ils répètent, par imitation, leur viennent des temps les plus reculés, presque sans altération. Bien avant eux, bien avant leurs grands-pères, en remontant

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